Si le titre de cette nouvelle collection « Les Trésors de Marvel » est un peu pompeux, il faut saluer l’initiative de Panini Comics avec sa nouvelle série de publications anthologiques. Contrairement à tant d’autres qui sont le plus souvent à la gloire d’un personnage ou d’un groupe d’encapés, chaque numéro se consacre à une seule année pour en exhumer les « récits les plus marquants ».

L’octogénaire compagnie Marvel Comics ayant de longues années derrière elle maintenant, il y a de la matière, c’est évident, même en ne cherchant que le haut du panier. La sélection peut être ardue, et les 160 pages prévues se remplissent vite. L’éditorial précise d’ailleurs que la collection ne s’interdit pas de revenir sur une année déjà traitée pour présenter de nouvelles histories. C’est aussi une manière d’esquiver certaines critiques déçues de ne pas retrouver « leurs » héros ou histoires fétiches (pas d'Avengers, pas de Thor, pas d'Iron-Man, il fallait bien faire un choix).

L’année 1982 ouvre ce premier tome de la nouvelle collection. D’un point de vue éditorial, nous sommes alors dans le règne de Jim Shooter, rédacteur en chef d’une compagnie devenue gigantesque et dont il est difficile de tout cordonner. Il reprendra en main la destinée des grandes séries Marvel en les divisant par groupes, chapeautés par des éditeurs de séries, réduisant la responsabilité des scénaristes dans le devenir de leurs créations. Pourtant, le règne décrié de Jim Shooter verra arriver de nouveaux auteurs, tandis que d’autres démontreront leur savoir-faire, comme en atteste cette année 1982.

Roger Stern fait ainsi partie de cette nouvelle vague de créatifs arrivés à la fin des années 1970. Il est avant tout un scénariste qui se sera fait connaître sur Dr Strange, Avengers ou Spider-Man. Ses histoires, d’une facture classique, n’en étaient pas moins très entraînantes, à l’image de celle ici présente, même si sa courte histoire « The Kid Who Collects Spider-Man » parue en 1984 est particulièrement poignante.

Dans Amazing Spider-Man 229 et 230 il confronte l’homme araignée au Fléau, l’inarrêtable mastodonte. Le rapport de forces n’est pas en faveur de Peter Parker, tandis que le Fléau, architecte de la destruction partout où il passe, ne le considère que comme un insecte sur son passage, qu’il dégage à chaque fois rapidement. Une histoire assez entraînante, car semblant vouée à l’échec, mais c’est sans compter la détermination obstinée de Spider-Man. Ces deux épisodes représentent un divertissement plaisant, dont la conclusion a marqué bien des esprits (ces épisodes sont repris dans la mini-série à travers le temps X-Men Forever de 2001). Le petit John Romita Jr offre des pages bien réalisées mais assez classiques, encore loin du style plus brut et massif qu’il adoptera avec succès par la suite.

Frank Miller fait lui aussi partie de cette nouvelle vague de créatifs Marvel, et sa reprise en main de la série Daredevil a changé à jamais le héros à cornes. Délaissant les aventures superhéroiques, il fait glisser le héros vers une noirceur surprenante pour l’époque, dans une New-York gangrenée par le crime et le désespoir. Daredevil doute et hésite, notamment à cause de ce double épisode 181, où il est pourtant peu présent. C’est le vilain Bullseye qui est à l’honneur, obsédée par sa vendetta personnelle contre Daredevil et désirant retrouver sa place auprès du Caid, patron de la pègre, qui l’a remplacé avec l’assassin Elektra. Le récit est âpre, les dessins de Frank Miller avec Klaus Johnson aux finitions dresse le portrait d’un homme à la dangerosité malsaine, dans un décor urbain sombre et tragique. Cet épisode est un classique de Marvel, il laissera des traces à jamais dans l’histoire du personnage et dans le coeur des lecteurs.

On retrouve Frank Miller pour le premier épisode de Wolverine, qui était alors la première mini-série consacrée au personnage, il s’en suivra des centaines depuis, mais à l’époque c’était un événement.
Avec Chris Clarement au scénario, Frank Miller développe le personnage, lui offrant un nouveau passif japonais. Une des marottes du scénariste et dessinateur, mais si dans Daredevil il y incorporait tout un univers ninja, il s’agit plutôt ici d’intégrer la culture japonaise de l’honneur et des samurais. Dans cet épisode (et les suivants, non présents), Wolverine n’est plus cette bête un peu féroce, mais bien un homme d’honneur, amoureux d’une seule femme, pour qui il va devoir prouver sa vaillance. Le récit s’éloigne des conventions superhéroiques, il développe Logan, mais à trop vouloir singer les grands récits japonais qui lui plaisent tant, Frank Miller se révèle moins à l’aise que sur Daredevil.

Difficile d’y décéler le travail de Chris Claremont, scénariste crédité mais probablement plus en retrait tant cet épisode est typiquement une œuvre de Frank Miller. Si Chris Claremont est malheureusement un peu oublié de nos jours, c’est lui qui avait relancé la série des X-Men à la fin des années 1970, qui, depuis près de 10 ans ne persistait sur les étals que par des réeditions et quelques passages dans d’autres séries. La relance de la série se fait par Len Wein, le temps d’un numéro, mais c’est bien Chris Claremont qui tiendra les rênes pendant 15 ans, auteur de nombreuses sagas phares qui feront le bonheur des adaptations cinématographiques (avec plus ou moins de bonheur).

Ses histoires sont palpitantes, aventureuses et humaines, avec un léger goût du feuilleton qui permet de suivre les différents rebondissements ou évolutions des personnages avec une grande gourmandise. Sa collaboration avec John Byrne (1978-1981) est l’une des meilleures périodes des aventures mutantes. En cette année 1982, il s’oriente vers de nouvelles directions, notamment spatiales, mais aussi un peu plus horrifiques, avec cet épisode 159 où la fière Tornade est convoitée par le seigneur Dracula qui veut en faire sa compagne. L’épisode est très anecdotique, mais il marque la première collaboration du scénariste avec Bill Sienkiewicz au trait encore conventionnel, mais qui fera des étincelles avec le même auteur sur la série New Mutants en 1984 (conspuée en France dans les courriers de lecteurs de la revue Titans qui la publiait). Très clairement, les X-Men ne ressortent pas à leur avantage dans cet échantillon ‘82.

John Byrne, déjà cité plus haut, fait lui aussi partie de cette nouvelle vague avec tout ce beau monde.

Plus conventionnel que le style de Frank Miller, il hisse pourtant le style « à la Marvel » à une apogée à la fois retro et vivante, avec son découpage clair, ses scènes bien composées et ses personnages toujours bien définis. Collaborant d’abord avec Chris Claremont sur Iron Fist puis les X-Men ou avec David Micheline sur les Avengers, à chaque fois des succès, sa reconnaissance et son assurance lui permettent d’occuper pour la première fois (de manière officielle) le poste de scénariste et de dessinateur sur la série des Fantastic Four de 1981 à 1986. Il va s’atteler à redéfinir certains personnages, notamment Susan Storm, habituelle cinquième roue du carrosse, et repréciser leurs relations mais aussi à envoyer les 4 héros dans des aventures cosmiques à leur juste mesure. L’épisode ici compris n’est pas le meilleur exemple, mais reste de très bonne qualité, et marquera durablement les Inhumains, peuple ami ici présents. Avec l’aide des Fantastiques, ils déménageront leur refuge sur la lune, tâche titanesque mais remplie à bien par nos héros. Une naissance importante signera aussi la fin de cet épisode.

Ces épisodes étant tirés de séries phares de chez Marvel, ils ont tous été au moins une fois déjà édités et traduits chez nous, d’abord chez Lug qui les publiait dans ses revues Strange, Spécial Strange, Nova ou Titans (parfois censurés comme les Daredevil de Miller) puis chez Panini Comics à partir de 1997 dans ses intégrales ou ses anthologies. Ce qui ne veut pas dire que ces parutions sont encore facilement trouvables, d’où l’intérêt de cette collection.

Par contre, l’argument de la collection de proposer du matériel inédit tombe à l’eau avec cette histoire de Daredevil tirée du premier numéro de Marvel Fanfare. La revue anthologique a été peu traduite chez nous, c’est dommage car de bons artistes ont travaillé dessus au fil des numéros, mais cette histoire a déjà été publiée dans le Strange Spécial Origines n°307 d’octobre 1995. Certes, il ne doit pas être facile à retrouver. Mais l’histoire façon « conte de Noel » est assez oubliable.

Étant donné la quantité de bonnes histoires présentes dans ce numéro, difficile de se plaindre de quelques épisodes moins pêchus. Il y a du bon contenu, le prix est doux et le choix de la couverture (et des suivantes) est bon. La revue est avant tout destinée aux adultes nostalgiques qui veulent se replonger dans leurs vieilles lectures, même si les nouveaux lecteurs un peu curieux découvriront de bons épisodes, dont le Daredevil de Frank Miller qui est un immanquable. Dommage que le rédactionnel soit un peu restreint, il aurait été bien de présenter un peu plus en détails cette période assez riche de Marvel.

Le deuxième numéro remonte encore plus loin, avec l’année 1973.

Mais 68 c'est bien aussi.

Retour dans les années 1980 avec le quatrième tome.

1976 est cosmique et mystique.

1969 est surprenante.

SimplySmackkk
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le 28 juin 2022

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