Sens
7.2
Sens

BD franco-belge de Marc-Antoine Mathieu (2014)

Cette BD se lit en 5 minutes. 5 minutes épatantes.

On commence à cerner le personnage : Marc-Antoine Mathieu ne se satisfait pas d'un bon dessin ou d'un bon scénario ni encore moins d'une BD classique, il fait partie de ces (très rares) auteurs qui cherchent et parviennent à transcender le média bande dessinée ou plutôt à le retourner dans tous les sens pour lui donner une dimension supplémentaire.

Ce nouvel opus complètement dénué de dialogues (qui s'autorise tout de même 2 petits textes aposés sur un livre et sur une carte dessinés) met en scène un homme seul qui semble perdu dans un monde vide et dépeuplé. Il chemine au grès des pages dans ces déserts où apparaissent régulièrement des formes familières dévoilant des flèches qu'il commence par suivre aveuglément avant d'hésiter parfois, d'avoir à choisir entre plusieurs d'entre elles, d'être entraîné malgré lui par d'autres, de se retrouver face à des impasses etc.

Au premier abord très imperméables et déroutantes, les pages finissent, par quelques astuces très bien senties (la transposition de la solitude de l'homme perdu au désaroi du lecteur sans indices pour comprendre l'oeuvre, le vieillissement du personnage, le fameux passage représentant sur la page de gauche l'homme lisant un livre sur lequel est dessinée une carte, et sur la page de droite la carte physiquement attachée etc.), à livrer leur clé de décryptage au lecteur qui comprend qu'il est face à la représentation de sa propre vie.

De l'enfance où on ne fait pas ses propres choix et où on suit les règles (flèches) établies au moment où on prend son indépendance (la très belle case où le personnage doit laisser sa valise - enfance derrière lui pour continuer sur la direction qu'il se choisit selon sa boussole), les choix, les doutes, les impasses, et bien sûr, la vieillesse qui nous entraîne et où la seule direction qu'il nous reste à prendre est celle de la terre.

Ce talent qu'a Mathieu de créer un objet graphique au premier abord très ésotérique, décontenançant, sans âme et à le transformer au fil de la lecture en quelque chose qui vient épouser ce qu'il y a de très personnel et à la fois très universel en nous est vértablement admirable.
Encore un bel ovni graphique dans la bibliographie de cet auteur décidément incontournable.
Ouaicestpasfaux
9
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le 19 nov. 2014

Critique lue 583 fois

12 j'aime

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Ouaicestpasfaux

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