Sur le papier, Prophets of Rage a tout pour faire fantasmer : Chuck D et DJ Lord de Public Enemy, B-Real de Cypress Hill, Commerford/Morello/Wilk de Rage Against The Machine (qui sont juste faits pour bosser ensemble).
Déjà, avec son nom, le groupe tape dans le mille.
Rage Against The Machine avait emprunté son nom à une chanson de l'ancien groupe de punk hardcore de Zack De La Rocha, Hardstance. De la même manière, Prophets of Rage tient le sien d'un classique de Public Enemy, et fait habilement le lien avec le patrimoine de tous les membres du groupe.


Après un EP (The Party's Over) somme-toute décevant, sorte de témoignage du work in progress à venir, les doutes et appréhensions ont commencé à poindre le bout de leur nez. Malgré leur statut de supergroupe, en concert, on aurait pu s'attendre à un 'mauvais' groupe de reprises des titres légendaires de chacun. De ce que j'ai pu en voir grâce à mon ami internet, il n'en est rien. L'alchimie est là. Personne ne sonnera comme Zack De La Rocha, ou n'aura ses lyrics, tant enflammés que poétiques. Get over it. L'intention du groupe est la même, la présence scénique est différente, mais l'effet 'blast in ya face' et l'envie de donner un wake-up call musical semble inchangé.
La bonne idée qu'a eue POR, fut de faire des concerts en premier lieu. Avant de voir si l'alchimie du groupe se transposerait correctement sur galette, ils auront joué devant 2,5 millions de personnes en tout, des chansons de RATM, Cypress et P.E, ainsi que des versions Rage-ifiées de ces deux derniers.


P.E et C.H étant les deux influences majeures du côté hip-hop de RATM lors de l'enregistrement de leur premier album, cela transpirera-t-il sur le disque ? Clairement.
Auront-ils trouvé leur son ou bien sera-ce juste une resucée instrumentale de RATM agrémentée d'un flow plus lent et d'un DJ pour lisser cette bouillie Rap-Rock, genre musical décédé depuis plusieures années ?
Ce n'est pas un disque réchauffé, ils ont bel et bien trouvé leur sonorité et cet album pourrait contribuer à brillamment faire renaître ce genre de ses cendres.
Petit détail, mais non des moindres, pour les amoureux de RATM comme bibi : cet album éponyme est produit par Brendan O'Brien. Ce n'est donc pas une surprise si ça et là on peut retrouver la funk obscure d'un Evil Empire ou la lourdeur sonore d'un Battle of Los Angeles.


Au niveau des flows, bien que forcément moins incisifs que celui de ZDLR, il y a des fulgurances qui nous rappelleront les heures glorieuses de Public Enemy et Cypress Hill. Chuck D semble avoir retrouvé le feu aux côtés de B-Real et de ces instruments de destruction massive.
Musicalement, ça envoie. Forts de leurs expériences post-RATM, cela se ressent sur tout le disque. On y retrouve la maîtrise rythmique hip-hop de RATM, agrémentée des chord progressions d'Audioslave, la fureur de la basse de Wakrat, et même la mandoline de The Nightwatchman.
Déjà, il y a eu les singles. Radical Eyes, Unfuck The World, et Living on the 110; respectivement track 1,2 et 4. De bons indicateurs, mais pas les tracks les plus musclées.



  • Radical eyes est une bonne intro à l'album. Sur un groove terriblement funky, le groupe nous invite à voir le monde via leurs (nos) yeux radicalisés. Le motto est énoncé, le public ciblé : tous les laissés pour compte du système, les marginalisés par la société. On passe à la track 2,

  • Unfuck The World qu'on croirait tout droit sortie de Battle Of Los Angeles; c'est alors sans surprise qu'on apprend que le groupe a expressément demandé à Michael Moore d'en réaliser le clip, comme il l'avait fait à l'époque pour Sleep Now In The Fire.
    Killing in the name comprenait 17 fois le mot Fuck, cette chanson en compte 21, record battu ! Lignes de basse efficaces et paroles à la frontière entre Guerilla Radio et Sleep Now in the Fire.

  • Legalize Me : Le vilain petit canard, il en faut bien un. Certains diront pour sa défense que l'utilisation d'un vocoder (ou d'une talk-box ?), ça reste plus classe que de l'autotune. Bien qu'ils soient dans le vrai, B-Real, si on t'aime.. ce n'est pas pour tes talents de chanteur, et encore moins avec une voix métallique sur des paroles faiblardes. Cheap.

  • Living on the 110 : Cette chanson aurait très bien pu s'appeler 'Arm the Homeless', d'après l'inscription emblématique de la Stratocaster de Tom Morello. Dénonciation de la situation du trop grand nombre de sans abris aux USA, vivants aux abords d'autoroutes, aux yeux indifférents des passants. Hope and pray, it might be you someday.


Jusqu'ici, malgré une sortie de route, ça commence bien. Pour moi, l'album prend son tournant à la track suivante, avant d'enchaîner ave l'artillerie lourde.



  • The Counteroffensive : Contre-offensive dont POR aimerait être la bande originale. DJ Lord s'amuse avec Brad Wilk et Tim Commerford. Ce dernier est un Nerd reconnu du monde de la basse. On l'a déjà vu trifouiller ses amplis au chalumeau pour avoir un son unique. La chaleur qui se dégage de ses amplis nous annonce ce qui va suivre. C'est sur lui que vont reposer les tracks suivantes.

  • Hail to the Chief : Le riotstarter par excellence de l'album. Doigt d'honneur à l'administration Trump. Gros riffs, batterie chirurgicale et acérée. Evil Empire-like. Tantôt Arena Rock, tantôt Hip Hop old school à base de grosse basse rugissante et autres sirènes. Chuck D. et B-Real au sommet de leur art, le tout sublimé par le duo DJ Lord/Tom Morello, se faisant tranquillement une partie de ping pong entre DJs. Hypnotisant.

  • Take Me Higher : Intro à la mandoline. Paroles 1984-esques. Ambiance inattendue mais diablement efficace, qui fleure bon la funk. Wilk s'en donne d'ailleurs à coeur joie. L'instrumentation des couplets aurait très bien pu figurer sur It Takes a Nation of Millions to Hold Us Back ou sur un album de NWA. Encore un exemple qui montre que le groupe a su encapsuler ce qui faisait son authenticité, sans tomber dans la redite.

  • Strengh in Numbers : Riff à mourir de rire (dans le bon sens du terme), qui fait clairement penser au gloussement d'une poule. J'y vois une sorte de réponse au "laughing monkey solo" de Morello dans Original Fire. Chanson puissante mais en deçà des précédentes.

  • Fired a Shot : Encore un coup de coeur pour moi. Intro Nightwatchman-esque, basse et riffs à la Maria, sirènes hurlantes. Paroles : ACAB. Look who fired a shot est à la fois une dénonciation de la brutalité policière grandissante aux US mais également une analogie du rôle de ce groupe.

  • Who owns Who : Deuxième riotstarter, je l'aurais plutôt vue comme dernière track de l'album, mais bon. Finaliste dans la course aux meilleures paroles de l'album. BOLA, all the way.

  • Hands Up : Timmy C tient les rennes avec sa basse frénétique et ronde, Brad Wilk apporte la touche aérant et structurant tout ça, et Tom Morello laisse sa guitare aboyer par dessus. Combo vieux de 26 ans, mais toujours aussi brutal.

  • Smash It : Clairement pas une track pour clôturer un album. Elle n'en reste pas moins efficace et une parfaite illustration de ce que j'ai dit pour la chanson précédente. Morello défend encore une fois son titre de guitar hero et va donner des sueurs froides aux guitaristes tentant d'émuler ses sons.


Cet album est une excellente surprise pour moi. Je n'en attendais pas tant, vu leurs débuts un peu hésitants. Ce groupe semble solide sur ses bases, faisant honneur à ses héritages, loin de sombrer dans la caricature et la répétition. Ce qui me fait espérer qu'il soit fait pour durer. Et si c'est pour nous pondre des albums de cette trempe, on pourra s'estimer heureux !

Matthhaeus
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le 16 sept. 2017

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