Quitte ou double?


Que faire après avoir atteint la consécration? Doit-on continuer quitte à baisser en régime? Ou se saborder au sommet pour rester à jamais intact dans l'Histoire du rock? Ou enfin, faire comme de nombreux autres à l'époque: Abandonner lâchement son groupe au profit d'une carrière solo? The Cure n'en a cure (bravo!) de toutes ces questions et répondra par "double" - double, comme double-album, vous avez aimé The Cure, vous en aurez donc double-ration!

Si le succès soudain peut trop souvent engendrer des tensions, voire mener à la mort lente de vos groupes préférés, ce ne sera aucunement le cas de la joyeuse bande à Robert, en tout bons anti-conformistes qu'ils sont. L'été 86 sera une fête permanente, pour rappel "The head on the door" a fait un gros carton et "Boys don't cry" devient (enfin) un tube presque mondial. La tournée des arènes du sud de la France sera l'occasion de filmer "The Cure in Orange" et l'idée de prolonger la fiesta en région PACA jusqu'à la fin de l'année fait son chemin. The Cure jettera ses amarres aux Studios Miraval dans l'arrière-pays varois et enregistrera son premier album hors d'Angleterre (NB Au même moment, la bande de Basildon aura une idée similaire, en enregistrant "Music for the masses" à Paris).


Et la musique dans tout ça? On continue dans la pop? On revient vers quelque chose de plus sombre? Ou bien on explore des nouveaux chemins? Les trois, mon cher capitaine! Robert Smith compte laisser s'exprimer chacun des membres du groupe et travaille sur une trentaine de morceaux. Dix-huit d'entre eux figureront sur le double-album qui paraitra au printemps 87.

Le contenu "Kiss me, kiss me, kiss me" sera un peu à l'image de sa pochette: Chaud, psychédélique et brillant, avec un côté estival et son petit parfum de Provence au mois de juillet. "The Kiss" démarre les hostilités avec une guitare wah-wah très hendrixienne et une atmosphère étouffante à souhaits. Ce morceau vaut à lui tout-seul l'écoute de l'album et constitue encore aujourd'hui un des morceaux les plus ultimes du groupe. Et comme pour "The Top", le morceau d'ouverture très électrique est suivi par un morceau très doux, "Catch" qui sera le deuxième single de l'album. "Kiss me", comme "The Top" est un album extrêmement varié, mais là où le second était presque un effort solo, ce disque-ci est le témoignage d'un groupe en totale incandescence, exprimant toutes ses capacités.


Au rayon "électrique", on aura "The Kiss", "All I want", "Torture" et "Shiver and Shake", dans le psychédélisme "The snakepit" (Robert ressortira les flutes de "Wailing wall"), "Like Cockatoos" et "If only tonight we could sleep" (repris bien plus tard par Deftones), dans la catégorie estival-dansant "Why can't I be you?" et "Hot Hot Hot!!!" (et sa trompette en mode pastis-P.M.U.) "Hey you" et "The perfect girl", les nostalgiques et doux "One more time", "Catch" et "A thousand hours", et le très romantique "How beautiful you are" (un des sommets de l'album).


Un morceau se détachera de l'ensemble et restera , peut-être, celui le plus connu du groupe. Ce morceau c'est "Just like heaven", troisième single de l'album, et pop-rock song ultime, et digne successeur de "In between days". Offert en exclusivité et en version instrumentale aux "Enfants du rock", ce titre va faire son gros bout de chemin aux States, alors en plein boom Collège-rock. The Cure au même titre que Depeche Mode et Tears for Fears, va rentrer dans le club très-fermé des artistes anglais issus de la new wave qui connaitront à la fin des années 80 un large succès outre-atlantique. Ce morceau sera dignement repris par Dinosaur JR deux ans plus tard.


Au final "Kiss me" (pour les intimes), mérite une grosse note. C'est un disque de qualité, pas le plus ultime, mais une pierre angulaire dans la discographie du groupe, et certainement la meilleure chose qu'il avait à faire à ce moment-là. Là où Killing Joke ou Echo and the bunnymen (pour ne citer qu'eux) faillirent, The Cure franchirent avec succès l'obstacle en ralliant de nouveaux fans tout en comblant les anciens.

BorisNetzer
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le 19 nov. 2023

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Boris Netzer

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