Des mercenaires de toutes sortes, des fantômes belliqueux, des mafieux sournois et … un anniversaire de mariage mouvementé.


Étrangement, Noces de fleurs est la suite directe de Un héritage trompeur (DM17), le précédent Donjon Monsters. Deux albums de la série Donjon Monsters qui se suivent à la fois par ordre de parution et par ordre chronologique, c’est assez rare pour être souligné. La trame scénaristique de Noces de fleurs s’articule donc autour des enjeux liés à la disparition progressive de la magie sur le monde de Terra Amata, fortement mise à mal par Papsukal et la sorcière Sonia la Maigre (cf. Un héritage trompeur, DM17). Une problématique au cœur de laquelle vont se retrouver malgré eux Herbert et Isis, couple vieillissant venu à la base s’offrir une semaine de détente et de croisière à travers des îles paradisiaques pour fêter leurs trente ans de mariage.


Sans que l’on sache réellement sur qui l’album est centré (Herbert ? Isis ? Andrée ? Le premier est LE personnage principal de la saga, donc à priori peu compatible avec l’idée que l’on peut se faire d’un Donjon Monsters, censé être centré sur un personnage secondaire ; la seconde n’est pas celle qui a le plus d’impact sur les événements se déroulant dans cet épisode et la troisième était déjà la vedette d’un précédent Donjon Monsters, l’excellent Quelque part ailleurs (DM16)), ce tome se montre vraiment chouette. L’ambiance est très réussie, à la fois alarmante, pessimiste et désabusée (époque Donjon Crépuscule oblige) tout en distillant de nombreux passages forts drôles, que ce soit via des dialogues plein d’esprit (les échanges verbaux entre Herbert et Andrée sont bien rigolos) ou certaines situations farfelues (l’égo d’Herbert de Vaucanson en prenant à plusieurs reprises un sacré coup !). Le plaisir de lecture est bien là, car on retrouve dans Noces de fleurs ce qui fait l’ADN de Donjon : mystères (qui sont les mystérieux assaillants de nos héros ?), action rocambolesque, personnages improbables, bagarres bien bourrines et humour décalé font une fois de plus bon ménage. Seuls (légers) bémols : la résolution de l’intrigue de cet album, qui peut sembler quelque peu confuse et expéditive, ainsi que l'apparition soudaine du Roi-Poussière venu à la rescousse d'Herbert, qui arrive un peu comme un cheveu sur la soupe.


Question background, le lecteur est gâté avec la découverte d’un nouvel univers (les archipels), le lien établi entre la congrégation Marquez de Poisson-Ville (La bière supérieure, DM14) et l’armée sous-marine du Grand Khan dirigée par le général Clouillure – alias Noyeuse (Les profondeurs, DM9) – et de manière plus générale, moult liens avec le reste de la série tant cet épisode fait référence à de nombreux albums parus antérieurement (principalement ceux publiés depuis 2020 et la reprise de la série). Mais plus que tout, Noces de fleurs fournit une révélation qui ravira certainement les fans de longue date, car l’album résout un mystère entretenu depuis de nombreuses années en expliquant ENFIN pourquoi Isis était absente de la saga Donjon Crépuscule. Et l’explication donnée par Trondheim et Sfar tient parfaitement la route, démontrant une fois de plus leur ingéniosité.


Lorsque Sfar et Trondheim jetèrent leur dévolu sur Aude Picault pour illustrer ce dix-huitième Donjon Monsters, ils déclarèrent à l’époque vouloir lui confier « quelque chose de maritime ». La passion de la dessinatrice pour la mer – et notamment la voile – est en effet connue, elle qui a publié plusieurs BD sur ce thème, comme Transat ou Parenthèse patagone, sans oublier l’excellente et hilarante Famille pirate qu’elle scénarisa pour Fabrice Parme, adaptée avec succès du dessin animé éponyme. Ce fut clairement une bonne idée. Le dessin faussement enfantin et amusant d’Aude Picault s’inscrit en effet parfaitement dans la tradition graphique minimaliste de la série, tout en se démarquant et en ne ressemblant à celui d’aucun autre Donjon Monsters. Au final, l’album présente une vraie originalité graphique et une vraie identité visuelle, d’autant que les jolies couleurs de Walter (dans des tonalités plutôt pastel, se mariant ainsi très bien au trait léger de la dessinatrice) apportent ce qu’il faut de lumière pour embellir le dessin et égayer ce nouveau biotope de Terra Amata imaginé par Sfar et Trondheim.


Dessin à la fois original et bien dans les codes graphiques de la série, histoire à la fois drôle et captivante qui, tout en pouvant se lire indépendamment du reste de la série apporte de nombreux éléments de réponses à la trame scénaristique de la saga principale, univers et personnages sans cesse renouvelés … Trondheim, Sfar et Picault signent avec Noces de fleurs un nouveau petit bijou de la série qui, malgré quelques petites maladresses scénaristiques finalement peu dommageables, n’a pas à rougir de la comparaison avec d’autres épisodes de la branche Donjon Monsters, bien au contraire.

_minot_
8
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le 2 avr. 2024

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