To the Bone
6.9
To the Bone

Album de Steven Wilson (2017)

À l’essentiel. Jusqu’à la moelle. En puisant dans l’étymologie même du titre de l’album, la conclusion s’impose : il l’a fait ! Depuis le temps que Steven Wilson révise ses gammes et ses classiques en remixant les grands classiques des années 70-80, cela devait finir par arriver. Et après deux albums-concepts largement inspirés de l’âge d’or du prog-rock symphonique, la volonté de changer une nouvelle fois de cap était l’option la plus séduisante. Quitte à jouer les rebrousse poils avec ses fans. Son cinquième opus solo sera un hommage manifeste à la pop-prog rutilante, peaufinée et aventureuse des eighties. Tears For Fears, Talk Talk, Peter Gabriel, Kate Bush et d’autres se retrouvent ainsi dans le viseur d’un songwriter qui ne laisse rien au hasard en s’épaulant du producteur Paul Stacey (The Lemon Trees, The Syn, Oasis).



Album atmosphérique, orageux et lumineux à la fois, oxymore musical parfaitement équilibré, To the Bone plonge dans l’essence même de la musique de Steven Wilson. Jusqu’à la moelle.


Plus personnel et introspectives que ses précédentes productions, nous retrouvons ici son groupe de scène avec Craig Blundell et Dave Kilminster (à la place de Marco Minnemann et Guthrie Govan habitués des sessions studio), sans oublier Nick Beggs et Adam Holzman. Du solide. Du mastoc. Et s’il a souhaité être plus présent sur les parties de guitare, c’est avant tout pour marquer le sens de son propos, un bilan du monde et la vision paranoïaque qu’il impose. Cela donne des thèmes peu réjouissants (terrorisme, fondamentalisme, réfugiés) mais également quelques escapades lumineuses comme rarement entendues dans sa copieuse discographie. Ces variations sont précisément ce qui fait tout le sel de cet album. Là où certaines ambiances pouvaient paraître autrefois glaciales, To the Bone joue de la superposition des goûts et des textures. L’effet pourra sembler désarticulé, manquer de cohérence, et pourtant il nous saisit, sans jamais fatiguer.


Rien ne prête à la facilité ni même à la complaisance. Ce serait un leurre de penser que Steven Wilson ne cherche ici qu’un tube qui le ferait franchir le dernier palier vers un statut de rock star longtemps convoité. D’autant plus depuis sa récente signature chez Caroline (Universal). Mais la bonne fée du succès n’a pas métamorphosé notre ami. Dans ses accents les plus pop, Wilson distille encore son univers, ne se laisse pas dévorer par le prévisible ni l’ennuyeux. Même le funk festif de « Permanating » (un hit en puissance) atteste de sa capacité de compositeur caméléon illustrée par la pochette originale une nouvelle fois signée Lasse Hoile. Plus qu’une nouvelle démonstration de ses qualités, Steven Wilson laisse libre cours à ses talents de mélodiste hors pairs et s’épanche dans le sensible (« Blank Tapes » acoustique), le groove incandescent (« To the Bone ») avec des clins d’œil à Peter Gabriel (« Song of I » et « Refuge » qui délivre un passage inspiré de « San Jacinto »), au Porcupine Tree de Lightbulb Sun (« People Who Eat Darkness ») et même à son propre dernier album Hand.Cannot.Erase (« Detonation »). Le duo avec Ninet Tayeb (« Pariah ») est tout aussi éloquent de ses progrès au chant, lui qui n’hésite plus à jouer les voix de tête irrésistibles (« The Same Asylum as Before »).


Certains considèreront cet album comme une version idéale et sur-vitaminée de Blackfield. Ce n’est pas complètement faux. En jouant les feux follets, électriques et acoustiques (orchestre, chorale et même harmonica), et en accouchant dans la douleur de cette heure de musique plus que jamais à la conquête de territoires étendus, Steven Wilson donnera l’impression d’un manque d’ambition, d’un nivellement artistique vers le bas ou au mieux horizontal. Ce serait bien mal juger l’homme et son œuvre. En parvenant à joindre l’essentiel à une forme de simplicité en faux-semblant (le disque regorge de subtilités soniques) le compositeur communique avec le mal être d’un monde en décrépitude. Loin d’en faire un album glauque ou dépressif, il lui insuffle une vitalité telle que ce mélange de noirceur et d’euphorie se ressent comme une forme de soulagement dans un mélange de sentiments à vif, de turbulences un peu naïves qui nous entrainent vers des trésors de sophistication heureuse. Pour faire court, To the Bone s’impose comme un pur élan de vie.


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le 24 oct. 2017

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