Une arche perdue, un temple maudit, une dernière croisade et … un héros contraint de jouer les archéologues / aventuriers.


Le titre de cet album et sa splendide couverture ne laissaient planer guère de doute : c’est bel et bien dans une ambiance « à la Indiana Jones » que va se dérouler Le coffre aux âmes, second opus de la sous-série Donjon Antipodes +. Après les références aux blockbusters SF (Pacific Rim, Robocop, Transformers …) ou aux mangas animés futuristes (Goldorak, Akira, les GoBots …) dans Rubeus Khan (DA +10 000), Sfar et Trondheim semblent décidés à continuer de dynamiter et de mixer tous les genres de la pop culture dans cette nouvelle branche du Donjon. Une idée qui, ma foi, me plaît plutôt bien et signe au final l’originalité de cette sous-série Donjon Antipodes + par rapport aux autres branches du Donjon.


Nous retrouvons ainsi dans cet opus un Robert de Vaucanson toujours aussi « vénère » et avide de revanche, farouchement décidé à se venger de son oncle, responsable de son incarcération et de l’enlèvement de son fils. L’album est donc bien sûr la suite logique de Rubeus Khan (DA +10 000), mais il fait aussi remarquablement et très subtilement le lien avec de nombreux albums des autres sous-séries de Donjon, chose que ne faisait pas Rubeus Khan (DA +10 000), qui servait davantage à présenter l’époque Donjon Antipodes +, ses principaux personnages, décors et enjeux. Le nombre d’informations révélées par Sfar et Trondheim dans Le coffre aux âmes est en effet considérable et cet album permet de comprendre beaucoup de choses vis-à-vis de certains événements de la série.
Pêle-mêle : on apprend les raisons de la disparition des races humanoïdes (Elfes, Orcs, Trolls …) de la surface de Terra Amata amorcée à l’époque Donjon Crépuscule ; on découvre pourquoi les shamans protégeaient le trou de la Hutte aux Esprits à Donjon Crépuscule ; on a droit à un petit clin d’œil à l’album Retour en fanfare (DZ6) avec la potion « Masque de Mort » qu’ingurgite Robert, on retrouve de manière aussi improbable que logique certains restes encore « actifs » du professeur Cormor et l’album se permet même … de faire le lien avec L’Armée du Crâne (DA-10 000) (soit un raccord vertigineux de 20 000 tomes d’écart !) en expliquant comment les guerres perpétuelles entre Elfes et Orques à l’époque Donjon Antipodes – ont cessé ! Bref, le scénario concocté par Sfar et Trondheim est riche en révélations et ne manquera pas de satisfaire les accros de Donjon, toujours férus de nouveaux liens et raccords entre albums de la série.


Ajoutons à cela que le scénario de cet album est franchement sympa à suivre, entre une aventure rythmée pleine de péripéties bien « donjonesques » (l’exploration de la cité engloutie), de bagarre à gogo, de nouveaux personnages bien cools (la mystérieuse Atlas et la jeune Adélaïde, drôle malgré elle), de méchants bien retors (l’oncle Stanislas est vraiment une belle enflure !) … et des répliques toujours aussi bien écrites et souvent bien drôles. Bref, la lecture passe bien, même si à titre personnel je regrette un peu l’absence du Don, découvert dans Rubeus Khan (DA+10 000), qui était un personnage vraiment marrant.


Pour ce qui est du dessin, Vince livre une copie honorable mais sans surprise. L’ensemble est globalement plaisant, « ça fait Donjon », et même si l’artiste fait preuve d’une jolie inspiration sur certains décors (la ville moderne de Vaucanson largement robotisée, la cité elfe engloutie …), le tout est finalement plutôt banal et ne sort pas du lot par rapport aux autres styles graphiques que propose la série. On est loin de la « claque graphique » jadis souhaitée par Sfar*. Heureusement, le dessin bénéficie de la jolie colorisation de Walter pour le mettre davantage en valeur.


Au final, malgré quelques points faibles finalement bien secondaires, Le coffre aux âmes est un chouette album qui, par le fait d’être beaucoup mieux rattaché au reste de la série que ne l’était Rubeus Khan (DA+10 000), rehausse sensiblement l’intérêt de la période Donjon Antipodes +. D’autant que la toute dernière page de l’album (avec un cliffhanger inattendu qui en fait peut-être l’une des meilleures fins de tous les albums Donjon, toutes sous-séries confondues) ménage un sacré suspense et annonce une suite réellement passionnante.



  • Lorsqu’en 2014 étaient parus simultanément « Haut-Septentrion » (DC110) et « La fin du Donjon » (DC111) (censés clôturer la série), Sfar avait déclaré que l’un des objectifs initiaux de « Donjon » était que le lecteur ait « une claque graphique » en parcourant chaque tome de « Donjon ». Ce qui signifiait non pas que les albums de « Donjon » dussent présenter le dessin le plus esthétique qui soit, mais que les dessinateurs participant à l’aventure « Donjon » sortent des sentiers battus et que le lecteur découvre des styles graphiques qu’il n’avait pas l’habitude de voir dans les productions de BD mainstream, quitte à être surpris (en bien ou en mal), voire choqué. Un objectif parfaitement rempli par la plupart des dessinateurs de la série, de Trondheim à Sfar, en passant par Blain, Larcenet, Stanislas, Andreas, Bézian, Blutch, Menu, Yoann, Blanquet, David B., Nesme, etc. Voici ce que déclarait Sfar en avril 2014 dans un entretien pour 20Minutes : « Pour moi, c’est simple : plus c’est bizarre, plus j’aime car il n’y a rien de plus drôle que de recevoir des lettres de réclamation de jeunes lecteurs d’héroic fantasy classique outrés par des graphismes auxquels ils ne sont pas habitués … et constater que deux ans plus tard, ils adorent ! Personnellement, je crois que les tomes dont je suis le plus fier sont ceux qui ont été dessinés par Blutch, Killofer, Jean-Christophe Menu, Blanquet ou Bézian. Et puis comme on a toujours un peu envie de pervertir la jeunesse (rires), on peut être fier d’avoir amené des lecteurs à découvrir ces auteurs, vers lesquels ils ne seraient probablement jamais allés. »

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le 20 janv. 2022

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