Infestissumam
7.3
Infestissumam

Album de Ghost (2013)

À vrai dire, composer une première critique sur un site qui propose autant de contenu me paraissait être une épreuve haletante, dans laquelle je me serais bien cassé la figure. J’ai eu envie d’écrire et de discuter sur une multitude d’albums, de films, de livres et de jeux tout en même temps que j’ai bien manqué de ne rien écrire du tout.


Je ne pourrai pas m’éterniser sur ma vision de la Musique, ni de l’Art en général qui est débattu en grande partie sur ce site (je n’ai pas trouvé d’endroit pour cela, la description proposée du compte semblait très limitée en terme de caractère), toutefois, sachez au moins que j’ai balayé les aprioris sur les genres musicaux depuis bien longtemps ; tous, quels qu’ils soient (vous me laisserez bien une ou deux exceptions, que je pourrais développer au besoin si cela vous intéresse), ont quelque chose d’intéressant à m’apporter. Je les apprécie tous, je tente de les saisir au plus profond de moi, et surtout de les comprendre. Cela traduit selon moi la plus puissante mélomanie, et bien sûr la plus juste. J’ai beaucoup de mal avec la virulence, le mépris, l’impatience et l’arrogance. C’est aussi ce pourquoi j’ai décidé de participer à l’œuvre de Sens Critique. Je cherche avant tout à briser les limites imposées par les membres sur l’ouverture aux œuvres comme à leur compréhension, qui parfois me posent problème à leur lecture. Par conséquent, c’est avec un mélange d’objectivité la plus dénuée d’intérêt ainsi qu’avec un ressenti le plus sensible mais néanmoins sérieux que je m’efforcerai de composer des critiques sur ces merveilles qui nous sont proposées chaque jour de notre riche et courte vie.


Ainsi donc, il faut bien commencer quelque part. Et j’ai choisi Ghost, tout simplement parce qu’Infestissumam figure parmi les derniers albums que j’ai écouté dernièrement. (J’ai transité sur Marillion depuis, que j’écoute en ce moment même, mais nous verrons cela plus tard)


Pour les intéressés, sachez que Meliora, troisième opus du groupe suédois, sortira sous peu ; plus encore, une tournée débutera bientôt en Europe pour le promouvoir avec une vingtaine de dates, ce qui ravira les amateurs du groupe comme des curieux, pour peu qu’ils passent près de chez vous.


J’ai découvert Ghost peu après la sortie d’Infestissumam, c’est pourquoi j’ai écouté cet album avant même Opus Eponymous. Ne sachant absolument pas à quoi m’attendre (on me promettait un mélange de Heavy et de Doom Metal, et une pointe de Gothic Rock, ce qui s’avère être exact malgré le temps que j’ai dû passer à saisir leur atmosphère), j’ai plongé tête baissée dans l’écoute complète de l’album.


L’Introduction (Infestissumam) a le mérite double de mettre le ton général de l’album avec une célérité remarquable, tout en sachant captiver l’auditeur dès la percée des instruments à la reprise de l’unique couplet. La venue de la guitare solo permet de surcroît d’affirmer le côté Heavy plus traditionnel, tandis que les riffs d’introduction du second morceau (Per Aspera Ad Inferi) soutiennent le mélange avec le Doom. Très pesant au départ, l’arrivée du jeu vocal de Papa Emeritus II (à vrai dire, I, II ou III : il s’agit bien du même chanteur, mais je trouve ça marrant et pas mal subtil) sera pour moi une vraie révolution, une surprise, même. Chant lyrique sans bémol et chuchotements tortueux non moins apaisants, ça marque, tout simplement. Le refrain prend aux tripes comme un Évangile déclamé en direct au micro. La Parole Maudite en somme. Ainsi, l’album démarre dans la plus parfaite des ambiances. L’orgue qui s’immisce pour annoncer Secular Haze plonge l’esprit encore plus loin sous l’église. On peut sentir l’aura émanant du groupe (cinq goules sans visage et un Antipape : en concert, j’ai hâte…), comme s’ils n’étaient que la façade à peine visible et saisissable d’un monde souterrain encore bien mystérieux, sombre et inquiétant à la fois.


Jigolo Har Megiddo constitue pour moi le morceau le plus « efficace » de l’album. Moins ambiancé, peut-être moins sombre, plus fort, et surtout un riff et un rythme redoutables qui dégage de la puissance ; ça captive la tête, et donnerait même envie de scander le refrain en chœur, tant on s’y sent bien.


Ghuleh / Zombie Queen, la « balade » de l’album, comme si l’on était au théâtre. La longueur comme la langueur sont diaboliquement efficaces. La transition interne est parfaite, un dégagement d’énergie pure avec un orgue tout simplement fantastique. On s’assoit enfin, un sourire béat et une once de peur aux lèvres, mais pour combien de temps… ?


7 minutes, à peu de choses près, en fait. Year Zero s’introduit carrément de dessous notre siège. L’appel des diables prend l’aspect d’une vraie bombe qui nous enverrait valdinguer dans l’air de la salle, qui elle se ternirait peu à peu de rouge sang et de couleur flamme. Une Ode à Satan en somme. On ne peut qu’être bouleversé de se trouver dans une pièce si dangereuse. Ça donnerai pourtant envie de se risquer à toucher les flammes, rien que pour vérifier si elles sont bel et bien réelles, et si ça fait aussi mal qu’on se l’imagine.


Les trois morceaux suivants constituent alors le centre en béton de l’album. On poursuit plus loin notre quête du Maître des Enfers. Body and Blood fait office de seconde puissance, après le solide Jigolo Har Megiddo précédent, histoire de maintenir la pression tout au long des pistes. Finalement, Idolatrine fait exactement pareil : un refrain démentiel, un rythme balèze et un chanteur décidément troublant, entraînant. Comme un Messie. On ne s’en lasse jamais.


Depth of Satan's Eyes, c’est pour revenir aux sources. On vous a mis la pression juste avant, c’est un peu l’heure de la détente intégrale ; donnez tout ce que vous avez de vigueur dans un Doom frénétique. Un morceau des plus énergiques, sans aucun trop loin. Pour autant, on ne peut se résoudre à terminer l’album par pareil morceau. Il y a évidemment une dernière porte à enfoncer pour en finir enfin.


Voilà donc enfin Monstrance Clock, celui que l’on attendait enfin. Toutes les pistes précédentes semblent avoir été chargées d’envoyer une multitude d’émotions à l’auditeur pour finalement le surprendre en beauté avant d’abaisser le rideau. Une libération finale digne des morceaux les plus touchants qui soient. Sans conteste une Pépite, le cœur de l’album comme le clou du spectacle. On sent la fin venir à grand pas, que ce soit l’ambiance amenée par les instruments comme la voix qui se décompose peu à peu. Le refrain est un vrai prodige. Il saisit les tripes, je ne pourrais pas faire plus concis. On le veut s’étirer à l’infini pour ne jamais voir la fin (c’est un peu ce qui se passe en fait) ; la guitare solo fait des vraies merveilles. Et puis la pause ahurissante voix/clavier au milieu du morceau relève du pur génie. Tout comme la partie finale avec les chœurs, miraculeuse. (On revient au début) Là ce ne sont plus les tripes mais le cœur qui en pâtit. J’en aurais les larmes aux yeux, pour peu que je me sois laissé aller construire mes rêves dans les cendres des cauchemars des autres (traduisez). Si l’on s’évade par l’imagination la plus débordante qui soit, cette horloge devient alors la pendule (ou le pendule, j’hésite) dément(e) qui régule nos désirs enflammés et nous amène encore un peu plus vers ce mystérieux Satan que l’on ne parvient toujours pas à saisir. (Je n’ai rien contre ça, vraiment : il n’y a pas meilleure façon d’approcher le Mal – ne vous laissez pas attraper - qu’écouter les Fantômes) La fin, en clair, c’est la jouissance, l’apothéose de cet album en or.


Finalement, la recette paraît simple mais diablement efficace. (« Simple is best », selon N°4 ; facile, certes, mais présentement juste) Une batterie de riffs simples sans trop saturer les guitares pour un son Heavy agréable sans grésiller dans les oreilles ; un clavier pour ambiancer le tout avec notamment un orgue qui, aussi facilement que les guitares, parvient à créer une atmosphère pesante et touchante en même temps. Jusque là, rien de vraiment révolutionnaire (ce n’est pas ce que je recherche de toute manière dans aucun album), bien que son utilisation soit des plus minutieuses et adaptées, mais une touche finale le rend unique à mon sens : un chant ténébreux mais clair, mêlant calme et flegme dans une posture imperturbable et une prestance digne d’un Pape venu droit des Enfers pour prêcher l’anti-parole. Je ne m’attarderai pas ici sur la basse et la batterie (que les puristes m’excusent), bien que leur efficacité au cœur des morceaux ne soit absolument pas à prouver, loin s’en faut.


Conclusion : Une réussite incontestable. Le groupe a su frapper aux portes de l’Âme par l’une des plus mélodieuses façons qui soit. (Je risque indubitablement de répéter cette phrase pour un nombre incalculable d’œuvres en tout genre, comprenez-moi bien) Les émotions que j’ai pu ressentir à son écoute sont toujours aussi fabuleuses. Un favori, bien qu’il se soit curieusement placé bien loin de mes grands coups de cœur.


Je n’ai aucune idée de comment vont s’agencer les critiques futures – j’aurais également voulu détailler mon barème pour être plus clair / précis mais qu’importe) ; peut-être ai-je été trop long, pompeux, inexact selon les uns, ennuyeux selon les autres ; ne soyez pas si durs avec vous autant qu’à moi ; l’amour de l’Art dépasse les négatifs. Quoi qu’il en soit, nous verrons bien comment l’habitude et l’imagination me changeront. Je compte bien varier mes compositions, voire ne pas m’attarder sur chaque morceau, malgré l’intérêt tout particulier que je leur porte ; liberté oblige, je poursuivrai comme bon me semble, si vous me permettez (sinon tant pis, je ferai quand même).


P.S : Finalement, j’ai terminé cette critique en réécoutant l’album en entier. On ne se refait pas.

Count_of_Tuscany
9

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le 10 août 2015

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