- Dans le paysage musical, bien que certains souhaitent le nier, il y a bel et bien un essoufflement du punk. Sid Vicious meurt, les Sex Pistols n'existent plus, les Ramones ne décollent pas, l'énergie semble partir. Et du côté des Clash, ça semble aussi la débandade. Après un premier album enthousiasmant et revendicatif et un "Give Em Enough Rope" sympathique mais timoré, les quatre copains se cherchent. Ils virent leur manager Bernie Rhodes (pour raisons artistiques et relationnelles, Rhodes haïssant le batteur Topper Headon) et s'enferment pendant des mois dans un taudis à Pimlico. Plus de managers, plus de revenus, plus de chansons...le Clash semblait très mal. Mais c'était sans compter sur leur créativité et leurs convictions. C'était sans compter sur le fait qu'ils étaient soudés. Les quatre gentils garçons ont un message à faire passer, et ils le feront par une voix enragée et des guitares stridentes. Pendant trois mois, ils passent leur temps à composer, à écrire, à arranger. Le résultat: un double-album réalisé en trois semaines à peine qui sonne comme une révolution, comme un état d'urgence. Le monde est en danger, il faut vite le changer.
London Calling, double-album au prix d'un simple parce que les Clash ne voulaient pas "enc**** les gamins" en vendant des disques trop chers, dixit Joe Strummer. Strummer, justement, pousse dès la chanson éponyme son cri, comme un signal de détresse. La rigidité avec laquelle il gratte ses six cordes sur deux notes, la basse envoûtante de Paul Simonon, les riffs jouissifs de Mick Jones, les battements frénétiques de Topper Headon...tout y est. La rage, le cri d'alerte, l'alarme. Londres est sous le joug des conservateurs de Thatcher, la Tamise va nous engloutir et la Beatlemania a mordu la poussière sans n'avoir rien changé. Aujourd'hui, ce n'est plus un option: on doit changer le monde. Et c'est sans doute ce propos qui fait que l'album est encore intemporel de nos jours.
Le thème, nous l'avons. Reste le style de l'album à trouver. Et là, les Clash se font plaisir et mettent sur la table toutes leurs influences de l'époque. Si le punk est bien présent (London Calling, Clampdown, Death or Glory...), la pop y est aussi (Rudie Can't Fail, Lost in the Supermarket, Four Horses) tout comme le reggae (Jimmy Jazz, Revolution Rock) et le dub, avec cette petite merveille de Paul Simonon qu'est Guns of Brixton. Tout y est, les Clash savent d'où ils tiennent leurs influences et leur rendent ici un superbe hommage. Chaque membre du groupe a ses moments de gloire dans cet album. Parmi mes chansons préférées: London Calling, Death Or Glory, Hateful, Clampdown, Guns of Brixton, Rudie Can't Fail, Train in Vain.
Phillippe Manoeuvre a déclaré un jour : "London Calling est le seul double-album que je connaisse avec aucune mauvaise chanson". Je suis tout proche d'être d'accord avec lui. Tout proche car, selon moi, la chanson Lovers Rock n'a rien à foutre là, trop creuse sans être désagréable. Mais je suis un connard de pinailleur, je vous l'accorde.
London Calling a été triomphalement reçu par la critique, d'abord perplexe face à l'éventualité d'un double-album fait par un groupe punk. C'était un coup de force et le Clash l'a encore réussi. Il faut alors compter sur eux: ils sont les porte-parole d'une jeunesse inquiète. Et comme l'a dit Joe Strummer "Maintenant, on a plus le droit de dire n'importe quoi".
Bref, London Calling, c'est un peu le passage obligé pour celui qui veut découvrir le rock dans tous ses états. C'est bien joué, les paroles sont d'une intelligence transcendante et sont comme des slogans qui vous resteront longtemps dans la caboche. Un classique, mon album préféré de tous les temps, celui que j'emporterai toujours sur une île déserte.