Album de transition

• Les Sioux et les Cheyennes sont une fois de plus victimes de la perfidie des visages pâles !... Mais ils sauront mourir en braves !...


• Qui parle de mourir ?...


• Il est trop tard pour parler même si nous avons été dupes, jamais les "tuniques bleues" ne nous pardonneront l'attaque du "cheval de fer".


• Qu'en sais-tu ?... Une mauvaise paix vaut mieux que la meilleure des guerres, et le chef des visages-pâles est aussi soucieux que toi d'épargner la vie de ses guerriers !...

Adieu Jethro !

Blueberry tome 9 : "La Piste des Sioux", est le troisième volume du deuxième cycle "Le Cheval de fer" composé de quatre tomes. Une bande-dessinée qui reprend la course impitoyable pour la construction d'une voie ferrée traversant le continent de l'Atlantique au Pacifique que se livrent deux compagnies ferroviaires rivales avec "Central Pacific" et "Union Pacific". Sur un scénario de Jean-Michel Charlier le récit reprend quelques heures après les événements mouvementés de "L'Homme aux poings d'acier". On retrouve Mike Steve Blueberry pourchassé par Jethro Steelfingers, Red Cloud, Sitting Bull ainsi que les tribus Sioux et Cheyennes qui veulent mettre la main sur les 300 000 dollars de l'Union Pacific. À des kilomètres de là, Red Neck, et Jimmy Mc Clure arrivent enfin à Julesburg. Une suite qui se dresse comme un volume de transition qui concentre son action à travers une narration mouvementée qui va nourrir l'intensité de la situation qui va n'avoir de cesse d'évoluer. Un jeu de faux-semblants où Blueberry va devoir dans premier temps prouver son innocence, pour basculer sur un autre événement, puis un autre... Une juxtaposition de rebondissements qui apportent un suspense constant jusqu'à l'arrivée d'un général peu commun. Un homme néfaste qui n'hésite pas à abuser de son pouvoir pour assouvir ses ambitions et qui va certainement se dresser comme l'élément central du dixième tome : « Général "Tête Jaune" ».

En découle un opus un brin bavard qui traîne un peu en longueur appuyé par des actions appréciables mais d'un niveau bien moins percutant que les deux volumes précédents. On approuve les petites confrontations comprenant Blueberry, les indiens ainsi que Steelfingers avec une petite répétition dans la course-poursuite qui va trouver une résultante. Le moment clé survient à Julesburg contre les villageois en ébullition qui accusent Blueberry d'avoir volé les fameux 300 000 dollars. Un chapitre haletant qui sublime le cadre et l'ambiance pour un résultat malheureusement illusoire. Illusoire, puisque le périple anxiogène ne va pas où bout de son action avec l'arrivée du général Dodge, qui vient mettre un terme au quiproquo. Déception également autour de Jethro Steelfingers, qui trouve une conclusion insatisfaisante. Un adversaire coriace qui durant le septième et huitième tome n'a de cesse d'aggraver la situation et de poser des problématiques à Blueberry. Une dualité sous tension dont on imagine une conclusion à la hauteur du charisme de cet antagoniste qui va connaître une fin en dessous de ce que l'on aurait pu espérer. Une confrontation épique dont se retrouve privé le public qui à la place assiste en hors champ à la mort de Steelfingers contre Sitting Bull. De quoi être déçu et frustrer. À voir si cette finalité en hors champ n'est pas une manière de mieux nous remettre en avant cet antagoniste qui ne serait peut-être pas réellement mort.

Les dessins de Jean Giraud, dit "Moebius" sont de qualité. Giraud ne cesse d'affiner sa technicité. Les décors, au même titre que les traits des personnages, trouvent une régularité qui traduit enfin de la maturité du dessinateur. Un travail graphique satisfaisant qui durant la prise d'assaut à Julesburg trouve un contraste bouillonnant. Une mise en mouvement adroite cadrée dans des vignettes riches en détails. Petit regret autour de la colorisation blafarde qui n'aide pas (à quelques exceptions près) à embellir les illustrations. Notre Jean-Paul Belmondo en tant que Lieutenant Mike Steve Blueberry a une fois encore fort à faire. Un cowboy très engagé dans la défense contre les indiens faces aux abus d'une nation naissante qui ne prend aucun gant avec les "sauvages". Des situations tendues et désespérées où Blueberry va dans sa malchance pouvoir compter sur plusieurs éléments chanceux pour le tirer de plusieurs mauvais pas. Jack Palance alias Jethro Steelfingers, est décidément un antagoniste coriace qui ne lâche rien et va en faire voir de toutes les couleurs à notre héros. Gros regret autour de sa regrettable disparition loin des yeux du lecteur. Finalement, le duel entre Steelfingers et Blueberry s'achève sur la victoire de Steelfingers qui aura le mot de la fin dans cette dualité jusqu'à l'intervention de Sitting Bull. Red Neck et Jimmy Mc Clure trouve dans ce volume une réelle utilité en mettant en place un plan prépondérant pour la suite et sans les conseils avisés de Blueberry. Un duo qui devient réellement utile à l'intrigue. Enfin, s'invite un personnage irritable avec Sharp qui ne cesse d'accuser Blueberry de voleur. Un homme agaçant et usant qui va pouvoir goûter (à juste titre) du point de Blueberry.

CONCLUSION :

BLUEBERRY : "La Piste des Sioux", du duo fertile Jean-Michel Charlier et Jean Giraud, dit Moebius, est un neuvième volume un brin décevant en comparaison des deux tomes précédents. Un album de transition à la croisée infernale des chemins de fer qui joue avant tout du suspense sous un climat haletant pour s'achever sur l'intégration d'un nouvel antagoniste qui à coup sûr va s'avérer être un adversaire conséquent pour la suite de l'aventure. Une bande dessinée qui va regrettablement priver le lecteur d'une ultime confrontation entre Blueberry et Steelfingers. De quoi en frustrer quelques uns.

À défaut de livrer un périple pleinement maîtrisé, La Piste des Sioux offre un revirement scénaristique appréciable qui laisse espérer le meilleur à venir avec le dixième tome « Général “Tête Jaune” ».

• Les ordres, ici, c'est moi qui les donne !... J'ai pleins pouvoirs !... L'officier-Fourrier a déjà réglé les formalités administratives concernant votre transfert... Quant à cette trêve grotesque avec les indiens ni vous, ni même l'ex-général Dodge n'étiez habiletés à négocier... Je la considère donc comme nulle !!


• Quoi ?!


• C'est moi, et moi seul qui ai pouvoir pour traiter avec ces assassins rouges ! Et seulement après les avoir écrasés !...


• Mais... J'ai donné ma parole aux indiens !


• Elle n'engage que vous, et je n'ai absolument pas en tenir compte !... J'ai reçu des ordres catégoriques de Washington dont je n'ai pas à discuter avec vous !... Vous pouvez disposer !...


• Un mot, Sir !... Je vais signer ma démission et vous prie de la transmettre immédiatement.


• Aucune démission n'est acceptée en temps de guerre... Et nous sommes en guerre lieutenant. De plus, je vous rappelle que le refus d'obéir et la désertion devant l'ennemi sont punis de mort... Vous avez une heure pour récupérer vos affaires en ville et prendre vos arrêts !... Et maintenant, rompez !...