Tostaky
7.6
Tostaky

Album de Noir Désir (1992)

Noir Désir, chapitre 3 : « Tostaky »

Au début des années 90 le paysage rock se voit soumis à une reconfiguration brutale et violente : le new wave est passée de mode, le heavy metal est ringardisé…bref, ce qui a bien marché dans les années 80 marche nettement moins…à cause de quoi? Du grunge pardi! Toute la planète rock (ou presque) semble avoir succombé aux riffs de guitare simples et imparables présents sur l’album « Nervermind » de Nirvana. A cette vague qui prône un retour à la simplicité et au son crade et légèrement saturé nombre de groupes répondent « présent » afin de ne pas se laisser dépasser par les événements…qu’en est-il de Noir Désir? Est-ce son cas à lui aussi? Bah oui c’est logique sinon pourquoi j’en parlerais à part pour gagner du temps huuuum?


Mais il serait plus exacte de voir ce nouvel album de Noir Désir comme un prolongement logique du disque précédent qui était lui-même déjà plus électrique que celui d’avant…le son est donc plus âpre, plus rugueux…ça sent bon la sueur et la testostérone, et ce, dès le premier morceaux : « Here it comes slowly » qui est une tuerie! Il s’agit d’ailleurs d’un des meilleurs morceaux du groupe en Anglais…mais étrangement on ne ressent pas d’influence « grunge » dans cette cavalcade rock et sacrément burnée…plus une inspiration provenant des meilleurs morceaux de Motorhead à la limite. Le morceau suivant « Ici Paris » est un classique du répertoire de Noir Désir sur scène : un morceau de rock véritablement efficace avec une batterie très mise en avant et des rafales de guitares redoutables.


Dès les deux premiers morceaux on sent qu’effectivement Noir Désir a décidé de sonner plus agressif qu’auparavant, jamais le groupe n’aura autant sonné comme un groupe de hard rock traditionnel…toutefois cette impression est gommée par le morceau suivant qui atterri ici presque comme un cheveux sur la soupe après cette paire de morceaux fougueux : « Oublié ». Ce morceau est lourd et pesant…pas vraiment rapide et avec une volonté de ré-explorer un climat bluesy et sombre auquel le groupe n’est pas étranger…pas mauvais du tout mais pas transcendant…la version live du « Dies Irae » est supérieure de même que celle du morceau suivant : « Alice » qui en tant que telle n’est franchement pas génial. Le groupe balance quelques décharges électriques sur un rythme un peu pataud et l’ensemble semble vouloir être dynamique sans jamais vraiment décoller…il sera néanmoins sauvé en live par une interprétation supérieure et une « crasse » sonore davantage attrayante.


Cette légère impression d’inégalité est vite rectifiée par les morceaux suivants qui sont pour ainsi dire… des chefs d’oeuvre…de très grands morceaux de Noir Désir! « One trip/ One noise » est totalement à part avec des percussions discrètes et légères et un riff de guitare groovy à souhait et extrêmement entêtant…ce morceau ne cesse d’absorber son auditeur à mesure qu’il progresse…c’est prodigieux! Quant-au morceau-titre « Tostaky » que dire de plus si ce n’est qu’il est un grand classique du groupe et à juste titre? Ce riff complètement tordu sorti de nulle part auquel vient s’accoupler un rythme en béton armé et un chant tantôt vindicatif et rageur d’un Bertrand Cantat en transe totale est un chef d’oeuvre…assurément! Malgré des paroles tantôt énigmatiques, tantôt troublantes (« Des femmes sans visage…à l’atterrissage. »), on sent une atmosphère de révolte et des thèmes pour le moins politiques qui préfigurent déjà le rock engagé du prochain album…quant-au : « Soyons désinvoltes, n’ayons l’air de rien » répété à la façon d’un mantras puis hurlé comme un damné à la fin du morceau…autant dire qu’il est passé à la postérité des paroles qui veulent dire beaucoup de choses sans trop en dire (oui on va dire que je l’ai inventé pour l’occasion).


Vient ensuite « Marlène »…superbe « ballade » du groupe à la mélodie divine et avec un accompagnement assez minimaliste, il s’agit en tout cas d’un vrai petit bijou d’écriture. Puis retour au hard rock bien lourd avec « Johnny colère » qui fout une patate incroyable avec son rythme pachydermique et ce chant puissant et solennel bien décidé à fédérer les foules au milieu de ces salves de guitare encore une fois redoutables. L’album serait pratiquement parfait si la fin du disque n’était pas à ce point en demi-teinte…après ces enchaînements de grands morceaux vient un des morceaux les plus inutiles du répertoire de Noir Désir (si ce n’est même le plus inutile) : « 7 Minutes » qui n’en dure que 6 et c’est déjà bien assez! Il ne se passe quasiment rien sur ce morceau : la guitare vombrit, le rythme s’accélère régulièrement et pourtant ne décolle jamais, et Cantat éructe des paroles en Anglais en forçant sur sa voix mais sans que cela fasse mouche car il n’y a pour ainsi dire quasiment aucune mélodie ici… « Sober song » s’en tire un peu mieux mais sans atteindre des sommets à cause d’un manque d’aboutissement dans la mélodie une fois encore. « It spurts » avec sa basse bondissante et ses refrains énergiques est plutôt intéressant en revanche, quant-à « Lolita nie en bloc » j’avoue que je ne sais pas trop pourquoi le groupe s’évertue à la jouer SYSTÉMATIQUEMENT en live…même aujourd’hui Cantat la joue dès qu’il en a l’occasion avec son nouveau groupe « Détroit »!


Je veux dire « Lolita nie en bloc » n’est pas une mauvaise chanson loin de là…c’est bien écrit, les chœurs qui viennent ponctuer le rythme du morceau sont astucieux, l’atmosphère est prenante mais je ne vois pas le moindre génie mélodique une fois encore, c’est même assez plat à la première écoute! Ce morceau me fascine en fait…peut-être qu’un jour je comprendrai ce qu’il lui vaut de figurer sur leur best-of et d’être joué sans relâche à chaque concert m’enfin bon ça va pas m’empêcher de dormir en attendant…


Bref, « Tostaky » mérite t-il sa réputation? A savoir celle d’être un grand classique du rock Français, voire même LE sommet de Noir Désir pour une partie des fans? Et bien…oui pour le classique du rock français car il faut dire qu’un album de ce gabarit n’a aucun mal à sortir du lot par rapport à ce qui se fait dans le genre habituellement, en revanche dire qu’il s’agit du pic ultime de Noir Désir sous prétexte que c’est leur album le plus « rock » et le plus crade c’est se foutre du monde je trouve et c’est totalement faux (en plus le disque contient pas mal de morceaux « calmes » au final)! Tostaky n’est qu’un très bon album de Noir Désir…supérieur au précédent album mais inférieur à la plupart des chefs d’œuvres du groupe à cause de deux ou trois morceaux très en dessous du reste et qui viennent ponctuer de façon malhabile cette avalanche de perfection qu’il répand si superbement pendant un temps. Néanmoins, avec ce qui demeure un très bon album qui, en plus, verra le groupe gagner une grande crédibilité auprès des rock-critiques et de la partie la plus endurcie du public rock Noir Désir est plus que jamais sur le devant de la scène et s’impose à nouveau comme LA référence du rock français…ce qui ne sera pas contredit par la suite bien au contraire!

Venomesque
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le 27 août 2017

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