William Parker – Universal Tonality (2022)


Pas loin de deux heures de musique réunies sur ce double Cd majestueux, en provenance des archives du contrebassiste. C’est un concert enregistré à « Roulette », loft new yorkais de Jim Staley, en décembre deux mille deux. William Parker a réuni en ce lieu pas moins de seize musiciens d’après le concept de « Tonalité Universelle » qui donne le titre à l’album, et qui pourrait signifier tout simplement « respirer ensemble ».


Vraiment difficile de citer tout le monde, mais il y a quelques pointures sur ce magnifique enregistrement, Billy Bang au violon, Dave Burrell au piano, Grachan Moncur III au trombone, Joe Morris à la guitare et Gerald Cleaver à la batterie. Il y a aussi un joueur de koto, deux joueurs de balafon, un joueur de chirimia mexicaine à anche double, une joueuse de komungo coréen, des joueurs de anches et de cuivres en nombre et surtout la vocaliste Leena Conquest qui chante, ou devient récitante : des poèmes et des textes écrits par William Parker lui ont été données, c’est elle qui choisit et décide de la forme qu’elle souhaite donner à ses interventions.


Cette grande liberté est le ciment fondamental ici, ainsi des grilles ont été distribuées aux musiciens qui peuvent les interpréter à leur convenance, ou même s’en extraire complètement. Elles nous sont fournies sous la forme d’un poster à l’intérieur du Cd, chacune représente des dessins pleins de belles couleurs, ici la musique est free mais paraît, à l’écoute et de façon étrange, construite avec précision.


Il n’y a que six pièces ici, allant de dix minutes quatorze à trente et une minutes, chacune d’entre elles est un voyage unique et extraordinaire guidé par cette respiration commune qui donne le tempo. Ainsi nous ne sommes pas dépaysés plus que ça, on retrouve pas mal de caractéristiques musicales liées au free jazz, on y entend du blues, de la musique africaine et ces sonorités de cordes venues du monde entier, sans jamais se laisser perdre, soutenus par un groove continuel qui assure et rassure.


Cet enregistrement est véritablement imposant, il arrive sur la platine et s’impose avec une force incroyable, qu’une telle musique soit possible on s’en doute, située entre les audaces de Charles Mingus et celles de l’Art Ensemble de Chicago, en ajoutant le chant parfois halluciné de Leena Conquest et cette dimension universelle qui éblouit.


Un jour on se rendra compte de l’importance de l’immense William Parker, et pas seulement comme musicien de jazz ou contrebassiste, mais comme d’un compositeur à l’envergure d’un Duke Ellington, enfin c’est la seule comparaison qui me semble pouvoir tenir, à l’écoute de ses nombreuses sorties discographiques, bien que mon aperçu ne demeure que parcellaire.

xeres
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le 10 janv. 2023

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