Une armée de squelette, des dragons géants, une bataille dantesque et … de la fumette.


Haut-Septentrion (DC110) et La fin du Donjon (DC111), parus en 2014, bouclaient la grande trame narrative de Donjon Crépuscule centrée sur la lutte entre les héros et l’Entité noire, sans toutefois lever le voile sur un certain nombre de mystères liés à cette période. On ne savait par exemple toujours pas comment Herbert et Marvin étaient devenus respectivement le Grand Khan et le Roi-Poussière, pas plus que l’on ne connaissait le sort d’Isis, personnage important de la série Donjon Zénith mais étrangement absente de la saga Donjon Crépuscule. Etait-elle morte ? Avait-elle simplement quitté Herbert au fur et à mesure que ce dernier sombrait de plus en plus du côté obscur ? Bref, tous ces mystères irrésolus étaient particulièrement frustrants.


En relançant en 2020 la série Donjon Monsters avec l’album Réveille-toi et meurs, Trondheim et Sfar décident de gâter les aficionados de la série en répondant partiellement à ces questions. Cet album est en effet totalement indispensable en terme de background car placé justement pile-poil entre la fin de l’ère Donjon Zénith et le début de l’époque Donjon Crépuscule, et dévoile de fait un certain nombre d’éléments importants. On y découvre ainsi comment et pourquoi Marvin est devenu le Roi-Poussière, en plus d’apprendre d’où lui vient ce surnom. On découvre ce qu’il est advenu de la princesse Isis. On ne saura certes pas « comment » Herbert est devenu le Grand Khan, mais on comprendra « pourquoi ». Sans parler de toutes les autres petites informations croustillantes que l’on apprend sur l’évolution de la société sur Terra Amata à cette époque du Donjon et qui font le sel de la série (l’évolution des liens entre les cités de Clérembard et de Vaucanson en surprendra plus d’un …).


Et puis, comment ne pas apprécier de retrouver les personnages du Gardien et d’Alexandra, surtout placés à ce moment-là de l’histoire de Terra Amata ? En présentant les événements de Réveille-toi et meurs par les yeux (ou plutôt les orbites vides !) d’un Gardien ressuscité (accompagné d’Alexandra, l’amour de sa vie devenue l’amour de sa mort), les auteurs relient habilement les volets Donjon Potron-Minet et Donjon Zénith à ce début d’ère Donjon Crépuscule. A la violence inouïe des événements racontés dans l’album se mêle alors une touchante poésie, entretenue par ces deux squelettes qui refusent désormais de retourner au néant et qui cherchent désespérément à échapper à leur macabre destin, en plus de vouloir (re)vivre une relation amoureuse malgré leur cécité, leur absence de mémoire et leur apparence de squelette.


A la fois épique, poétique et morbide, le scénario de cet album brasse énormément d’éléments de la série (de Donjon Potron-Minet à Donjon Crépuscule) et, s’il est un vrai régal pour le fan assidu de la série, il n’est pas forcément évident à suivre pour le lecteur novice, qui risque de ne pas comprendre grand chose à ce qui se passe dans cet album, entre des personnages trop nombreux qu’il ne parviendrait ni à identifier ni à relier entre eux, et des références qui lui échapperaient forcément. C’est par conséquent le point faible de cet album : contrairement à quasiment tous les autres albums de la série Donjon Monsters (à l’exception peut-être du onzième tome, Le grand animateur), cet album ne se suffit pas à lui-même et ne peut être lu comme un one-shot indépendant, mais nécessite au contraire d’avoir lu au moins tous les albums de la série Donjon Crépuscule (ainsi que les albums de Donjon Monsters se déroulant à cette période) ainsi que quelques Donjon Zénith et Donjon Potron-Minet pour pouvoir saisir toutes les subtilités du scénario.


Annoncée par Sfar et Trondheim depuis 2004 ( !), la participation de David B. au projet Donjon se concrétise finalement seize ans plus tard. L’artiste y déploie son style habituel, très atypique, fait de personnages et de décors juxtaposés, où la perspective et le relief semblent avoir été abolis. Ce dessin très « chanson de geste », s’il surprend au début, sert parfaitement ce récit épique, fait de batailles dantesques entre grandes cohortes armées. L’ensemble évoque les gravures médiévales d’antan, voire certaines imageries d’icônes religieuses, et se révèle idéal pour illustrer ces châteaux forts aux hautes tours, ces dragons cracheurs de feu et ces soldats en armure. David B. pousse l’originalité jusque dans la représentation de certains personnages, où son goût pour les mythes et légendes orientales ressurgit. Ainsi, les dragons du Grand Khan ressemblent à des dragons chinois ou des ryu japonais et les armures des soldats de Clérembard ou de Vaucanson font penser à des armures de samouraï du Japon médiéval.


Emotion, héroïsme, panache, humour (quand même !) : pour son retour après douze ans d’absence, la série Donjon Monsters est bien servie.

_minot_
8
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le 22 mars 2021

Critique lue 636 fois

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