« J’ai tué Lucky Luke! » Dès la première page de ce nouvel album, dont le titre est un clin d’oeil à un célèbre western de John Ford (« L’homme qui tua Liberty Valance »), le lecteur est confronté à une sacrée surprise. Qui aurait pu croire que l’homme qui tire plus vite que son ombre puisse un jour perdre un duel? Est-ce bien lui dont le corps sans vie gît dans la boue? Serait-ce la fin des aventures du cow-boy solitaire? Pour mieux comprendre comment Lucky Luke a bien pu se retrouver dans une situation aussi fâcheuse, un flash-back s’impose. Quelques jours plus tôt, Luke et son fidèle Jolly Jumper arrivent à Froggy Town par une nuit pluvieuse. Il s’agit d’un petit patelin comme tant d’autres, avec son saloon et ses habitants aventuriers qui rêvent de faire fortune en trouvant de l’or. A priori, Luke n’a pas du tout l’intention de s’y éterniser. Il veut simplement trouver un endroit pour passer la nuit et si possible acheter un peu de tabac. Mais les choses ne vont pas s’avérer aussi simples. Il faut dire que lorsqu’on est une légende vivante de l’Ouest, on passe difficilement inaperçu. Dès que la nouvelle de sa présence en ville se répand, Lucky Luke est pris d’assaut par une délégation des mineurs du coin, qui lui demandent de retrouver les brigands ayant attaqué et dévalisé la diligence qui amenait la récolte d’or des mineurs à Silver Canyon. Evidemment, Luke accepte, mais il ne va pas tarder à se rendre compte que le shérif Bone et ses frères, qui règnent sans partage sur Froggy Town, sont loin d’être ravis de pouvoir compter sur son aide. L’enquête de Lucky Luke va donc se révéler plus compliquée que prévu. Heureusement, il bénéficie du soutien de Doc Wednesday, un cow-boy sur le retour, qui voit dans cette enquête une belle occasion de devenir enfin un héros.


Né en 1973, Matthieu Bonhomme est l’un des auteurs BD les plus doués de sa génération, grâce à son trait particulièrement élégant et un sens évident de la mise en scène. Il est vrai que le dessinateur français, qui semble à l’aise dans tous les univers, a fait ses classes aux côtés de grands maîtres, notamment Christian Rossi et Jean-Claude Mézières. Aujourd’hui, c’est à Morris, un autre grand de la BD, qu’il rend hommage avec « L’homme qui tua Lucky Luke ». L’univers de Matthieu Bonhomme est certes très différent de celui de Morris, avec un côté beaucoup plus réaliste et moins caricatural, mais il réussit le tour de force de marier sa personnalité avec le style très caractéristique du créateur de Lucky Luke. L’utilisation de la couleur, par exemple, fait clairement penser à la manière dont travaillait Morris, tandis que Matthieu Bonhomme s’amuse aussi à jouer avec les traits de caractère du cow-boy solitaire, dont il est manifestement un très grand fan. Dans cet album, on apprend ainsi pourquoi Lucky Luke a cessé de fumer, on découvre qu’il a « peut-être 30 ans » et on suppose qu’il n’a pas de frères et soeurs. Mais pour le reste, Matthieu Bonhomme se garde bien de lever tous les mystères autour du personnage créé il y a 70 ans par Morris. Finalement, c’est à travers les yeux de son amie Laura Legs, l’un des plus beaux personnages de ce livre, qu’on en apprend le plus sur Luke: « c’est un mec bien, mais solitaire ». Avant même de découvrir cet album, la perspective de lire un Lucky Luke revisité par Matthieu Bonhomme, déjà auteur d’un superbe western avec « Texas Cowboys », avait de quoi faire saliver. Et à raison, puisque le résultat final est un petit bijou!


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matvano
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le 1 avr. 2016

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matvano

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