Noctourniquet
6.7
Noctourniquet

Album de The Mars Volta (2012)

Au début, j'aimais beaucoup The Mars Volta. J'ai découvert le duo Cédric Bixler/Omar Rodriguez en 2005 à la sortie de Frances the Mute, et je suis instantanément tombé sous le charme. Une claque à l'époque pour le fan de métal que j'étais. C'était une musique excentrique, limite mystique ; un rock qui devait tant à King Crimson qu'à Yes. Toujours enjoué, jamais dans la demi-mesure. Ils étaient bigrement attachants, ces deux touffus.
Puis en avançant - en fait, dès Amputechture - mon intérêt est allé décroissant. Bien sûr mes goûts ont changé et pas mal de groupes sont passés par mes oreilles depuis, mais il n'y a pas que ça. Après Frances the Mute, j'ai l'impression que le groupe s'est replié sur lui-même, qu'il n'a pas su renouveler concrètement sa formule.
Alors oui, chaque album reste "unique" : Bedlam in Goliath était une oeuvre dense et endiablée, super énergique. Octahedron était, selon leur souhait, un album "folk" - entendez par là des titres plus doux, dans une forme un peu plus conventionnelle.
Mais dans le fond, les mêmes mélodies reviennent inlassablement. Cédric part toujours haut dans les aigus avec sa voix nasillarde. Omar y va de ses riffs progressifs entendus mille fois. Les variations ne se font que dans le ton, et sont minimes.

Et puis là, à l'écoute de l'extrait de leur nouvel album ("The Malkin Jewel"), on pouvait entrevoir du changement. Du VRAI changement. Cédric ne braillait pas trop, la guitare d'Omar était presque en retrait. Moins axé rock psyché, plus expérimental avec cette section rythmique atypique. Autant d'éléments déroutants pour The Mars Volta, qui m'ont presque fait attendre cet album avec impatience.
Et c'est là que vient le moment de l'écouter en intégralité.

Le début de "The Whip Hand" est assez prometteur : le rythme joue sur les contre-temps, le timbre de Bixler est modéré. Le problème c'est que ça va rapidement dégénérer jusqu'à ce refrain particulièrement immonde - j'insiste - avec un son de clavier surproduit qui vient dégouliner sur tous les autres instruments. Ok, c'est mal barré finalement.
En réalité ce premier titre révèle la faiblesse principale de l'album : partant d'une idée séduisante (les premières secondes de "Aegis" font elles aussi pressentir du neuf), le groupe vient vite pourrir ses propres compositions par leurs excès habituels. Le deuxième morceau s'en sortirait plutôt bien si le refrain ne reprenait pas une formule typique de Mars Volta - on pense à une version ratée de "Inertia ESP" ou au refrain de "Desperate Graves" en moins saccadé.

Précisons qu'à l'époque du split d'At the Drive-in, Cédric Bixler déclarait qu'il était lassé de crier et qu'avec the Mars Volta il pourrait nuancer son chant. La bonne blague. Sur 13 morceaux, son chant est l'élément qui baigne le plus dans le déjà-entendu.
"Dyslexicon" démarre lui aussi plutôt bien, mais tombe bien vite dans une soupe sonore ; c'est brouillon au possible, trop précipité et irréfléchi. Le jeu de la batterie, vif et technique, pourrait être un énorme atout sur cet album si la production n'en étouffait pas l'impact.

Je vais pas faire du track-by-track parce que l'album entier souffre des mêmes défauts. De bonnes idées (les couplets de "Lapochka" par exemple, ou encore "Vedalamy" qui a un bon potentiel !) gâchées par leur envie d'aller trop vite en besogne. Le travail est le plus souvent bâclé par la voix constamment geignarde de Bixler et un clavier bien dégueu et trop mis en avant, malgré une section rythmique qui ne manque pas d'idées.
C'est doublement décevant donc, parce qu'on pourrait presque en tirer du bon s'il n'y avait pas tant d'artifices.

Bref, je vais adopter une attitude peu recommandable pour mon image publique, celle de l'opinion "c'était mieux avant" : de The Mars Volta je ne garderai que la nostalgie des deux premiers albums, inventifs et inspirés. J'imagine qu'ils m'ont surtout marqué à l'époque parce que c'était quelque chose de complètement nouveau à mes oreilles, et qu'aujourd'hui je suis un gros blasé.
Avec la reformation d'At the Drive-in, le seul truc que j'attends encore de ce duo de musiciens, ce sont de bons concerts.
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le 26 mars 2012

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