Sister
7.7
Sister

Album de Sonic Youth (1987)

Jeunesse Sonique. A-t-on déjà vu dans l'histoire un groupe de rock porter aussi bien son nom ? Formé à l'orée des années 80 sur les ruines du punk new-yorkais, le groupe, dont les quatre membres légendaires, Kim Gordon, Thurston Moore, Lee Ranaldo et Steve Shelley approchent tous plus ou moins de la cinquantaine (Jim O'Rourke a officiellement et récemment rejoint le groupe, en devenant le cadet), est toujours aujourd'hui, après bientôt 25 ans d'existence, toujours aussi jeune, novateur et décoiffant. Mais le terme « jeunesse » ne forme que la moitié du nom de groupe, l'autre, plus importante encore, montrant l'attachement que les membres portent à la recherche sonore. Evoluant dans la sphère arty new-yorkaise, Sonic Youth a, dès ses débuts, collaboré avec des artistes contemporains à la grande renommée, dont le musicien Glenn Branca, compositeurs de gigantesques symphonies pour guitares électriques multiples où Lee Ranaldo et Thurston Moore firent leurs premières armes. Les premières traces discographiques donnent vite lieu à de nombreux albums qui deviennent vite mythiques, dont « Evol » puis « Sister », au milieu des années 80, et ce avant de signer sur Geffen à la fin de la même décennie, major qui permet au groupe de toucher un très large public sans perdre pour autant la moindre once de leur verve expérimentale. Depuis le Velvet Underground, on n'avait pas entendu un groupe capable d'allier l'extrême de l'art contemporain le plus conceptuel et les foules en délires des festivals du monde entier (ce qui est toutefois à relativiser pour le Velvet, aux débuts plus que confidentiels et à la notoriété plus intellectuelle que grand public, le succès populaire arrivant plus tard). Sonic Youth est même à l'origine de la médiatisation de Nirvana, ayant présenté ce jeune groupe de Seattle, alors débutant, à leur futur producteur. Et c'est à l'heure où explose Nirvana que Sonic Youth, bien malgré eux, arrivent aussi aux oreilles du grand public. Et pourtant leur musique est beaucoup plus exigeante et peut-être moins immédiate. Restant dans le vaste domaine pop-rock, la musique de Sonic Youth flirte sans arrêt avec les musiques contemporaine, expérimentale, de recherche. Sans arrêt, depuis le début, ils associent l'adolescence et l'insouciance de la pop music à la réflexion adulte de la musique contemporaine. D'où un son sans précédent, créateur d'une école esthétique ayant généré la création d'une multitude de formations musicales marchants sur les traces si fécondes.
« Sister », album sorti en 1987 et que beaucoup de fans considèrent comme le meilleur du groupe, est particulièrement représentatif de l'ambivalence de styles et d'ambitions du projet. Album de transition entre l'underground et le grand public, « Sister » est un album de chansons, dont celle d'ouverture, « Schizophrenia », reste encore aujourd'hui comme l'emblème musicale du groupe. C'est l'album de la maturité, celui du passage à l'âge adulte, sans oublier son âme de gamin incontrôlable et nerveux. Car c'est en effet un disque débordant de nervosité, plein de crêtes d'anxiété, de poussées de fièvres électriques comme en témoignent par exemple les chansons « Catholic Block » ou « Stereo Sanctity ». Débordant parfois d'une énergie quasi punk (« Hot Wire my heart »), le disque s'offre parfois quelque ouverture vers des ballades brinquebalantes et névrosées (« Beauty lies in the eye », « Tuff Gnarl » ou « Cotton Crown ») promettant un pseudo apaisement auquel l'auditeur n'accèdera pourtant jamais. Rempli de dissonances, d'harmonies qui se redressent juste avant de se casser la gueule, d'une brutalité générée par des murs de guitares stridents et imparables, qui semblent n'en plus finir, « Sister » est pourtant un album à l'écoute aisée, car la rage qui est contenue est universelle, et les qualités de compositions sont si évidentes qu'elles parlent facilement à chaque mélomane. Cette année, Sonic Youth veint de faire paraître « Sonic Nurse », un des plus beaux albums de leur déjà longue carrière, prouvant une fois de plus que malgré leur 50 balais, ils sont restés les gamins les plus aventureux du rock américain.
FrankyFockers
8
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le 24 avr. 2012

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