2001 Maniacs
5.3
2001 Maniacs

Film de Tim Sullivan (2005)

Depuis plus de dix ans que le cinéma d'horreur s'est offert une belle renaissance commerciale (que nous espérons définitive), Hollywood s'amuse à déterrer l'une après l'autre toutes les franchises du genre, dans l'espoir de les remettre au goût du jour. Fouiller dans les archives du gore est du pain béni pour les studios, qui réalisent bien vite que ce ne sont pas les films qui manquent, et que chacune de ces bandes a su conserver sa communauté de fans pendant plusieurs décennies. Ajoutez à celà le fait qu'en reprenant un film déjà existant les producteurs évitent de prendre le risque d'un scénario original, et vous obtiendrez la parfaite stratégie pour s'assurer un certain succès au box-office, puisqu'il s'agit comme toujours de caresser en même temps les purs novices et les fans old school dans le sens du poil.
Parmi tous les réalisateurs du genre susceptibles de voir leurs oeuvres jetées dans l'engrenage, Hershell Gordon Lewis est définitivement celui qui ne pouvait pas échapper au phénomène du remake. En 2002, l'homme considéré comme l'inventeur du cinéma gore est de nouveau sur le circuit de l'horreur grâce à Blood Feast 2. Alors que ce film est perçu comme un retour aux sources, certes bancal, mais toutefois honnête, il parait évident que Two Thousand Maniacs, second véritable succès du cinéaste, va lui aussi bénéficier un jour où l'autre d'un lifting pelliculé.
C'est rapidement chose faite avec le novice Tim Sullivan, qui souhaite nommer son long-métrage 2001 Maniacs par rapport à l'année à laquelle il prévoyait de le sortir. Faute de moyens, le film restera pourtant dans les tiroirs des projets avortés, jusqu'à ce qu'en 2003 Eli Roth, fort du succès de Cabin Fever, ne participe à la moitié du financement du film.
 Au premier abord, il peut sembler logique que Roth se penche sur un tel projet, tant son film et 2001 Maniacs semblent avoir en commun une approche à mi-chemin entre la parodie et le thriller horrifique tout ce qu'il y a de plus sérieux. Mais si Cabin Fever se plaisait à laisser la frontière entre les deux univers ouvertes, jusqu'à ce que ceux-ci s'entremêlent pour laisser une liberté totale au ressenti du spectateur, le film de Sullivan apparait plutôt comme un parfait petit manuel de ce qu'il ne faut pas faire, dans un registre plus difficile à maîtriser qu'il n'y paraît.

Le pitch de 2001 Maniacs est à peu de choses près le même que son vieux modèle. Trois étudiants fuient leurs obligations universitaires pour se rendre en Floride où l'on boit du lait de coco mais aussi du lait de kiki. Après avoir pris une déviation, ils atterissent dans la mystérieuse bourgade de Pleasant Valley qui célèbre en ce moment-même son anniversaire. Buckman, le maire interprété par Robert « Les Griffes De La Nuit » Englund, les accueuille et les invite à rester.
Film moderne oblige, Tim Sullivan se sent forcé d'injecter un zeste d'histoire à son remake, là où Lewis avait choisi de se concentrer uniquement sur le coeur de son concept. Cette mise en place qui aurait pu créer un semblant de suspense ou permettre une montée progressive en adrénaline, ne sert au final qu'à nous donner un parfait avant-goût des faiblesses du métrage, en plus de nous apprendre que les petites merdes à belles gueules que nous suivons sont portés sur la bouteille. Alors qu'on apprécie l'originalité du concept d'étudiants sans cervelle, plus de 10 minutes se sont écoulées...

Unanimement applaudi à sa sortie par une critique qui répétait que Two Thousand Maniacs ne cessait de prendre de l'âge, ce que l'on ne peut décemment pas nier, le film de Sullivan pose involontairement la question suivante: est-ce que reprendre un film considéré comme dépassé est-il moins risqué que mettre sur pied une nouvelle version d'un chef d'oeuvre encore dans les coeurs de tous les fans? La réponse est bien évidemment positive, et c'est peut-être la seule raison qui pourrait expliquer un tel engouement pour ce qui apparait comme une bande ridiculement plate, à tous les niveaux...

Le film suit scrupuleusement la structure narrative de son modèle, remettant ainsi en cause son utilité même, à tel point que le plus grand mérite de 2001 Maniacs est de mettre en avant le fleuron du genre auquel il est directement rattaché. Sullivan commet de plus une grossière erreur d'interprétation du film de Lewis, puisque là où certains ont su voir en Two Thousand Maniacs une oeuvre inventive réunissant de manière alors inédite un si grand nombre de psychopathes, ainsi qu'un festival de trouvailles carrément avant-gardistes et parfois flippantes, Tim Sullivan n'y voit que du fun, du fun, et seulement du fun.
Pourtant de mise dans le film original, ici le dépaysement n'opère donc pas une seule seconde. Jusqu'à ce que les massacres ne commencent, les tableaux s'enchainent et nous entrainent dans un univers qui, en plus d'être ennuyeux au moment où il est supposé être accueillant, tombe dans l'énumération facile de clichés infects. Au service de cette overdose de petzouilles émerge un montage catastrophique qui fait sans cesse retomber le peu de tension que comporte le film, enchaine l'action et les instants plus « romantiques » avec la pire des maladresses (voir l'introduction du personnage d'Hucklebilly, entremêlée avec celle d'Harper), et désosse certaines scènes importantes comme les habitants le font avec leurs victimes, avec une volonté naïve d'aller à l'essentiel aux moments où le spectateur réclame du contenu.
Et quand Sullivan souhaite nous arracher un sourire au moment où les habitants de Pleasant Valley dévoilent l'un après l'autre leur vrai visage en s'employant à leurs activités psychotiques, le mal est déjà fait puisque le réalisateur s'est largement employé jusque là à les rendre tous insupportables à nos yeux... 2001 Maniacs perd totalement le spectateur en faisant se succéder tout au long du film deux formes de crétinerie assumée, celle des villageois avec celle des adolescents. Est-il nécessaire de dire que parmi ces derniers, aucun n'a le charisme de William Kerwin et Connie Mason, le duo de tête de Two Thousand Maniacs?

Sullivan, ayant visiblement beaucoup de mal a saisir la nuance entre le drôle et le débile, semble pourtant persuadé que le public le suit aveuglément dans ses délires puants de machisme, alors que le spectateur le moins exigent se force à passer outre son humour désastreux pour ne conserver que le fun de la tripaille.
Si dans Hostel, par exemple, l'instauration pendant toute une partie du film d'une atmosphère digne d'un American Pie trouvait parfaitement sa place puisqu'elle était opposée au monde de la cruauté sans bornes, dans 2001 Maniacs toutes les blagues lourdingues sont étalées au premier degré sans le moindre recul de la part de l'auteur, celui-ci estimant sans doute que présenter des malades mentaux tous aussi bêtes que méchants sur fond de musique country était suffisamment ironique pour monter une comédie d'horreur. C'est donc le choix de la musique qui détermine le style d'un film? Ben voyons...

En plus de ce manque flagrant d'originalité, force est de constater que ces mêmes boutades citées plus haut ne nourrissent à aucun moment l'intrigue du film, et pire encore sont supposées nous faire apparaitre les étudiants protagonistes comme une joyeuse bande d'adolescents moyens, certes totalement abrutis, mais appréciables au demeurant.
Et à la majorité d'applaudir cette utilisation bourrine des nouveaux standards de personnages djeunz et attachants, véritables obsédés sexuels qui ne « se prennent pas la teu-té » et qu'un geek ne cotoierait pour rien au monde, mais qui lui paraissent comme par magie plus interessants dès lors qu'ils sont rattachés au rouge qui tâche. Rassure-toi, cher petit puceau fêtard, comme 2001 Maniacs te l'apprend, tu peux tout à fait de détacher de la norme tout en restant un beauf convaincu. Merci qui?

Parvenir à un constat si affligeant ne saurait pourtant résumer l'intégralité d'un film qui a malgré tout le mérite d'adopter une approche passionnée du genre, voire souvent référencée. Ainsi, en plus de la présence de Robert Englund, Eli Roth reprend en début de métrage son personnage de Justin, vu dans Cabin Fever; Scott Spiegel, co-producteur et réalisateur de deuxième équipe sur ce film mais surtout co-scénariste de Evil Dead 2, joue l'un des deux musiciens ambulants (les personnages les plus sympathiques du film); et Kane « Jason » Hodder, dans un rôle presque muet, apparait seulement dans le but de faire sourire les fans hardcore. Tous ces sympathiques clins d'oeil ne compensent en aucun cas les multiples erreurs du film, mais contribuent à créer une ambiance nostalgique, presque communautaire, où les Maniacs seraient une représentation extrême des goreux du monde entier, incompris et fustigés car adeptes des charcutages cinématographiques les plus improbables.
Tout comme dans le film original, les habitants de Pleasant Valley émergent comme les véritables protagonistes du film, le maire Buckman en tête. Le cas Robert Englund est d'ailleurs à part dans le film, car le psychopathe aux mimiques familières pour le fan de gore est celui vous permettra de rendre un jugement définitif sur le film. Si vous avez été séduit par l'ambiance « ils sont cons ces rednecks » de 2001 Maniacs, la prestation toute en exagération assumée d'Englund vous paraîtra la chose à retenir du film. Si au contraire vous jugez que le film de Sullivan est la preuve absolue qu'un rassemblement de personnages décérébrés peut très vite créer une atmosphère décérébrante, le vieux Robert vous fera de la peine chaque fois qu'il prendra la parôle, tant l'acteur se force à tirer comme un aliéné sur la corde de sa propre caricature, tout en étant peu à l'aise avec ses grimaces perpétuelles. « Un jour j'ai fait confiance à un pet, je me suis retrouvé couvert de merde ». Tu vaux mieux que ça, Rob.

Le lot ahurrissant de répliques similaires à cette dernière, et destinées à être récitées en soirée mondaine pour que le film ait plus de chances de voir son cercle d'admirateurs s'agrandir, atteint un tel degré de m'as-tu-vu pathétique qu'il devient vite compliqué de se laisser entrainer un pas de plus dans le village. On se dit alors que même si « Pleasant Valley, c'était mieux aaavant », le problème de ces dialogues superficiels peut très vite être surmonté si l'on sait se montrer indulgent. Mais c'était sans compter sur une musique insupportable, lunatique, et indigne de la bande son de son grand frère. Si 2001 Maniacs a au moins la présence d'esprit de reprendre le thème principal du premier film (« The South is gonna rise again », hymne festif toujours aussi entrainant malgré les années et signé par H.G.Lewis lui-même), Nathan Barr, qui prouvera son talent sur le diptyque Hostel, signe pour ce film un score immonde et déconcertant, digne du plus mauvais des cartoons tant il caricature la moindre petite scène pourtant exempte d'humour, à tel point que le spectateur appelle vite de ses voeux le dénouement de l'histoire quitte à passer à côté de séquences, avouons-le, plus drôles en fin de métrage.

Que reste-t-il alors à 2001 Maniacs? Juste le minimum syndical dont vous êtes venus vous repaître, bande de petits coquinous... Sullivan voit son film comme un simple divertissement et entend bien le vendre en temps que tel. Il multiplie donc les effets gore, parfois excellents, et fait ressortir ces derniers comme la seule et unique chose à sauver de sa série B insipide.
Les quelques festivités meurtrières auxquelles Two Thousand Maniacs nous avait habitués apparaissent ici plus nombreuses que sur le matériau de base et parfois mises en scène d'une façon plus habile, ce qui ne surprend guère si l'on tient compte de l'évolution des techniques de cinéma depuis 1964, ainsi que de la maigreur du budget du métrage original. C'est uniquement dans cette accumulation de scènes sanguinolantes que Sullivan réussit à laisser libre court à ses idées cinématographiques, comme s'il avait conscience de livrer un film bien plus prétexte aux pires atrocités que certaines bandes du genre. 2001 Maniacs tente donc minute après minute de compenser un script squelettique et des dialogues impressionnants de niaiserie par du gore abondant, pas crédible pour un sou, mais jouissif par moments. Quitte à n'aimer que le gore dans un tel film, on aurait presque préferé que Sullivan abandonne son histoire au profit d'un vrai « gonzo-gore », soit une suite abrutie de meurtres rigolos. C'est à croire que Peter 'Braindead' Jackson est définitivement mort...

Au final, 2001 Maniacs, c'est un peu comme le drapeau du Japon: une jolie île rouge sur une grande mare de vide.
A l'heure ou certains réalisateurs passent trop vite pour des artistes prétentieux, on aurait paradoxalement souhaité que Tim Sullivan nourrisse plus d'ambitions que celle de nous arracher un ou deux sourires. Seul le dernier quart d'heure du film obtient une identité propre, sans être transcendantal, et a au moins la volonté de faire en sorte que le scénario s'écarte de sa route toute tracée, ne serait-ce que de quelques pas. A quelques minutes du mot fin, il serait temps...

Pourtant, le spectateur qui ne souhaite pas s'acharner sur un tel film pourra apprécier le désir de Tim Sullivan de mettre sur pied une fresque maladroite mais sincère du quotidien des Maniacs, en multipliant les tranches de vie réductrices et trop vite oubliées, mais néanmoins exaustives.

Cependant les faits sont là: en étant situé dans le camp adverse d'un Shaun Of The Dead, qui bien qu'assumant sa stupidité, revendiquait un humour autrement plus subtil sans jamais céder à la facilité, 2001 Maniacs apparaît dans son ensemble comme l'un des plus notoires porte-étendards de l'horreur crétine de cette décennie.
Et une fois n'est pas coutume, ce n'est pas un compliment.

(Déc. 2008)

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XimAxinn
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le 3 nov. 2011

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XimAxinn

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