The Idiot
7.8
The Idiot

Album de Iggy Pop (1977)

Jamais personne n’avait osé faire ça à la musique !
Dès 1967, James Newell Osterberg (alias Iggy Pop) et son groupe The Stooges travaillent avec ardeur à l’élaboration d’un rock dont les fondamentaux sont simples et précis : ne pas savoir jouer. Ainsi, guitare, batterie et chant à l’unisson, peuvent infliger sans contrainte à un ampli poussé à fond l’éternel seul et même accord . Plutôt dur et bruyant, donc.
Masquer l’incompétence technique par l’invention, l’énergie, l’instinctif et le débridé, Iggy et les Stooges savaient faire et ils en ont impressionné plus d’un à l’époque.
Sur scène, on assiste à du pur délire, à tous les excès, exacerbés par la prise massive de drogues. Les maisons de disques, effrayées et écoeurées finissent par se défiler au bout de deux disques quasi-inaudibles.
Jusqu’à l’intervention d’un admirateur nommé David Bowie, fasciné par la personnalité et le talent d’Iggy (Z’Iggy ?), qui ira jusqu’à remixer lui-même, pour rendre service, un Raw Power de troisième (et dernier disque pour les Stooge), en 1973.
La tournée qui suivra, d’une violence inouïe (avec auto-mutilations et autres folies de la part d’un Iggy chargé à bloc à l’héroïne) sonnera le glas du groupe punk originel.
Rideau.


Et Iggy Pop, pourtant reconnu et sollicité (par les Doors orphelins de Jim Morrison, notamment), devient incapable de se concentrer sur le moindre projet .
Englué dans l’alcool et les substances hallucinogènes, c’est un zombie ruiné et tragique qui erre dans les rues de Los Angeles.
Lors d’un bref instant de conscience, il trouvera quand même la force de se faire hospitaliser pour une cure de désintoxication volontaire.
Une seule personne lui apportera visites et soutien : David Bowie.
Une très forte amitié, scellée par une admiration réciproque, unit désormais les deux artistes.


"Il était davantage un bienfaiteur qu'un ami au sens où on l'entend généralement" dira plus tard Iggy "il m'a sauvé de l'anéantissement professionnel et peut-être même personnel : Il m'a ressuscité – c'est aussi simple que cela".


Bowie emmène Iggy convalescent tout au long de sa tournée « Station to station » (1976) : ils ne se quitteront presque pas pendant deux ans. Bowie veut sortir son ami du bourbier et entame dès 1977 sa deuxième opération de réhabilitation d’un Iggy oublié, pillé (le mouvement punk émergeant se sert abondamment dans le répertoire et les attitudes des Stooges), désillusionné … mais vivant et remis sur pieds.
Bowie est bien la seule personne qu’Iggy veut bien écouter, le seul à pouvoir le canaliser pour en extraire tout le génie créatif . La preuve : les deux meilleurs disques d’Iggy Pop sont ceux enregistrés ensemble entre fin 76 et mi-77.


D’abord, « The idiot » (qui sort en mars 77) : 8 morceaux co-signés Pop/Bowie, enregistrés dans les mythiques studios du château d’Hérouville (près de Pontoise) et à Hansa/Berlin.
Dans une ambiance froide, synthétique, la voix d’Iggy se fait métallique dans une atmosphère underground très marquée, très pesante et très excitante : on se croirait dans une boîte glauque de la banlieue de Berlin ("Nightclubbing")
Que du bon, que du lourd. Comme cette version originelle et déchirante de « China girl » accompagnée au piano d’enfant, « Dum dum boys » au riff imparable, le lancinant « Sister Midnight »…
Bowie se réduit volontairement au rang de musicien, jouant les claviers et aussi étonnamment du saxophone (son instrument d’origine) sur « Tiny girl ». Sa patte est pourtant omniprésente dans cette œuvre de studio, travaillée dans ses ambiances, ciselée dans ses effets et magnifique dans son résultat.
Quant à Iggy, posé, il s’intègre pour la première fois dans une production cohérente qui met en valeur toutes les facettes de sa voix, toute sa sensibilité d’interprète et toute la force de ses textes originaux. Formidable.


Une tournée accompagne dans la foulée la sortie de « The idiot », avec Blondie en première partie et Bowie au second plan, discrètement assis aux claviers. Succès.


Puis les deux compères vont immédiatement embrayer sur le petit frère de "The Idiot", puisque l'excellent "Lust for Life" sortira en septembre de la même année !

RolandCaduf
9
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le 22 avr. 2021

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