Un jeune garçon hyper joyeux, carrément naïf, beaucoup trop fort et agile pour son âge, décide de quitter l'île natale sur laquelle il a grandi à moitié à l'état sauvage pour partir à la recherche de son père, insaisissable hunter d'exception. En commençant Hunter X Hunter, on a l'impression de commencer n'importe quel shônen normal.


On peut même avoir l'impression d'être face à un plagiat pur et simple de Dragon Ball.


Mais c'est là la grande force d'Hunter X Hunter : rien n'y est jamais ce qu'il parait. Car là où la plupart des shônen nous amènent à suivre l’avènement d'un héros et son parcours initiatique, Hunter X Hunter préfère se concentrer sur la découverte d'un monde au potentiel quasi-infini.



Bonjour, monde cruel



La base d'Hunter X Hunter, ce qui lui permet d'être aussi solide et d'exploiter aussi intelligemment les concepts qu'il pose, c'est le fait de toujours se plier à une règle simple. Le monde est incroyablement vaste et dense, mais il obéit à une constante : peu importe votre puissance ou votre ténacité, l'erreur n'est pas tolérée.


La concentration et la vigilance sont donc les conditions sine qua none à la victoire, mais même à la simple survie.


Par conséquent, toute créature ou individu cherchera naturellement à exploiter à leur plein potentiel toutes les ressources à sa disposition : la prise d'information sur tout un ensemble de sujets devient essentielle, le bluff devient la meilleure arme qui soit. Rien d'étonnant à ce que le manga soit assez bavard. C'est cela qui permet à Hunter X Hunter de reprendre avec fraîcheur les codes du shonen.


Deux exemples : son personnage principal et son premier arc.


Dans un univers pareil, Gon, personnage de shônen archétypal au possible, devient extrêmement intéressant à suivre : avec sa nature casse-cou, naïve et rentre-dedans, il est une proie toute désignée, malgré son potentiel impressionnant. Il est loin d'être dénué de qualités et de créativité, il a simplement de gros défauts que vont venir compenser son apprentissage et ses camarades. On est loin d'un Sangoku ou d'un Luffy qui, à la fin, finissent systématiquement par sauver la situation grâce à des ressources insoupçonnées.


Bien sûr, Gon partage leur potentiel latent et leur grande puissance, mais il paye en général très cher ses erreurs : il lui arrive souvent de perdre, et d'y laisser gros. Au final, Gon est un héros, mais le monde ne tourne pas autour de lui : il n'y est qu'un spectateur, qui se place au même niveau que le lecteur, en découverte perpétuelle de son environnement.


Ensuite, l'examen de Hunter. Dans ce monde absolument gigantesque, inconnu et hostile, les Hunters sont des personnages exceptionnels dont le seul objectif est de dépasser les limites. Ils peuvent être guerriers, gourmets, explorateurs ou archéologues, peu importe : ils constituent un matériel aussi fascinant qu'inépuisable.


Dès lors, l'examen de Hunter ne peut pas être qu'une simple succession de duels (et quand il adopte ce schéma, il faut que ce soit construit d'une manière absolument tordue) : il évalue l'intelligence, la réactivité, la capacité à camoufler ses forces et ses faiblesses, la prise d'information, et surtout la capacité à improviser et innover. Et tout cela à travers un ensemble d'épreuves toutes plus surprenantes les unes que les autres.


Voilà : ça se sont les 5 premiers tomes. Les arcs suivants sont de la même trempe, variant à chaque fois environnements et règles du jeu avec brio : entre le domaine d'une famille d'assassins mondialement connus, une tour gigantesque servant d'arène géante, ou encore l'arrivée dans une gigantesque métropole au milieu d'enchères tenues par la mafia, chaque nouvel arc est la promesse d'un univers riche et grandiose. Et chaque nouvel arc tient sa promesse.



Texture trompeuse



Les dessins suivent un peu le même schéma que vu plus haut : leur aspect un peu brouillon et en apparence des plus simplistes pourrait freiner votre lecture. Mais en y regardant de plus près, les proportions sont toujours impeccables, le degré de détail sur certains environnements est scotchant, d'autant qu'ils varient sans cesse. Et Togashi sans jamais perdre son identité et son style, n'hésite pas à expérimenter s'il juge que c'est nécessaire pour l'histoire.


Ainsi style, construction, degré de détail et composition n'arrêtent pas de varier en fonction de la scène. On a véritablement affaire à un maître de son art, qui parviendra sans mal à rendre la tension, la puissance, la peur, la vitesse, jonglant d'une page à l'autre entre le comique et le malsain sans aucun problème.


Chaque personnage, même les plus petits sous-rôles, est impeccablement brossé et facilement identifiable. Les personnages principaux, qu'ils soient bons, mauvais, ou plus généralement incroyablement borderlines, sont tous des monstres de charisme, peu importe leur dégaine (souvent assez simple d'ailleurs). Gon, malgré son statut de héros, est loin d'être le centre de l'attention, et il n'est pas rare que plusieurs chapitres s'enchaînent sans que l'on ne voit l'ombre de sa petite tête.


En relisant ce manga, je m'aperçois que l'auteur assume sa trajectoire : il maîtrise parfaitement les codes du shônen (héros au potentiel absurde, pouvoirs bizarres, quête initiatique, tournois et combats à la pelle), mais contrairement à un One Piece qui va se servir de cette maîtrise et pousser ces codes jusqu'à l'absurde (avec brio, certes, mais quand même), Hunter X Hunter préfère s'en jouer constamment, posant des archétypes qui semblent familiers pour mieux les retourner contre les attentes du lecteur.


Bon je crois que ça commence à se voir, j'adore ce manga. Pourquoi ce 9 alors ? Tout simplement parce qu'aussi impressionnante que je trouve cette œuvre, je ne peux pas m'empêcher d'y penser comme un ensemble d'occasions manquées. Les histoires qu'il nous propose sont absolument passionnantes (oui, même l'arc des kimera ants, qui m'a personnellement laissé un mauvais souvenir plus à cause de ses inégalités de parution qu'à cause de sa qualité), mais le territoire qu'il laisse inexploré l'est beaucoup plus.


Mais ne boudons pas notre plaisir. Vous en avez marre des mangas stéréotypés, où le suspense vient juste du nom de la super attaque qu'utilisera le héros pour déboîter le méchant ? Vous voulez un manga qui redonne au duel et à l'affrontement leurs lettres de noblesse, avec pour mots d'ordres principaux l'intelligence, le bluff et l'originalité ? Vous voulez apprendre ce qu'il faut choisir entre droite et gauche, ou encore ce que les techniques de contrefaçon peuvent vous apporter quand vous êtes dans une situation foireuse ? Vous voulez voir la meilleure partie de balle au prisonnier de la terre ?


Dans Hunter X Hunter, il y a tout ça, et bien plus encore.

Créée

le 12 oct. 2015

Critique lue 6.8K fois

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Hamsolovski

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