Le Rire Médecin

On pourras sans aucun doute le regretter mais le nouveau film du poids lourd du box office hexagonale Dany Boon ne sortira pas en salles puisqu'il débarque directement sur Netflix . Avec 8 Rue de l'Humanité le réalisateur et humoriste nous replonge avec acuité et acidité dans le premier confinement de mars 2020 et nous inflige une salutaire piqûre de rappel sur nos psychoses et travers comportementaux de l'époque. Il faut rire de tout et Dany Boon prend cette maxime à bras le corps pour nous amuser de nos pires craintes , la maladie et la mort.

8 Rue de l'Humanité nous plonge donc dans un petit immeuble parisien qui se retrouve comme toute la France confiné suite à la pandémie de la Covid et aux annonces du président de la république en mars 2020. Les habitants qui vivent ensemble sans pour autant se connaître vont devoir apprendre à se supporter.

Moins de 19 mois après les événements Dany Boon s'attaque donc à un sujet qui bien que partiellement éclipsé par la politique reste d'une actualité brulante . Après quelques magnifiques plans aériens d'un Paris complètement désert, nous nous retrouvons donc dans la micro société de cet immeuble . L'occasion pour Dany Boon de brosser à travers quelques personnages pittoresques et caricaturaux juste ce qu'il faut, quelques grandes lignes fondamentales des comportements humains face à l'épidémie. Dany Boon interprète avec une certaine finesse un hypocondriaque fatalement rongé par l'angoisse de tomber malade reprenant partiellement ses obsession d'auteur déjà exposées dans le film Supercondriaque en 2014. On retrouve aussi François Damiens qui incarne un magnifique beauf symbole de toute la suffisante arrogance de celles et ceux qui ne voulaient pas même croire à la véracité de l'épidémie . L'acteur belge est absolument hilarant lorsqu'il se promène en slip chez lui sans même se rendre compte que son fils est en vidéoconférence avec sa maîtresse d'école . Car le film va par la finesse de son écriture nous rappeler de nombreux souvenirs, plus ou moins bons, brassant par l'humour une bonne partie du spectre de ce que nous avons tous traversé. Les courses laissées sur le palier, les devoirs à la maison, les galères du télé travail, les attestations, les adolescentes qui pètent les plombs, les chansons anti-covid sur Youtube, la prise de poids, les angoisses, les excuses pour sortir, le besoin de se retrouver, la pénurie de masques, l'expédition des courses, le gel hydroalcoolique … On pourrait croire que Dany Boon empile les clichés mais à la manière des plus grand satiristes il ne fait que nous inviter à rire avec beaucoup de recul de notre propre bêtise. Et puis comment ne pas parler de l'extraordinaire performance de Yvan Attal en savant fou à la recherche d'un vaccin, un personnage haut en couleur à la professeur Raoult mais en version burlesque assez hilarante d'autant plus que le comédien toujours sur le fil n’hésite jamais à flirter avec le ridicule pour nous amuser. J'ose le dire quitte à choquer les puristes et les pisses vinaigre il y-a du Jim Carrey dans sa performance. De situations amusantes en dialogues savoureux comme « Je ne suis pas asymptomatique je suis catholique » Dany Boon pousse le curseur pour s'amuser de ce qui nous aura tant fait souffrir. Vous n'êtes pas prêt d'oublier ce coach sportif un peu crétin qui pense que la chanson Pandémie de sa petite amie parle du Pain de Mie.

Mais au delà de l'humour Dany Boon sait aussi manier avec beaucoup de tact et de finesse l'émotion et même la dénonciation d'une certaine hypocrisie symbolisée ici par une jeune femme d'origine étrangère qui sera dénoncée par ses voisins pour enfreindre le couvre feu. Je vous laisse découvrir la finalité de cette subtile sous intrigue afin de ne pas vous spoiler toute l'émotion et la force dénonciatrice qui en découle. Humaniste à l'image de son titre le réalisateur de Bienvenue Chez les Ch'tis offre à tous ses personnages de fines couches de sincérité et d'émotion transformant quelques personnages un peu brut de décoffrage comme celui interprété par François Damiens en des êtres finalement bien plus complexes . Le film n'oublie pas non plus de saluer le personnel hospitalier, les caissières et même les éboueurs mais aussi les petits commerçants au désespoir de leur commerce fermée comme ce petit bar tenue par une vieille femme généreuse interprétée par Liliane Rovère . Et comme il faut toujours une lueur d'espoir pour éclairer les sombres nuages d'un avenir incertain Dany Boon nous offre comme cerise sur le gâteau une touchante et tendre histoire d'amour entre deux gamins. Il y-a donc beaucoup de sourires, de rires et d'humanité au sein de cette immeuble mais également énormément d'émotion à l'image d'un final bouleversant durant lequel le réalisateur n'appuie jamais ses effets pour nous tirer pourtant de chaudes et sincères larmes de tristesse.

Il faut rire de tout c'est même mon médecin qui me l'a dit en me disant que j'étais atteint du Covid et que cela risquait d’entraîner une très sévère mais heureusement pas irrémédiable perte de goût.