Fuite dans la grande ville

Marie ayant fait ce genre de bêtise qu’on ne pardonne pas aux femmes seules dans une petite communauté humaine, les règlements de comptes s’enchaînent. Le Magasin Général est de moins en moins fréquenté, et Marie doit aller se faire oublier quelque temps en menant la belle vie à Montréal. Sauf qu’elle finit par manquer à Notre-Dame-des-Lacs.

Serge, toujours impeccable, assume avec sérieux son rôle de père de substitution auprès de Gaëtan, au point de le faire gagner systématiquement aux dames au prix de la transgression de quelques règles de base... . Marie, repentante, mais comprenant qu’elle est dépassée par ses propres pulsions, réalise enfin son rêve d’aller voir la grande ville.

Très belles trognes, très beaux contrastes lumineux sous le crayon de Loisel et de Tripp. Visage de Madone de Marie en train de prier page 22. Averse réaliste pages 26 et 27, et confession émouvante d’une moribonde, pages 31 à 33, qui résume le degré de résignation qu’a dû assumer une jeune fille destinée à vivre toute sa vie dans un hameau perdu. Noël, le vieux grognon qui fabrique son bateau, donne un cours de morale évangélique à Réjean, le jeune curé (page 55)... Lequel Réjean est troublé depuis que Serge a posé sa main sur la sienne...

On est en été : mouches agaçantes, ornières sèches, moissons et apiculture (page 60), gosses qui pataugent dans le ruisseau et soirées en plein air (page 61).

Beau rendu de l’émerveillement et de l’euphorie qui s’empare de deux campagnardes devant les plaisirs et les mirages d’une grande ville, avec cabarets, tramways, boutiques, et Charles Chaplin au cinéma.
Beau travail de reconstitution de décors, mais aussi de la vie du cœur des hommes, si versatiles et si vrais.