Pour moi, l'un des problèmes majeurs de Man on the Rocks porte un nom : Luke Spiller. Mike Oldfield, qui n'est pas lui-même un grand chanteur, a eu un coup de foudre pour ce jeune interprète, au point de lui confier le micro sur les onze titres de cet album, présenté comme un retour à la source rock pour le compositeur anglais.


Je passe sur le fait que le garçon semble se donner des faux airs de Freddie Mercury. Beaucoup ont essayé de jouer dans cette catégorie, aucun n'a réussi. Jugeons sur la voix, rien que la voix.
Pour être honnête, je reconnais sans hésiter que Spiller sait chanter. Je ne sais rien de son travail avec The Struts, le groupe qu'il a co-fondé ; mais pour Oldfield, il fait le job. C'est propre, c'est juste, rien à dire.
Sauf qu'il manque le petit quelque chose qui, par le passé, a fait la différence avec Maggie Reilly, mais aussi avec Barry Palmer ("Discovery") ou Roger Chapman ("Shadow on the Wall") par exemple. Un grain de folie, un soupçon de caractère qui le démarquerait d'une ambiance pop rock FM très vite lassante, et décevante.


Le disque démarre pourtant pas mal, avec un "Sailing" bien balancé - qui évoque, certes, les grandes heures de "Moonlight Shadow"... mais quand c'est bien fait, c'est loin d'être désagréable.
Dans la foulée, "Moonshine", en dépit d'un bel arrière-plan irlandais, marque un peu le pas. Mais c'est avec la suite que les choses se gâtent.


"Man on the Rocks" et "Castaway" s'étirent sur six minutes chacun, façon guimauve ramollie au soleil. Le premier nommé est une ballade flapie, où la voix de Spiller frôle la vulgarité lorsqu'elle tente de se faire rauque pour faire rock. Le frôlement devient crash pur et simple dans "Castaway", où le garçon se prend à appuyer ses accentuations avec une lourdeur éprouvante.
Ces deux titres lents et longs, à la suite l'un de l'autre, provoquent chez moi un décrochement irrésistible, que le binaire "Minutes", un sous-"Sailing" (lui-même sous-"Moonlight Shadow", rappelons-le), peine à réparer.


On retrouve en outre le même genre d'ambiance (et de défauts) dans "Nuclear", dans "Following the angels" et ses sept minutes interminables, ou dans "I give myself away", mièvre conclusion de l'album.
"Chariots" et "Irene", cachés dans les méandres de l'indifférence, peuvent éventuellement réveiller un peu l'intérêt, pour peu que les deux oreilles n'aient pas décroché au fil de l'écoute (ce qui est le cas en général pour moi).
Même chose du côté des guitares de Mike Oldfield, toujours aussi virtuoses et puissantes quand il s'autorise à s'en servir sans retenue, et qui rappellent (en de rares occasions) qu'il est le maître d’œuvre de l'ensemble.


Car, finalement, au-delà du chanteur, le problème vient aussi de la qualité des compositions.
Il n'y a rien de mauvais ni de honteux dans l'ensemble, mais rien non plus qui suscite passion ou admiration - des sentiments auxquels l'amateur d'Oldfield a eu la mauvaise idée de s'habituer au fil d'une sacrée liste d'albums, ou de morceaux extraordinaires.
Ce qui me chagrine, c'est Man on the Rocks donne l'impression qu'il aurait pu être composé par n'importe qui d'un peu habile. L'un de ces artistes éphémères, auteurs d'un tube aussi instantané qu'involontaire, et dont on n'entendra plus jamais parler ensuite.
Je peine à y entendre la patte du Mike Oldfield que j'aime - pas seulement celui de Tubular Bells, attention, mais aussi celui de Crises, Discovery, Five Miles Out, Ommadawn (et ne parlons pas du hors norme Amarok).


D'ailleurs, j'ai essayé à plusieurs reprises d'écouter les versions instrumentales des chansons. Un exercice qui dédouane assez vite Luke Spiller, car on y entend alors clairement l'absence de signature Oldfield, au profit d'un classicisme pop rock ondulant, au mieux, entre The Corrs et Dire Straits - certes, il y a franchement pire comme comparaison, mais quand même.
On parle de Mike Oldfield, là. Pas de Joe le Rigolo.

ElliottSyndrome
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le 27 juin 2020

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