Compagnons de haute voltige de Mercury Rev, les Flaming Lips signent une merveille de psychédélisme paisible.En (sur)activité depuis 1983, les Flaming Lips n'ont jamais pris la peine de marquer un arrêt et de compter leurs divisions. Dommage, car sans doute auraient-ils pu au passage observer les traces d'impact que leurs disques extravagants ont laissées sur leurs routes, eux qui nous viennent immédiatement à l'esprit lorsqu'on veut illustrer une idée pertinente et précise du rock américain le plus incandescent des deux dernières décennies. Mais Wayne Coyne, guitariste-chanteur-charpenteur de ce désormais trio d'Oklahoma City, pionnier en matière de fusion et profusion néo-psychédélique, se fout comme de son premier acide de l'anonymat scandaleux auquel on l'a condamné à perpète. Après un album un tantinet plus vendable que les sept précédents (Clouds taste metallic), Coyne n'a d'ailleurs pas ménagé ses efforts masochistes pour entortiller les maigres pistes qui indiquaient la sortie de son labyrinthe mental. D'abord avec le quadruple album Zaireeka, dont les quatre disques étaient conçus pour être joués simultanément, puis avec les tournées-performances qui suivirent, parmi lesquelles des concerts de klaxon dans les parkings et une symphonie pour quarante magnétophones.Premier projet pop depuis 95, logiquement attendu comme l'étincelle pouvant propulser les Flaming Lips sous les projecteurs, The Soft bulletin est à la hauteur des ambitions stratosphériques qu'on lui prêtait. On devine qu'il s'est mûri et conçu sous les mêmes latitudes spirituelles que le Deserter's songs de Mercury Rev (groupe ami, quasi jumeau, Jonathan Donahue ayant fait un temps partie des Flaming Lips) : même façon de combiner volupté orchestrale et comptines pop déflagrantes, même voix neil-youngesque si haut perchée qu'on sent désormais les étoiles à sa merci, même production (Dave Fridmann, auquel on décernera sans tarder le Spector Award de cette fin de millénaire) qui embrase la moindre note en feu d'artifice. Moins corvéable cependant que celle de ses cousins, l'écriture tarabiscotée de Coyne n'a pas perdu, sous le bombardement d'effets kaléidoscopiques, sa nature primitive, son noyau dur farouchement énigmatique. Elle a simplement changé de support, glissant progressivement du super-8 au grand-huit, goûtant désormais pleinement aux joies du vertige et de la voltige quand hier encore elle ne jurait que par l'enfermement psychiatrique et l'évasion médicamenteuse.Bulletin météo au beau fixe (quoique orageux en fin de journée) mais pas nécessairement bulletin de bonne santé, The Soft bulletin consigne et embrasse trente années d'expériences fumigènes, embarque la pop psychédélique dans un énième voyage en ballon qui dépaysera les plus aventuriers d'entre nous. Et parce qu'il parvient, on ne sait par quel raccourci, à emboutir entre elles la délicatesse vaporeuse de Mercury Rev et la puissance tellurique du dernier Archive, The Soft bulletin est à la croisée des batailles stylistiques du moment. Armé pour les remporter toutes.(inrocks)
L'an dernier, un groupe américain, dont personne n'attendait plus rien depuis un premier album sorti en 1992 et la défection d'un chanteur fantasque, s'est retrouvé encensé par tous les médias de la planète, classé dans tous les référendums de fin d'année. Grâce à un Deser-ter's Songs à la mélancolie nocturne, Mercury Rev et son leader-chanteur Jonathan Donahue venaient donc de se métamorphoser en référence majeure, incontournable. On s'est dit alors que, même dans notre beau pays, tout pouvait arriver. Et l'on s'en félicitait. Dans le même ordre d'idée, The Flaming Lips - excepté pour Wayne Coyne, incontournable et erratique leader - n'a jamais "existé". Personne, pour ainsi dire, ne s'est jamais trop soucié des exactions sonores, des déluges psychédéliques, des incursions dub de ce groupe qui a compté dans ses rangs, le temps de l'album In A Priest Driven Ambulance de 1990, un second guitariste nommé... Jonathan Donahue et dont le tout premier Ep, réalisé en.,, 1984, était produit par un certain Dave Fridmann, homme que tout le monde a encensé pour son travail sur le Deserter's Songs pré cité. Certes, les ficelles sont un peu grosses. Mais il serait tout de même temps que l'on s'intéresse au cas de ces Flaming Lips - quel nom... -, formation un rien cinglée qui s'est payée le luxe, voici deux ans, de sortir un disque complètement dingue baptisé Zaireeka, où, pour écouter un morceau dans sa version définitive, il fallait pouvoir jouer quatre Cds simultanément ! Flaming Lips, c'est aussi le groupe qui se permet d'organiser un concert à Londres, en invitant une trentaine de personnes (musiciens, journalistes) à monter sur scène pour jouer du,,, ghetto-blaster. Mais, Flaming Lips, c'est avant tout un groupe américain, qui connaît son histoire de la musique sur le bout des doigts. Et, à partir d'aujourd'hui, ce sera aussi - surtout - le groupe qui a enregistré l'un des plus grands disques de l'histoire du rock. Car ce The Soft Bulletin est une incroyable odyssée, où chaque chanson fait oeuvre de nouvelle halte dans un pays jusqu'ici inconnu et pourtant incroyablement familier, un recueil de quatorze chansons où chacune renferme plus d'idées - pertinentes - que la discographie complète des Beach Boys et des Beatles réunis, où Wayne Coyne, dont la voix évoque le croisement parfait entre le Neil Young de After The Goldrush et le Johnny Rotten d'Anarchy In The UK, dirige l'ensemble de main de maître, organisant un chaos d'où émergent cordes, arpèges de guitares, hénaurmes basses dub, bruitages électroniques, harmonies country, en un défi permanent d'inventivité. Mais, ce voyage incroyable débute pourtant par un morceau d'une limpidité effrayante, single tout désigné et porte ouverte vers la reconnaissance, un Race For The Prize addictif et enjoué, où les violons font mine de dérailler mais dont la mélodie affiche une irrésistible pureté. Un peu plus loin, The Spark That Bleed se dévoile comme l'une des plus émouvantes ballades jamais entendues alors que Feeling Yourself Disintegrate ne s'écoute que les yeux mi-clos, dans l'espoir de mieux se laisser entraîner dans cette lente plongée mélancolique, qui réduit à néant, sans le vouloir bien sûr, les efforts déployés par... Mercury Rev. Waitin' For Superman se décline en groove lascif et débonnaire et The Observer, instrumental extatique, est sans doute le plus bel hommage rendu à Bernard Hermann. Certes, d'autres artistes, contemporains qui plus est, s'étaient auparavant essayé à tel tour de force : les Boo Radleys de Giants Steps, les Moose de ...XYZ. Mais ils leur avaient manqué, peut-être, un tout petit grain de folie pour atteindre la terre promise. Alors, désormais, à la traditionnelle question - certes stupide - "quel disque emporteriez-vous sur une île déserte", The Flaming Lips vient de nous donner la plus pertinente des réponses. Elle tient en trois mots : The Soft Bulletin. (Magic)
Vous l'aurez remarqué sans peine : POPnews a quelque peu tardé à vous proposer une critique de cet album, pourtant d'ores et déjà considéré par certains comme le disque de l'année. C'est que ce Soft Bulletin est loin de faire l'unanimité parmi la rédaction. Certains d'entre nous, déjà peu enthousiasmés par le précédent Deserter's Songs de Mercury Rev, le groupe frère, commencent à s'exaspérer de ce soi-disant revival psychédélique, prétexte aux producteurs les plus mégalos (Dave Fridmann, en l'occurence) pour rajouter des couches et des couches d'effets à des mélodies finalement indigentes. Droit de réponse, à présent, à ceux qui trouvent à The Soft Bulletin bien d'autres faire-valoir que son efficace premier single, "Race for the Prize". Il suffit d'écouter "the Spark that Bled", "Waitin' for Superman", "What is the Light?" et le génial "Feeling yourself Disintegrate" pour se rassurer sur l'aisance mélodique des Flaming Lips. Et quand bien même ceux-ci en manqueraient, quelle importance ? En envahissant leur album de cordes enlevées, de pianos bizarres et de choeurs grandiloquents ("The Gash"), les Flaming Lips ne font que porter à son paroxysme un goût depuis toujours prononcé pour les curiosités sonores. Et un art particulièrement bien maitrisé, capable de suppléer toute carence, comme, par exemple, la voix de Wayne Coyne, pas toujours à la hauteur de cette ambition. Ce sera la seule concession aux détracteurs des Flaming Lips, sur un album où l'on retrouve pour de bon et à foison tout ce que Mercury Rev a récemment prétendu nous vendre. (Popnews)

bisca
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le 27 févr. 2022

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