Si on me demandait de choisir parmi les plus grands albums de rock et pop de la fin du XXème siècle, je pense qu'il y en aurait toujours 3,4 qui me viendraient à l'esprit en premier et que je considère comme d'immenses disques (probablement indispensables à toute discothèque qui se respecte) mais aussi la preuve que leurs auteurs ne se sont pas perdus en chemin et ont ensuite continué à livrer des choses tout aussi bien voire mieux à l'aube d'un nouveau siècle commençant.


Ces disques ce serait en somme :
- Radiohead : OK Computer (1997)
- Spiritualized : Ladies and gentlemen we are floating in space (1997)
- Porcupine Tree : Stupid dream (1999)
- The Flaming Lips : The soft bulletin (1999)


Inutile d'évoquer le premier ici, c'est le plus connu de tous (et tout le monde en parlera bien mieux que moi en plus). Les autres nous viennent d'un monde « où l'on prenait des drogues pour faire de la musique à écouter en prenant des drogues » (sic), du rock progressif ou bien d'une bande de tarés natifs de l'Oklahoma (même de Oklahoma City, ça ne s'invente pas). Ce sont ces derniers qui nous intéressent là. Hein ? Pardon ? Placebo ? DEUS ? Mercury Rev ? Rha m'embêtez pas avec eux, c'est bien (voire très bien) mais c'est pas le sujet là (pis y'en a certain que j'ai pas réécouté depuis une paye), rhooo.


Si on se penche sur le parcours de ces grands malades des lèvres enflammées, rien ne nous préparait à The soft bulletin, album trop grand, trop beau, juste « trop » pour nous, simples mortels. Surtout venant d'allumés notoires fans de rock psychédéliques et qui ont commencé un peu justement dans ce style (en plus chaotique toutefois). Surtout que dans la discographie des Lips, véritables acharnés stakhanovistes de musique, on s'y perd. Entre les albums studio, les inédits, les EP, les compilations, les collaborations entre potes divers (ça va de Henry Rollins (?) à Miley Cyrus (???)), du live, de la reprise (Pink Floyd, les Beatles...), on finit par se perdre dans leur discographie. Il manque même des choses sur les pages Wikipédia françaises ou anglo-saxonnes c'est dire, hu hu (il est où « 7 Skies H3 » l'album qui dure près de ….24 heures ??? o_O ).


Bon sang, quel foutoir.


A l'image des Lips.


Bordélique, mais attachante, sympa, drôle. Excitée quand il le faut. Énervée et novatrice aussi.


Zaireeka, contraction en mot valise de Zaïre + Eurêka ! en 1997, compactait tout l'Art des Lips sur 4 cds à écouter soit ensemble en quadriphonie, soit séparément, un disque et un autre, ou un disque tout seul, ou trois disque. A vous de voir si vous voulez inviter des copains pour vous lancer dans une écoute de communion et de partage, ou tricher pour l'écouter seul par vos propres moyens si vous n'avez pas d'amis comme moi, éternel asocial (oh ça va je rigole). 4 cds où leur joyeux bazar prenait les chemins d'une musique parfois plus symphonique, plus cinématographique, avec ce petit grain de folie qui n'appartient qu'à eux.


Mais même après ce (quadri) disque génial, rien ne nous préparait à The soft Bulletin deux ans plus tard. C'est bien simple, tout est poussé dans le trop.


Trop lyrique.
Trop beau.
Trop grand.
Trop grandiose.
Trop émotionnel.
Trop quoi...


Et même moi je me répète « trop », je le vois bien.


Mais comment ont ils pu nous sortir ça ?


Ces chansons sur le fil, à la limite de la fragilité et de la force, de la finesse et du brut. Et ces paroles qui te touchent en plein cœur, parfois abstraites, parfois terre à terre, donc non loin de groupes citées auparavant. Mais, avec ce petit grain de folie qui n'appartient qu'à eux.


Dès Race for the prize on suit la course effrénée de pauvres scientifiques prêts à tout sacrifier pour le bien de l'humanité, femmes, enfants... leurs vies. But it's so dangerous, but they're so determined... Theirs is to win, if it kills them... they're just humans, with wives and children... Ouch.


Des humains. « Juste » des humains. C'est le « juste » qui fait tout ici.
Et les Flaming Lips sont des « plus qu'humains » comme dans le roman incroyable de Théodore Sturgeon. Mais ils ne le savent pas encore, après tout ce temps. Chhhht.


Et cette batterie qui cogne, et ces chœurs mystiques en enjoués. Wah. Et on est même pas au bout de nos surprises. Dès la seconde piste qui suit, A spoonful weights a ton (Une cuillérée pèse une tonne !), des accords mélodieux et féeriques nous enchantent comme dans un dessin animé tout mignon. Seems like a Walt Disney. Be carreful parce qu'à près d'une minute vingt secondes, la batterie explose dans l'espace interstellaire avec un son énOOOrme. Ce sera presque la même formule sur The spark that bled (punaise ces titres ! Ces titres ! L'étincelle qui a saigné, littéralement) sauf que la mélancolie s'empare de nous. Blessure, sang, et ce qui fut la plus douce balle tirée. Spleen de la musique et des paroles. De l'existentialisme mais sans les couinements (que j'aime beaucoup hein) de Thom Yörke (pas taper).


Tout semble entremêlé dans une même magie. On est transporté par ce talent incroyable et divin.
On est qu'à un quart de l'album, c'est fou.


Et alors qu'on pourrait croire que le rythme baisse un peu en créativité, on se mange un instrumental poignant sur fond de battements de cœur qui nous entraîne plus bas que le niveau sous-marin (on a l'impression d'être à la fois sur terre et sous l'eau sur cet Observer – L'observateur... extraterrestre de nos passions et de nos vies?) avec toutefois au cœur de la mélancolie, toujours cette note d'espoir et de magie, ce grain de folie des Lips.


Chaque chanson, chaque titre est un écrin. Les arrangements frôlent la perfection (non, rectif, ils sont la perfection). Tout respire la symphonie à chaque instant. Le mini-monde. Et bourré de détails. Une poignée d'écoutes ne vous suffira pas. Surtout qu'en plus si vous l'aimez dès la première seconde et que vous l'écoutez encore et encore, et que vous le réécoutez encore 10 ans plus tard, 20 ans plus tard... Ben il ne vous lâchera pas. Aucune ride. Intemporel.


Et les lèvres enflammées auront beau vous parler de légumes, de scientifiques, de changements soudains, de superman, de gospel sur The Gash, voire de robots roses (ah non ce sera sur l'album d'après, très grand disque aussi, moins accessible aux premières écoutes toutefois enfin pour ma pomme), en fait ils ne parlent juste que de vous. Toi là-bas ou ici, l'homme fatigué des temps modernes, la femme qui croule sous la charge mentale comme celle de la société, le ou la môme qui découvre l'anxiété à l'école ou suite à son bulletin de notes.


C'est universel.
Ce disque est universel. Et c'est ça qui est beau. C'est ça qui est poignant de bout en bout avec une simplicité et une humilité évidente. D'autant plus évidente qu'elle vient de barjots qui n'ont plus rien à perdre, comme si leurs précédentes expériences sonores en tous genres les avait emmené trop loin et qu'ils pouvaient dès lors faire la synthèse de tout leur savoir.


Feeling yourself desintegrate.... au son des pwap-pwap-pwap comme une marche militaire pour finir par rêver en s'endormant sur un toit au son des cigales.


Magie pure.


Avec ce petit grain de folie qui n'appartient qu'aux flaming Lips, bien sûr.

Nio_Lynes
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Cet utilisateur l'a également mis dans ses coups de cœur et l'a ajouté à sa liste Mes indispensables - Disques dont je me lasserais jamais sur une île déserte. Ou ailleurs.

Créée

le 1 déc. 2019

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Nio_Lynes

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