Il n'est pas désagréable, ce Natacha. Loin de là !
Mais il tire en tous sens. Il tire et s'étire tant et si bien qu'il éclate en éclats de souvenirs.


Natacha et les dinosaures, c'est bien évidemment une tentative de surfer sur la vague Jurassik Park du duo Spielberg-Crichton, déferlante cinématographique qui faisait fureur dans les années 90: 1993 et 1997, les Dents de l'affaire !
Mais déjà le deuxième Jurassik Park prenait le sous-titre Le Monde perdu et prétendait ajouter une adaptation de Conan Doyle à son palmarès. Le Monde perdu de Conan Doyle, une aventure du Pr Challenger, le héros éclipsé par Sherlock Holmes, qui a néanmoins elle aussi triomphé à la même époque, générant pas moins qu'une adaptation télévisuelle de type mini-série avec MM. Peter Falk & Bob Hoskins et une série librement adaptée mais se réclamant de son titre et de son personnel. Pris en tenaille entre deux adaptations de l'oeuvre de Conan Doyle - le deuxième opus spielbergien de 1997 et la série de 1999 - rien d'étonnant à ce que Natacha vienne à son se faire une gorge chaude de l'un des plus verniens roman du père du Brigadier Gérard tout en raillant "Mesozoïk Park" au passage, le gratifiant d'un 16e volet boudé par les jeunes héros.


Rien d'étonnant et pourtant si !
Car le récit de ces aventures avait été prévu pour la collection des Jeannette Pointu de Waterlain qui s'est vu refusé le projet et qui contourne l'obstacle en s'associant avec Walthéry pour en faire un Natacha. Il en ressort une aventure qui aurait été sans doute plus crédible menée par une journaliste assumant une expédition, lot d'un concours de son journal.
Forts de leur exploit tout relatif de transposition dans l'univers de la Bardaf, les deux complices se lancent dans de joyeux délires inter-textuels des plus heureux, comme l'allusion à Milou détruisant un squelette de dinosaure dans Le Sceptre d'Ottokar, aux plus déplacés, comme la Ribambelle de Roba revisitée façon très occidento-centrée qui vole un certain temps la vedette à Walter et Natacha.


Reste un soucis pédagogique.
Mieux un jeu avec le pédagogique qui, reprenant une savante poétique vernienne, mêle récit et phrases encyclopédiques. Sans jamais mobiliser le lieu commun de la caricature du pédant, l'album parvient à pasticher Jules Verne de façon assez étonnante et s'inscrit ainsi au côté de son modèle, Le Monde perdu de Conan Doyle, qui s'était déjà fixé ce bel et ambitieux défi.
Pourtant nul besoin de s'encombrer l'esprit avec toutes les précisions savantes pour suivre l'histoire: à la discrétion du lecteur d'en retenir quelque chose ou de n'en retenir rien.


En somme, Natacha et les dinosaures est un album partagé.
Partagé entre l'aspiration de s'inscrire dans son temps et les nombreuses inspiration de l'âge walthérik des années 60-70 qui semble loin déjà.
Partagé entre velléité pédagogique, pastiche vernien, intertextualité avec des BD anciennes. Partagé entre sensualité de Natacha et proximité enfantine, c'est à dire visant deux publics très différents. Partagé entre Jeannette Pointu et Natacha, hôtesse de l'air, c'est à dire entre deux héroïnes, du fait de la sa double genèse.
Partagé mais tirant une force étrange de ce méli-mélo qui lui octroie du charme et lui permet de se soustraire à la question - trop présente depuis la naissance de l'esthétique de la réception et parfois non pertinente - du public cible.
Car finalement, les meilleures oeuvres ne sont-elles pas celles qui ne choisissent aucun public ?

Frenhofer
7
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le 7 déc. 2018

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Frenhofer

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