Une balade au soleil entre deux chefs-d’oeuvre.

Les années 80 : une période d’excès, de fric, de légèreté, de sexe et de frivolité, d’ailleurs en cette fin de décade quels sont les sujets de prédilection dans le paysage musical populaire ? Le tour de poitrine de Samantha Fox, la petite culotte de Madonna, les frasques de Boy Georges ou encore les seins de Sabrina… Heureusement tous n’axent pas leur succès musical sur les paillettes et la provocation, ainsi Sade et ses musiciens prennent le contre-pied de la mode du moment et proposent un troisième album Stronger Than Pride (1988) à mille lieux de l’exubérance ambiante.

Promise était plutôt sombre, sa pochette reflétant les paroles, changement d’ambiance ici : le beau visage de Sade Adu rayonne sur la plage (on l’imagine avec les tongs et le sac de plage, ça casse un peu le mythe), augurant une ambiance plus positive et légère, et quelques changements musicaux. Le côté boite de Jazz est ici moins marqué, laissant la place à des atmosphères plus Pop, voire exotiques. En effet le titre d‘ouverture Stronger Than Pride fait davantage penser aux îles et aux cocotiers qu’à une rencontre avec Louis Armstrong ou Billie Holliday, une impression bien vite confirmée par Paradise qui sent le soleil à plein nez notamment au niveau des percussions, peut-être est-ce du en partie à l’enregistrement aux Bahamas (on est loin de l’époque artisanale des débuts du groupe où l’anglo-nigérienne fredonnait quelques mélodies sur un magnétophone et le filait ensuite à Mathewman afin qu’il retranscrive le tout en musique), dans tous les cas l’assise rythmique du bassiste Paul Spencer Denman est comme d’habitude irréprochable sur ce titre entraînant.

La guitare plutôt discrète jusque là, se fait plus présente sur le bon Nothing Can Come Between Us, on note aussi pour la première fois l’association de la voix de la chanteuse avec celle de Leroy Osbourne (non il n’est pas de la famille à Ozzy) avec sa voix de lover jazzy mais aussi capable de monter dans les aigus à la Michael Jackson.

Avec Haunt Me, jolie balade acoustique avec piano et violon, on retrouve le côté émotionnel et aigre-doux de la musique de Sade, ce timbre à la fois fragile et fort qui donnait tant de relief à l’album précédent et des chansons somme Is It a Crime ou Jezebel. On note aussi le retour en fin de morceau du saxo de mister Matthewman qui commençait à se faire désirer depuis le début : l’un des meilleurs titres de l’album.

Pour être tout à fait honnête, à partir de Turn My Back On You les compositions sont moins prenantes et un peu trop superficielles à mon sens. Sur Stronger Than Pride, Sade ne s’est certes pas contenté de reprendre la recette qui marche et de faire un Promise bis, c’est à saluer, mais l’inspiration est inconstante, dès la moitié du disque on commence déjà à écouter d’une oreille discrète, voir décrocher et vaguer dans nos pensées, ce qui n’est jamais très bon signe…

Heureusement tout n’est pas à jeter, Clean Heart avec une utilisation judicieuse de la trompette associée à la douce voix de Sade rattrape en route l’auditeur dont l’attention était ailleurs… Une attention qui est fluctuante tout au long du disque, l’instrumentale finale Siempre Hay Esperanza parvenant tout juste à faire oublier le trop mièvre I Never Thought I’d See the Day.

Stronger Than Pride montre le groupe Sade en pleine évolution, s’éloignant un peu de ses racines Jazz / Soul mais hésitant sur la nouvelle direction musicale à emprunter. Malgré quelques bons titres disséminés ça et là, la musique de Stronger Than Pride n’est pas aussi touchante autant que celle de ses deux prédécesseurs Diamond Life et Promise.

Il faudra à partir d’ici attendre quatre ans pour voir l’album suivant de Sade : Love Deluxe, mais celui-ci bien qu’encore différent se révèlera largement plus abouti et rectifiera le tir de façon assez magistrale.

BG (2009, mis à jour 01/2023)