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How do I live ?
How do I breathe ?
When you're not here I'm suffocating
I want to feel love, run through my blood
Tell me is this where I give it all up ?


Sam Smith - Writing's On The Wall


En 2006, Casino Royale relançait la franchise après le désastreux Meurs Un Autre Jour, l'occasion d'offrir un Bond plus contemporain : sérieux, réaliste, moins drôle et enfin centre de la narration. Un espion qui se bat au péril de sa vie pour sauver la population d'un monde enfin doté d'intrigues géopolitiques, en réalité, ce que le personnage a toujours été. À travers une partie de poker, James Bond devient 007, un être humain impassible, sûr de lui, qui s'est fondée une seule et unique philosophie : ne jamais perdre. Il y découvre également l'amour, décide d'en finir avec son métier d'espion en emportant le peu d'âme qu'il lui reste, le perd aussitôt et c'est ce qui donne Quantum of Solace, film qui défile à toute vitesse, bouillonnant de rage, où Bond fait ses premiers erreurs suite au vide installé par Vesper. Une fois la leçon apprise, au prix de nombreuses morts, Bond s'est enfin crée cette carapace qui définira le personnage que le grand public a toujours connu.


Et au lieu de retourner à une formule plus classique, Skyfall surprend tout le monde en présentant un Bond vieillissant après une séparation de plus de 4 ans du rookie Bond. C'est une véritable anomalie dans la saga : le film dispose d'une beauté plastique à chaque instant, une avarice en terme d'action, un scénario simpliste sans être pour autant dénué de sens mais qui nous donne surtout l'impression de faire un voyage dans le temps. Skyfall ne ressemble à aucun autre film de la saga et son énorme succès, à la fois auprès du public et de la critique reste toujours aussi impressionnant. Mais quand on prend le temps de faire un bon film, ça paie toujours. Autre versant des films de Craig, davantage influencé par les films de Christopher Nolan, nous avons cette fois affaire à un Bond qui fait face de nombreuses morts symboliques pour mieux renaître de ses cendres, rapportant avec lui une mythologie sacrifiée en 2006. Et une fois encore, la fin laisse suggérer un retour à la formule pour le prochain volet, dont le titre, SPECTRE, ne fera que nous le confirmer.


The dead are alive. Les morts sont vivants. C'est littéralement le premier plan du film, comme un rappel au spectateur de garder son attention au-delà du spectacle qu'on lui offre, de ne pas oublier le personnage derrière les codes. Car SPECTRE signe avant tout le retour à la formule classique Bondienne après tant d'années, respectant un peu trop scrupuleusement le cahier des charges. Mais avant tout, les morts symbolisent les nombreuses réminiscences des différents films de la saga, symboles invoqués tout le long pour parfaire encore une fois le portrait psychologique du personnage, autant le dire d'emblée : on tombe presque dans l'élitisme et le spectateur lambda qui ne connaît que les films depuis l'ère Brosnan risque de bailler à de nombreuses reprises.


James Bond, c'est aussi la Mort personnifié. Dès le second plan du film, déjà iconique au sein de la saga, il faut le voir se dandiner dans son costume squelettique avec une belle femme attachée à son bras. Il navigue à travers le peuple et décide de ceux qui doivent mourir et inversement. À personnage immortel, sujet éternel à la renaissance, il faut un ennemi et surtout une organisation à la hauteur du personnage : celle qui fuit toujours film après film, la seule qui arrive à mettre des bâtons dans les roues à Bond, c'est bien-sûr la très célèbre organisation SPECTRE, qui se voit une fois de plus ressuscitée pour terminer la réactivation de la mythologie Bondienne. Supprimant ainsi le fait que Quantum était déjà un SPECTRE moderne, le film enchaîne les professions de foi qui vont se révéler être très difficiles à accepter, d'autant plus que n'importe quel spectateur aguerri comprendra aisément les tenants et les aboutissements de l'histoire dès le départ.


Ce film divisera quoi qu'il arrive, entre ceux qui prônent ce retour à la vieille formule et entre ceux qui souhaitent un Bond qui s'adapte à son époque, comme c'est mon cas. Tout le film sent la naphtaline tant il respire le Bond old-school, qui fera figure pour certains soit de nostalgie soit de concept démodé pour les autres. C'est le problème quand on souhaite retourner à un classicisme dans la franchise, on y retrouve bien des aspects enthousiasmants mais les nombreux travers y trouvent aussi leur place. À ce titre, la partie avec Monica Belluci semble être la moins incarnée, beaucoup trop mécanique, peu subtile et sans incidence particulière sur la narration. Le film est malheureusement rempli de moments inutiles, qui sont moins des pauses pour permettre au spectateur de respirer que des moyens d'allonger artificiellement le récit.


Mais tout n'est pas à jeter dans cette première partie, certainement la plus enthousiasmante du film, Craig arrive à dévoiler tout son potentiel comique resté en silence pendant trop longtemps, même si le film frôle le gonzo à plusieurs reprises. Pour peu qu'on n'ait rien contre les CGI affreux, le film est cette fois riche en action et en set-pieces ambitieux, ce qui faisait cruellement défaut à Skyfall, mais celui-ci avait le mérite d'avoir une esthétique soignée qui marquait durablement l'esprit. On notera également la réapparition des gadgets, également intégrés à la voiture, la présence d'un homme de main dur-à-cuire (fascinant Dave Bautista) ainsi qu'une sublime base située dans un cratère pour le méchant. Les James Bond Girl, à l'exception de Léa Seydoux, sont anecdotiques. Il y a donc à boire et à manger pour tout spectateur ayant hâte de cocher sur sa liste les codes respectés par ce retour aux sources.


On aurait pu se passer aisément de la sous-intrigue qui concerne les personnages du MI6, où Andrew Scott déguisé en C cabotine comme jamais, ce qui est dommage car c'est le seul moment du film qui essaye vaguement de parler "politique" avec un propos qui était déjà évoqué dans Skyfall : quel est l'intérêt de recruter des espions avec la technologie d'aujourd'hui ?, question qu'aucun spectateur ne se posera devant un Bond car il ne vient pas voir défiler un écran d'ordinateur. Le grand plan du méchant : contrôler entièrement les flux de surveillance afin d'asseoir sa domination mondiale et faire chanter les dirigeants politiques n'est pas si bête que ça compte tenu de l'origine du personnage. C'est juste très, très, très difficile de s'enthousiasmer pour un tel climax alors que nous, spectateurs, avons accepté de sacrifier notre liberté pour un peu plus de sécurité, en sachant pertinemment que des personnes hautes placées nous espionnent d'ores et déjà. Sans réelle tension, toute la dernière partie fait office de pétard mouillé après un début plein de promesse, on a nullement l'impression de voir Bond sauver le monde d'un grave danger, comme l'illustre les nombreuses ruelles vides qui parsèment le film. À croire que tout le budget est passé dans cette scène à 1.500 figurants au début du film. On pourra dire ce qu'on veut de Quantum of Solace, la réalisation avait au moins le mérite, lors de quelques plans isolés, de nous montrer le peuple qui compose le monde dans lequel navigue Bond, pour prouver qu'au-delà de la coolitude du personnage, c'est aussi un symbole de son époque et dont les luttes déterminent la vie ou la mort de milliards de gens.


Dans la continuité des précédents Craig, SPECTRE s'acharne à créer un sentiment de continuité entre les différents volets, parfois pour le meilleur (le sublime générique tentaculaire qui donne toute sa force à la chanson de Sam Smith, le retour de Mr. White) mais bien souvent pour le pire (annihilation de Quantum, lien abscons avec Skyfall). Cette volonté d'offrir une conclusion à l'ère Craig est peu subtile et se révèle décevante, pour ne pas dire honteuse, tant le 3ème acte du film enchaîne les absurdités les unes après les autres, laissant beaucoup de questions sans réponses car elles ne reposent sur rien de concret. Il est intéressant de noter que ces reproches ont déjà été faites par les dirigeants de Sony lors de leurs notes envers la production, ce qui prouve qu'on ne prend pas forcément le spectateur pour un con dans l'industrie hollywoodienne. Malheureusement, le tournage approchant, le scénario ne connaîtra jamais de fin réellement satisfaisante, et on peut facilement s'imaginer Mendes et Craig en train de sauver les meubles en multipliant les paraboles à la saga pour que cela fasse un tant soi peu sens.


Mais ce qui fait cruellement défaut au film, c'est finalement la romance ratée avec Madeleine Swann (plus subtile comme nom, tu meurs). Si il est agréable de revoir enfin un personnage féminin à la hauteur, n'hésitant pas à remettre en question Bond et à agir de par elle-même, le film ne laisse pas assez de temps au récit pour apporter l'épaisseur nécessaire à cette amour naissant. Alors que le film possède une charge émotionnelle gigantesque, il n'arrive jamais à la susciter chez le spectateur. Pourquoi cette femme ? Pourquoi maintenant ? Au lieu d'être un personnage à part entière, Madeleine n'est constituée que de symboles, évoquant tour à tour les deux plus grandes girls de la saga pour délivrer le sujet du film : est-ce que Bond peut prétendre à connaître lui aussi une vie heureuse ? En apportant une conclusion positive des années après à l'un des plus grands films de la saga, le personnage de Bond semble s'être exorcisé… à moins que tout ne change pour le prochain film.


Contractuellement, Craig nous doit encore un film. Avec ou sans Mendes. Il reste encore à savoir si les deux décideront de revenir, en sachant que les deux se sont investis corps et âme pour le personnage, ce qui demande une énergie incroyable (Craig n'a fait aucun film entre Skyfall et SPECTRE). Et c'est ce qui explique pourquoi on peut interpréter littéralement ce film comme a farewell to arms, un happy end exceptionnel pour symboliser la fin d'une ère. Si jamais il reste un film à faire, on peut déjà pressentir qu'il s'agira d'une tragédie.


Finalement, la seule constante, c'est Daniel Craig. Conspué lors de son annonce, il aura marqué durablement le panthéon des rares acteurs ayant endossé le costume du personnage, en délivrant à chaque fois une prestation parfaite, redorant ses lettres de noblesse à l'une des icônes les plus célèbres de la pop-culture. James Bond est éternel, et il reviendra toujours, évoluant au fil des époques pour continuer de les symboliser. Difficile de savoir ce que sera l'après-Craig, mais on espère qu'une chose ne changera jamais : que les films gardent toujours ce respect envers son public et ses fans.

Manic
5
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le 4 nov. 2015

Critique lue 582 fois

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