Jazz by Sun Ra
7.9
Jazz by Sun Ra

Album de Sun Ra (1957)

Sun song

Personnel: Sun Ra, piano; Art Hoyle & Dave Young, trompette, John Gilmore, sax ténor, Pat Patrick, sax baryton; Jim Herndon, tympan, Robert Barry, Drums, Julian Priester, trombone, Richard Evans à la basse; Wilburn vert, basse électrique; James Scales, sax alto.

A Chicago, j’ai joué du piano avec Coleman Hawkins, Stuff Smith… La baronne Nica ne l’a sans doute pas cru car, un soir, elle m’a emmené au Village Vanguard où jouait Hawkins. Ella a dû être étonnée car il m’a dit : « Vous êtes la seule personne à avoir écrit quelque chose que je sois incapable de jouer… » En fait ce n’était pas une de mes compositions, mais un arrangement d’ « I’ll remember april… »

Sun Ra

Sans doute issu des mêmes séances d’enregistrement que « Super-Sonic Jazz » pour le label transition qui mettra sous peu la clef sous la porte, l’album "Sun song" fait partie des premiers enregistrements de Sun Ra sous son nom. Il a même longtemps été considéré comme son premier LP, sous le nom de "Jazz By Sun Ra Vol. 1".

Fini les doo-wop, fini les boîtes à strip-tease de Calumet city en compagnie de Pat Patrick et Robert Barry, l’Arkestra va s’étoffer petit à petit, on dit que Sonny Rollins lui-même y fera un passage et John Gilmore y entrera en 1955 pour ne plus le quitter pendant de longues années. C’est juste après les albums pour Transition que Marshall Allen et Ronnie Boykins intègreront le vaisseau spatial et marqueront la fin de ce qu’on appellera « la période de Chicago ». Cette forme orchestrale qui entrera dans les studios en cette année 1956 sera une des plus stables jusqu’au déménagement vers New-York.

« Comme je collectionnais les disques, un vendeur m’a conseillé l’album transition de Sun Ra. Dès que je l’ai entendu, j’ai voulu jouer avec Sun Ra. »

Marshall Allen

«Sun song» est à cheval entre la tradition et la modernité. Il est donc très accessible à une oreille habituée aux arrangements des grands orchestres. Un poil plus « raide » que Super-Sonic Jazz peut-être, un peu plus ancré dans le be-bop, mais il a sa part de modernité.

"Brainville" ouvre l’album de fort belle manière, ce morceau enjoué, sur un tempo rapide, fait penser à Mingus et offre un joli passage où le baryton à Pat Patrick fait entendre sa sonorité majestueuse en contraste avec la sourdine de la trompette et le son cuivré du trombone de Julian Priester.

"Call For All Demons" s’articule autour d’un magnifique thème, rapide et vif, John Gilmore, Sun Ra et même Jim Herdon au tympan nous offrent de bons moments musicaux…

"Transition" bien pulsé par la basse électrique est secoué par une succession de riffs emmenés par les sections des anches et des cuivres, succession de brefs solos concis et brillants dans la tradition bop, alors que Possession est une ballade vouée à John Gilmore qui louche vers la sérénade la plus sucrée, pièce élégante et sophistiquée.

"Street Named Hel"l est à nouveau rythmé par le tympan et son énorme son de tambour vibrant, tandis que la basse électrique s’exprime en solo avant que n’interviennent la section des anches, on croirait vraiment entendre une musique de film, majestueux, détonnant et déjanté !

Sur "Lullaby For Realville" on pense à nouveau à Charles Mingus l’air est entraînant, la basse groovy et le pupitre d’anches savamment millimétré dans ses interventions… "Future" est voué dans un premier temps à Sun Ra et à son piano, gracieux et avant-gardiste. Les arrangements son subtils et préfigurent l’…avenir.

"New Horizons" est languissant, paresseux, il s’étire lentement avant de s’achever autour d’un joli thème bien policé. "Fall Off The Log" est classique dans sa forme, un hard-bop bien réchauffé qui permet à James Scales et John Gilmore de se mettre en valeur.

"Sun Song" est le morceau “exotique” de l’album, celui qui a le plus de charme avec cet orgue trafiqué et ces coulées de notes au piano. Encore une évocation magique d’un orientalisme rêvé…

Un nouveau témoignage des débuts discographiques du Sun, un hommage à la tradition avec une pointe de modernité, sans doute pas le meilleur choix pour aborder cette première période discographique, l’album restant malgré tout assez sage, ce qui ne lui enlève rien de son charme propre… On pense à Duke Ellington, à Gil Evans, à Charles Mingus, à George Russel mais pourtant ça reste si personnel et identitaire qu’on y entend surtout la marque d’un très grand.

Ecrit en 2012

xeres
9
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le 27 août 2023

Critique lue 9 fois

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