Ca y est j'ai fini Scalped. Après un marathon de quasiment un tome par soir, je suis encore abasourdi. Surement parce que le retour à la réalité est aussi violent que l'entrée dans l'oeuvre d'Aaron, surement aussi parce que nous sommes en mars 2014 et que ce n'est pas de si tôt que je lirai un si grand comic.


Ce qui est fort avec Scalped et c'est ce qui me vient en premier lieu à l'esprit, c'est la métamorphose non seulement du récit au fil des pages mais aussi du lecteur qui le lit. Ca débute avec du très bourrin, tripailles et gros calibres au milieu d'un océan d'insultes et de colère. Dès lors on peut penser que cela puisse rebuter l'étranger, qui entre ses mains ne voit qu'un déchaînement de brutalité, sans grands fondements, avec un usage abusif du flash back et du récit tentaculaire. Ca c'est le tome 1.


Le tome 2 continue sur cette lancée de rage primitive et de festival d'hémoglobines, pourtant commence à se matérialiser quelque chose de plus fort. Par les apparitions divines, les représentations animales des personnages, Scalped revêt son second aspect essentiel qui ne quittera plus la série: après la violence sèche, le spiritisme. Les plus férus y trouveront même un caractère initiatique à la Siddharta, sur le coup je n'ai pas vu si loin.


C'est avec le tome 3 que la série décolle pour de bon. D'abord parce que le bouquin est bien plus épais, mais surtout parce que Aaron, peut-être par la prise de substance ou par révélation (Vertigo lui aurait-il caresser l'échine ?) prend conscience de l'ampleur de son bébé. Scalped se densifie, les relations et les protagonistes gagnent en finesse, l'intrigue persévère dans l'âpreté et l'absence de manichéisme tout en récupérant son troisième et plus important aspect: la nature humaine. Scalped, Edgar Morin, un lien ?
Ce qui est certain c'est que Scalped n'est pas un pamphlet pro-natifs américains, ce n'est pas non plus une satire de la société ou un polar avec femme fatale et descente aux enfers. Scalped c'est plus que tout ça à la fois, ce n'est pas une simple addition, c'est le mariage de tous ces éléments. Au diapason desquels l'Humanité, dans tout son vice et son mal-être, est pointée du doigt.


Certes tout n'est pas parfait dans ces formidables 60 issues, il est normal que sur 5-6 années d'écriture intense, avec des collaborateurs aux quatre coins du globe, Aaron faiblisse parfois quelque peu. On trouve bien occasionnellement un iota de passages poussifs, des personnages qui stagnent alors que tous les autres évoluent, des nouveaux venus qui n'auraient peut-être pas forcément leur place, des enchevêtrements malvenus au sein du récit tentaculaire. Néanmoins l'ensemble, à la fermeture véhicule une telle cohérence, une telle puissance... Tout y est impitoyable et crasseux mais ces destins d'hommes usés par la vie sont démesurément scotchants.


Inutile de vous dire que la grandeur de Scalped est aussi le fruit d'un dessinateur qui a su exactement retranscrire la désespérance, aussi bien que le côté viscéral et furieux. Les planches sont belles, sales mais putain d'admirables. Du feu et de la poussière dégouline des cases, ces gueules patibulaires sont magnifiques. La dynamique ne fait jamais défaut et même quand des petites mains viennent aider pour quelques chapitres, l'ensemble garde son incroyable cohésion.


Allez je m'arrête là, Scalped vous l'avez compris c'est Vertigo dans toute sa splendeur. J'adore Criminal, je crois bien que j'aime encore plus Scalped.

Hellzed
9
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le 26 mars 2014

Critique lue 415 fois

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