Partir, sur les chemins de Compostelle. Un Saint-Jacques dépoussiéré au féminin

Lili Sohn s’est décidée. Comme l’indique le nom de son roman graphique, elle va partir sur les chemins de Compostelle. Son agent et son éditrice la poussent à entreprendre ce trip, avec une contrainte : elle partira sans son téléphone, déconnectée. La voilà sur les routes, prête à marcher 2 mois, et près de 1250 kilomètres, seule, sans ses repères familiers.

Un héritage familial

L’autrice nous embarque avec elle, dans ses doutes et préparatifs de départ, lors de son entraînement physique et mental, puis sur le chemin. La randonnée est affaire de famille, le Compostelle aussi : ses parents ont racheté un gîte pour accueillir les pèlerins, de là où elle démarre, le Mas de Jantille. Lili Sohn n’est pas une novice ultra connectée qu’on mène au casse-pipe, elle connaît (un peu) le chemin, avant même de démarrer son aventure.

Une richesse graphique pleine d’humour

Partir, sur les chemins de Compostelle, par le trait et l’humour de son autrice, devient le nouveau guide de référence pour une jeune génération de randonneur.euse.s. Son livre est est un patchwork de mille éléments, riches et multiples, tout en restant agréable à la lecture. Photos, cartes, dessins, détournements, calligraphie, arrière-fonds, tout est surprenant, sans être surchargé. La routine qui aurait pu s’insinuer entre les pages et les kilomètres ne s’installent jamais.

La grande force de Lili Sohn, au-delà de ce talent à capter son voyage par des prises de vue
éclatées et foisonnantes, est son habilité à se raconter en étant drôle. Elle ne cherche pas à cacher les difficultés de l’aventure, ses faiblesses, ses questionnements. Elle ne va pas non plus se découvrir l’âme d’une grande et sage prêtresse nous expliquant la vie. Elle décrit juste les gens qu’elle rencontre, certaines situations qui la révoltent et/ou d’autresjoyeux moments vécus en communion avec la nature (humaine). C’est aussi le chemin d’une féministe convaincue, qui apporte son plein de fraicheur et le dépoussière de ses relents patriarcaux.

Le caractère sacré ou religieux du Compostelle n’est pas l’approche première de cette histoire, et cela enlève un poids au récit, qui peut peser sur d’autres livres sur le même sujet. Ce qui ne fait pas de ce roman un ouvrage futile, malgré son petit format pas des plus maniables. Ces nombreux conseils pratiques, ces courtes et belles descriptions (des paysages, des gens) donnent envie. Par sa détresse exposée mais aussi sa manière d’approcher la vie, elle qui a vaincu le cancer du sein, l’autrice questionne et se déleste de tous ses rôles sociaux (instagrameuse, mère, fille, compagne de, etc.) au fil des kilomètres. En ce faisant, elle a écrit un must pour toutes personnes en route vers Saint-Jacques.

Critique publiée dans le Suricate Magazine : https://www.lesuricate.org/partir-sur-les-chemins-de-compostelle-un-saint-jacques-depoussiere-au-feminin/

Cambroa
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le 17 août 2022

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