Pendant les guerres napoléoniennes, un navire français navigue près des côtes anglaises. A bord, un singe habillé d’un uniforme français fait office de mascotte. La haine de l’anglais est alors à son comble. Ainsi, le mousse, osant chantonner une mélodie en anglais, se voit jeté par-dessus bord… Quelques instants plus tard, c’est tout le navire qui sombre suite à un orage soudain. Seul rescapé : le singe. Celui-ci va se retrouver sur les côtes anglaises, près d’un village nommé Hartlepool. Les habitants vont alors décider de pendre ce Français.

Inspiré d’une histoire vraie (ou du moins d’une légende, difficile d’être certain de la véracité des faits), « Le singe de Hartlepool » est une véritable fable contre la bêtise humain en général et le nationalisme en particulier. N’ayant jamais vu un Français de leurs vies, les habitants vont trouver à se convaincre que ce singe est un être humain français. Quitte à faire appel à un ancien combattant sénile pour trouver des arguments…

Les auteurs, Wilfrid Lupano au scénario et Jérémie Moreau au dessin, ont décidé de jouer le jeu à fond. Ici, c’est une fable. La plupart des gens (ici, de véritables ploucs) sont complètement stupides et haineux. Seuls certains personnages parviennent à sortir de cet état de fait : certains enfants et le médecin, symbole de culture et donc de tolérance. Clairement, les auteurs font le choix d’une morale claire et affirmée et c’est tant mieux.

Le ton de l’album est clairement cynique. L’humour y est fortement présent malgré l’aspect dramatique de l’histoire. On rit souvent, voire même de bon cœur, devant les remarques des villageois. On rit de la bêtise humaine et à la fois, on s’en désespère.

Notre empathie est souvent requise dès que le singe apparaît. Victime innocente, subissant le courroux d’animaux se revendiquant intelligents, il est le personnage le plus complexe de l’histoire, bien qu’il ne parle pas. Et en cela, c’est la grande réussite de l’album. Les auteurs ont parfaitement su retranscrire la dualité des chimpanzés. Poussé dans ses retranchements, le singe est bestial, il mord jusqu’au sang, griffe, bref, lutte pour sa vie. Mais il est également parfois terriblement humain avec son regard perdu dans le vide. Eternelle victime de l’homme (enlevé à sa famille, puis pendu en Angleterre), il paraît pourtant bien plus humain que ses bourreaux.

Outre une narration et un ton captivants, il faut avouer que le dessin est l’un des points forts de cet album. J’ai pleinement accroché au graphisme personnel et expressif de Jérémie Moreau. Il est en parfaite adéquation avec le propos, sachant se montrer expressif dans les moments les plus ridicules ou plus intimiste dans les passages les plus empathiques. Pour un premier album, c'est d'autant plus impressionnant. Un dessinateur que je suivrai avidement désormais.

« Le singe de Hartlepool » est un one-shot de qualité. Maîtrisé de bout en bout sur tous les points, il maîtrise le mélange des genres avec brio. A la fois écœuré, amusé et attristé, le lecteur repart avec le plein d’émotion !
belzaran
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le 16 oct. 2012

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