"Ted drôle de coco" d'Emilie Gleason : le syndrome d'en rire

Après Premiers pas de Victor Lejeune qui nous avait véritablement séduit chez Lettres it be il y a quelques temps, les éditions de l’Atrabile ont fait leur grand retour avec, entre autres albums, Ted drôle de Coco d’Emilie Gleason. Un bonhomme pas trop comme les autres, à la vie bien rangée. Trop pour que ça dure ? C’est tout l’objet de cette BD à découvrir au plus vite !


La bande-annonce


Ted trimballe sa grande carcasse dégingandée à travers la ville dans un train-train aussi régulier qu’énergique; métro-boulot-dodo, certes, mais avec une énergie et une rigueur peu commune. Puis un jour, la mécanique se grippe et tout s’emballe, ce jour où le métro est en travaux et où les choses ne sont pas, plus, comme d’habitude. Et là, tout dérape…


Emilie Gleason s’est fortement inspirée du vécu de son frère, diagnostiqué Asperger, pour raconter les bien étranges journées de Ted – rencontre, discussion, amour, sexe, empathie, tant de choses qui, pour Ted, ne vont pas vraiment de soi…


Mais alors que la «bande dessinée du réel» a produit tant d’œuvres lénifiantes n’existant que par leur sujet, Emilie Gleason, elle, transcende son sujet pour nous livrer un moment de lecture survolté, mené à cent à l’heure, plein d’inattendus et de surprises. Bien plus qu’un «reportage» ou un «témoignage», Ted est une véritable immersion dans un esprit pas vraiment commun, et offre à l’arrivée une expérience de lecture rare, un tourbillon de couleurs et d’énergie, à l’image de son personnage principal.


L’avis de Lettres it be


C’était une crainte rencontrée dès le début de la lecture : parler de la maladie, en l’occurrence du syndrome d’Asperger, sous la forme d’une bande dessinée pouvait très vite donner lieu soit à un ouvrage tire-larmes facile et/ou à un propos noyé dans un dessin qui ne prendrait pas la mesure de lui-même. Quelques planches plus tard, quelques bulles plus tard, Emilie Gleason nous rappelle à la raison d’une BD qui brille de mille feux et ne sombre jamais dans les écueils évoqués précédemment. Le syndrome de Coco ne se fait deviner que bien tard au fil de la lecture, et on préfère s’émouvoir et rire d’abord des aventures cocasses de notre héros difforme. Sans grand soucis d’uniformité, les cases sont colorées avec inventivité, pour notre plus grand plaisir, ce qui contribue à faire de la lecture, toujours, un moment de plaisir. Cela même quand le temps s’assombrit pour notre héros et son entourage…


Une sensibilité forte dans un ouvrage haut en couleur et complètement barré, c’est le cocktail détonnant servi par Emilie Gleason dans Ted drôle de coco. En grande partie inspirée de la vie de son auteure, cette bande dessinée se confronte à une thématique difficile avec le syndrome d’Asperger et pourtant, tout se déroule comme du papier à musique, on rit aux péripéties et manies bien calibrées de Ted, puis on rit jaune quand viennent les ultimes planches. Une prise de conscience sur un trouble qui vaut bien mille discours sérieux. Bravo, et merci !


PS : Quelques mots d’Emilie Gleason autour de son ouvrage. Parce qu’ils valent à peu près tout ce qui peut être dit autour de Coco…


« Je n’ai aucune notion en neuropsychologie ou en génétique, je ne peux rien avancer quant aux recherches sur les troubles du spectre autistiques ou oser prétendre connaître le sujet, qui s’étale et évolue chaque jour. J’en avais juste marre de voir mon frère comme le Grinch, d’entendre mes parents pleurer chaque soir, et de m’énerver contre une situation que je ne cherchais pas à comprendre sinon à endurer. »


Retrouvez la chronique en intégralité sur Lettres it be : https://www.lettres-it-be.fr/critiques-de-bd/ted-dr%C3%B4le-de-coco-d-emilie-gleason/

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le 27 sept. 2018

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