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Mélanger pleins de genres musicaux ensemble sur un seul et même album est un challenge particulièrement difficile à relever qui peut résulter aussi bien en un projet intéressant révélant une surprenante variété qu'en une véritable cacophonie qui n'a aucun sens. Il semblerait que le secret pour pouvoir réussir à créer un disque où plusieurs influences musicales se rencontrent et fusionnent ensemble harmonieusement, estompant les frontières entre différents styles et questionnant au passage la notion de "genre musical", serait seulement de faire cela avec authenticité. De le faire sans se poser la question, juste parce qu'il est nécessaire pour un musicien d'exprimer des influences qui ont toujours fait parties d'eux.


C'est en tous cas la réponse que semble suggérer Bartees Strange sur Live Forever, un premier album où le musicien qui a grandi dans l'Oklahoma fait résonner un "stadium rock" glorieux et une punk urgente ("Mustang", "Boomer") en les conjuguant avec la vulnérabilité épurée de la folk ("Far", "Fallen For You"), le flow déchaîné du hip-hop ("Mossblerd"), le rythme hypnotisant de la house music ("Flagey God") et les accents soul contenus dans sa voix. Artiste ayant évolué dès sa plus jeune enfance entouré de musique religieuse et d'opéra puis qui a joué dans des groupes de punk au début de sa carrière avant de décider de se lancer en solo en enregistrant des reprises du groupe de rock indie The National, Bartees Strange se nourrit de tous styles de musique et ne souhaite pas être limité par une quelconque étiquette, créant de façon très organique un son qui n'appartient qu'à lui.


Sur la pochette de ce premier album, un portrait du musicien est visible agrémenté de petits gribouillis et autres dessins difficiles à discerner. Cela donne l'impression d'observer Bartees Strange entouré de toutes ses réflexions même les plus insaisissables, comme si on nous donnait à voir le magnifique désordre qui existe en lui. Et Live Forever est en effet cela : un album où l'artiste exprime toutes les choses – aussi bien musicales qu'émotionnelles – qu'il a probablement tues pendant très longtemps sans jamais les refouler et dont il a besoin de se libérer. Il y a une certaine confusion que l'on peut ressentir dans les textes de Live Forever, qu'il s'agisse des pensées morbides de "Stone Meadows" ou de la colère qui résulte de l'incompréhension sur "Mossblerd". Par moment, l'urgence de s'exprimer de Bartees Strange semble bouilloner avant d'exploser complètement sur des morceaux viscéraux ("Boomer", "Mosssblerd").


Si musicalement Bartees Strange semble questionner la question de genre, il le fait plus globalement à travers les paroles qu'il chante ou rappe tout au long de Live Forever qui petit à petit apparaît comme une réflexion intime autour de la question de l'identité, qu'elle soit musicale, ethnique ou de genre. "Mossblerd", un morceau que j'ai déjà cité plusieurs fois, explique succintement et de façon très percutante le problème face auquel Bartees Strange s'est toujours trouvé et qui semble avoir influencé l'ensemble de son parcours et, par conséquent, ce premier album : celui d'avoir toujours été limité et défini par des stéréotypes dictés par les médias et la société, le laissant avec une certaine confusion vis-à-vis de ce qu'il devrait et pourrait être, aussi bien en tant qu'individu que musicien ("He don't know no better/He just getting fucked up off these genres/Keep us in our boxes, keep us all from commas/Keep us n----- hopeless, keep us from our options"). Quelque chose que l'artiste combat d'une main de maître – même malgré lui – sur ce fantastique premier album.


Chaque chanson de Live Forever apparait comme une petite pièce d'un puzzle complexe qui est celui de l'identité de l'artiste américain. Mais le plus fou, c'est que toutes ces petites pièces, qu'elles soient teintées de post-rock ou de R&B, cohabitent incroyablement bien dans un seul et même album qui réussit l'exploit complètement dingue d'être un ensemble extrêmement cohésif où l'on passe de sonorités radicalement différentes sans jamais être dérouté. Live Forever est un glorieux bazar organisé qui brille grâce à son authenticité et la façon dont Bartees Strange ne se fixe aucune règle. Cette liberté complète qui se fiche de revendiquer une identité artistique définie donne naissance à un album passionnant et profondément excitant qui nous garde toujours sur la pointe des pieds et nous surprend tout au long de ses intenses trente-cinq minutes. Longue vie éternelle à Bartees Strange !


Score : 7.7
Key tracks : "Flagey God", "Mustang", "Mossblerd"

killyourdarlings
8

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Créée

le 23 janv. 2021

Critique lue 78 fois

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Keith Morrison

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