QALF
6.4
QALF

Album de Damso (2020)

Qu'attend-t-on de Damso en 2020 ?

Qu'attend-t-on de Damso en 2020, lorsque sort son projet annoncé en 2015 ?


Annoncer un projet cinq années avant sa sortie, c’est se confronter d’office à un dilemme : quelle forme devra prendre l’album, cinq années plus tard ? Celle que l’artiste avait en tête à l’époque où il l’avait annoncé, ou celle correspondant aux attentes d’un public entretemps acquis à sa cause ? Voire simplement celle d'une évolution naturelle ?


La réponse, c’est peut-être : « un peu de tout ça à la fois ».


Lithopédion, malgré un démarrage fracassant sur les plateformes de streaming, avait en fin de compte obtenu un retour mitigé des critiques et d’une partie du public.


J’avais voulu le défendre à sa sortie, car j’appréciais beaucoup la volonté de Damso de tenter des choses nouvelles et d’explorer des aspects de sa musique qui me plaisaient. Mais voilà, après quelques semaines, le constat était clair : je ne réécoutais jamais cet album. La faute principalement à des morceaux en demi-teintes, des idées inabouties ou des parties chantées parfois trop omniprésentes. À titre d’exemple, je n’ai jamais aimé Ipséité (un morceau tournant vite en rond) ou Smog (sorte de Mwaka Moon bis au flow assez plat). Feu de Bois, grosse claque à sa sortie, m’avait vite lassé. Et dans les morceaux plus expérimentaux, si certains tels que Festival de Rêve étaient de vraies réussites, la plupart me laissaient franchement de marbre (qui réécoute Silence ?).


C’est donc curieux mais sans grandes attentes que je me suis lancé dans QALF. Projet que j’ai directement réécouté une fois terminé.


Ce qui frappe en premier, ce sont les instrumentales assez alambiquées, parfois difficiles à cerner au départ et prenant des chemins variés. « Sentimental » rappelle les productions entre dancehall et deep house minimale d’un Dj Python, « Deux Toiles de Mer » démontre l’énorme influence du Blonde de Frank Ocean (et autres James Blake) sur la musique actuelle, tandis que le banger drill « BXL ZOO » réunit les deux têtes d’affiche bruxelloise. Un BXL ZOO qui pourtant, sans prévenir, embraie sur Cœur en Miettes, peut être le morceau le plus particulier de l’album en ce qu’il explore complètement l’attrait de Damso pour la variété française. Et pourtant, sur ce morceau, Damso kick.


Car oui, et c’est là la deuxième chose qui frappe, Damso délivre de superbes prestations. Alors que Lithopédion délaissait quasiment entièrement le flow technique au profit d’un chant parfois générique, sous prétexte d’une plus grande recherche dans les textes, le rap est ici bien de retour. En témoignent MEVTR et Life Life, double uppercut en guise d’intro.


Pourtant, Damso a rarement été aussi discipliné dans ses thématiques ; là où ses premiers projets - évidements imprégnés par l’école du 92i et le « puzzle de mots et de pensée » de B2O – consistaient principalement en des avalanches d’idées et de paroles incisives (hormis des exceptions notables telles qu'Amnésie, Macarena, Une Âme Pour Deux), QALF fait la part belle à certaines thématiques traitées avec sensibilité et rigueur.


Ainsi, fait rare en ce qui me concerne, les morceaux aux sonorités africaines coulent naturellement et ne font pas tâche, tant ils s’intégrent dans un projet dont Damso, sa performance et sa personnalité sont le dénominateur commun. Un Damso qui s’est senti libre d’abandonner certains gimmicks qui, à force, n’étaient devenus que cela, des gimmicks. Un « sale sale sale » répété toutes les 6 mesures n’aurait pas servi le propos de l’album, et ceux qui le regretteront pourront toujours réécouter Batterie Faible ou Ipséité avec nostalgie.


On retient bien évidemment « Deux Toiles de Mer » (actuellement le morceau le plus recherché sur Genius) ou encore l’extrêmement touchant « Rose Marthe’s Love », lettre ouverte de Damso à sa mère. C’est là encore une superbe performance de Damso, qui trouve un parfait équilibre entre son rap chanté et son chant rappé ; ce morceau et le suivant, le déjà connu « Intro » au refrain entêtant, enfoncent le clou d’un album réfléchi, mur, sensible et plus lumineux que par le passé.


Globalement, j’ose déjà prédire que cet album va tourner un bon moment chez moi, car riche en idées, en détails et en moments de bravoure (on ajoutera encore aux autres morceaux susmentionnés le très Drakien « BPM », qui enchaîne sur les basses écrasantes de « D’JA Roulé », placé en embuscade, ainsi qu'un 911 imprégné de New Wave, ou encore ce « Sentimental » qui me transporte à chaque fois).


En ce qui me concerne, je suis heureux de trouver un projet de Damso très solide, très subtil, avec des moments calme et d’autres qui tabassent, du rap et du chant, pour un résultat surprenant et envoûtant.


Alors bien sûr, les théories à ce sujet n’étant pas fantaisistes, et Damso demeurant notoirement calculateur, on ne cracherait pas sur un ou deux morceaux, voire un EP supplémentaire surprise rempli de bangers.


Il n’empêche que dans sa forme actuelle, pris tel qu’il est, QALF se situe déjà à lui seul dans les meilleurs projets du poids lourd confirmé de la musique francophone.


PS : Ma note se situe en 8/10 et 9/10, mais faisons monter la moyenne globale et je me déciderai pour de bon après quelques semaines ;)

Brianm
9
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le 20 sept. 2020

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