Un vieux guerrier devenu aveugle, un Lapin rouge sanguinaire et … une petite chauve-souris.


Si je considère Le cimetière des dragons comme l’un des sommets absolus de la série (voire même comme LE meilleur Donjon de toute la série, c’est dire !), c’est parce qu’au-delà de l’originalité de l’univers mis en place (une planète figée avec une face écrasée par un soleil brûlant et une autre plongée dans l’obscurité permanente, où la seule portion de terre habitable – qu’on appelle « le Crépuscule » – est la zone où se rencontrent le jour et la nuit), au-delà du fait qu’on s’attache très vite aux nouveaux personnages imaginés pour ce cycle Donjon Crépuscule, au-delà du caractère épique qui se dégage des aventures de ces nouveaux personnages, au-delà même de l’originalité du dessin de Sfar, cet album dégage une telle mélancolie à la lecture qu’il est impossible de ne être pris aux tripes quand on lit pour la première fois cet album (à fortiori si on a lu les deux premiers Donjon Zénith juste avant). L’étrange mélange de nostalgie, de douce tristesse et de mélancolie que dégage le scénario de cet album définit une atmosphère très particulière, qui est propre au cycle Donjon Crépuscule et le différencie nettement des autres sous-séries Donjon.


Si on a lu Cœur de canard (DZ1) et Le roi de la bagarre (DZ2) juste avant cet album, il est en effet impossible de ne pas avoir un choc en découvrant ce que le redoutable Marvin est devenu. De même, l’apparition du Grand Khan en fin d’album, dont la véritable identité n’est pas dévoilée mais dont l’apparence du personnage laisse planer un sérieux doute chez le lecteur, apporte un sentiment de crainte mêlé d’incompréhension (on ne peut pas, on ne VEUT PAS, imaginer que ce cruel canard noir soit le guilleret et amusant Herbert). Si on ajoute l’apparition d’un nouveau personnage prénommé Marvin (dont le patronyme crée une certaine confusion) et la surprise de constater que l’imposant Donjon de jadis est devenu l’inquiétante Forteresse Noire, on comprend que la lecture de cet album nous amène à nous poser de nombreuses questions – exercice ô combien excitant qui fait tout le sel de la série Donjon.


Au delà de ça, l’album en lui-même est une vraie réussite ; le mélange action bien bourrine / passages comiques / scènes émouvantes fonctionnant parfaitement. On a droit ainsi à de la baston bien « donjonesque » comme cette grande bataille aérienne au-dessus du Grand Poupoulou qui vire très vite au joyeux foutoir ou cette bagarre sanglante entre Marvin Rouge, les Terrasseurs du Grand Khan et les sbires de Shiwomitz, le tout parsemé de bons mots et de dialogues très drôles. Bref, on se régale à la lecture.


Graphiquement, Le cimetière des dragons est aussi l’occasion de découvrir le dessin de Sfar, atypique et original, et de se familiariser avec. Même si pour ce premier Donjon Crépuscule Sfar s’est efforcé de coller au plus près possible au trait de Trondheim (à la demande de ce dernier, qui souhaitait à l’origine que les lecteurs des deux premiers Donjon Zénith ne soient pas trop perturbés par le changement graphique en abordant ce premier Donjon Crépuscule), le dessin de Sfar dans cet album garde quand même sa propre identité. Moins limpide et séduisant que celui de Trondheim, un peu plus punk, le dessin de Sfar s’accorde au final parfaitement avec cette vision aride et déformée de Terra Amata à cette époque avancée du Donjon. L’ambiance post-apocalyptique de Donjon Crépuscule doit en effet beaucoup au coup de crayon de Sfar, dont le trait irrégulier souligne bien l’ambiance chaotique et barbare de cette sous-série. Et si on ajoute que les couleurs absolument magiques de Walter apportent un côté onirique au monde décrit dans cet album, on ne peut qu’adhérer aux choix graphiques de cette branche du Donjon.


Au final, Le cimetière des dragons est un album en tous points excellent qui peut constituer l’une des portes d’entrée pour découvrir Donjon (après tout, pourquoi ne pas commencer la série par la branche Donjon Crépuscule ?). Toutefois, l’album est à lire selon moi après les deux premiers Donjon Zénith si on désire le savourer totalement : les changements entre les deux univers sont vertigineux.

_minot_
10
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Créée

le 13 avr. 2021

Critique lue 397 fois

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