Le 1er décembre 1955, Rosa Parks monte dans le bus à Montgomery, en Alabama, et s’assied dans la section réservée aux noirs. Lorsqu’un passager blanc lui demande de lui céder sa place, elle refuse de se lever. Le chauffeur arrête alors le bus et fait appel à la police pour arrêter Rosa Parks, même si celle-ci n’a fait preuve d’aucune violence. Quelques jours plus tard, elle est condamnée pour trouble à l’ordre public, violation de la loi et agression à l’égard des représentants de l’ordre. Pour protester contre cette décision de justice, les noirs de la ville décident de lancer un boycott des bus de Montgomery. C’est le début d’un grand mouvement de lutte pour les droits civiques qui, sous la conduite du jeune pasteur Martin Luther King, mènera à la fin officielle de la ségrégation dans les bus de Montgomery, ainsi que dans l’ensemble des transports en commun du sud des Etats-Unis. Sans vraiment le vouloir, Rosa Parks s’est imposée comme une figure majeure de l’histoire du XXème siècle. Dans le monde entier, elle est devenue le symbole de la lutte pour l’égalité entre tous les citoyens, qu’ils soient "white" ou "colored". Et pourtant, Rosa Parks n’a pas été la première à s’opposer aux lois ségrégationnistes en vigueur en Alabama. Quelques mois avant elle, le 2 mars 1955, Claudette Colvin, 15 ans, avait vécu exactement le même scénario. Après l’école, cette jeune fille qui rêvait de devenir avocate était montée dans un bus, avait tendu son ticket au chauffeur et s’était assise dans la section réservée aux noirs. Lorsqu’une femme blanche avait exigé qu’elle lui cède sa place, elle avait refusé. Arrêtée par la police suite à cet acte de résistance passive, elle avait, elle aussi, été accusée de troubles à l’ordre public, violation de la loi et agression à l’égard d’un policier. Mais parce qu’elle était considérée comme trop jeune et trop instable psychologiquement par les leaders masculins du mouvement des droits civiques, ceux-ci ont préféré mettre en avant le cas de Rosa Parks. Malgré son courage, Claudette Colvin est donc restée une héroïne oubliée de l’histoire des Etats-Unis.


Cela fait quelques années seulement que le nom de Claudette Colvin est enfin sorti de l’anonymat. Notamment grâce à un livre consacré à la jeune fille de Montgomery par la journaliste et écrivaine Tania de Montaigne. C’est cet ouvrage, lui aussi intitulé "Noire", qui fait aujourd’hui l’objet d’une adaptation en bande dessinée, signée par l’autrice française Emilie Plateau. Cette version BD est d’une grande simplicité, tant au niveau du texte qu’au niveau des dessins. Mais en réalité, cette sobriété dans la forme permet de mieux mettre en avant le fond. En optant pour des descriptions factuelles et des graphismes dépouillés, Emilie Plateau souligne d’autant plus l’absurdité de la ségrégation, qui était un système dans lequel tout était organisé pour que blancs et non-blancs ne se côtoient jamais, comme décrit dans le roman et le film "La couleur des sentiments". Les planches de la BD "Noire" sont épurées et ne contiennent ni fioritures ni détails superflus, Emilie Plateau se contentant de mettre certains éléments en avant grâce à l’utilisation de touches ocre et marron au milieu de ses dessins en noir et blanc. On aime ou on n’aime pas ces graphismes très basiques mais ce qui est certain, c’est que la BD atteint parfaitement son objectif, qui est de sortir Claudette Colvin des oubliettes de l’Histoire. Au passage, Tania de Montaigne et Emilie Plateau en profitent pour souligner que la jeune fille n’a pas seulement été discriminée parce qu’elle était noire mais également parce qu’elle était une femme, "donc moins qu’un homme". Une double peine, en quelque sorte.


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matvano
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le 10 avr. 2019

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