Good Things
6.7
Good Things

Album de Aloe Blacc (2010)

Une chanson n’appartient plus à son auteur dès lors qu’elle est diffusée ailleurs que dans sa seule caboche. Prenez Aloe Blacc. S’imaginait-il devenir le mendigot le mieux rémunéré de l’histoire en composant I Need a Dollar, hymne officiel de la Grande Récession devenu aspirateur à cash grâce au flair de la chaîne HBO ? Sans doute pas, et peu importe : I Need a Dollar est avant tout un tube de l’été d’un genre inédit, coquet, conscient et dansant. Soulagement : l’album Good Things est encore mieux que ça. Parce qu’il ne ressemble pas à un diorama de l’âge d’or de la Motown. Parce que la concision du hip-hop (Miss Fortune), la polissonnerie du funk (Hey Brother) et la fébrilité de la soul (Mama Hold My Hand) y font jeu égal. Parce qu’il est tout simplement, d’une pudique reprise du Femme fatale du Velvet à un Politician digne des grands de la blaxploitation (Marvin Gaye, Curtis Mayfield…), rempli de belles chansons cuivrées et (wha)ouatées. (inrocks)


Chic rappeur d'ascendance panaméenne, Aloe Blacc a changé son fusil d'épaule. A l'orée du printemps 2010, il s'est fait re­mar­quer avec une chan­son soul étincelante et dansante, I need a dollar, qui n'a pas quitté nos vies depuis. Porté par les accents blues d'une voix ferme et d'une boucle de piano faussement enjouée, cet hymne des années de grande dèche (« Par pitié, boss, j'ai ­besoin de ce boulot bien plus que vous ne le pensez ») aurait pu rester un sim­ple coup d'éclat, mais il signe, en fait, la naissance d'un immense talent sur le front de la jeune musique noire américaine. Sautant sans mal de l'énergie frénétique du rap au format serré de la chanson, Aloe Blacc fait montre, sur Good Things, d'une verve et d'une inspiration impressionnantes. Sa soul n'est ni rétro ni futuriste, mais parfaitement de son époque. Les textes, finement ciselés et accidentés, se glissent sous la peau de passions contrariées et de vies crevées, et les arrangements tissent une toile aussi chagrine que fastueuse dont les teintes s'étoffent avec les écoutes. Il y a de tout dans l'univers de ce jeune Blacc : des mélodies claires et tortueuses que n'aurait pas reniées Stevie Wonder, des souffles de fanfare, des escadrons de guitares funk, des ambiances narcotiques façon Wong Kar-wai, des orgues vaudoues, le falsetto chuchoté de Marvin Gaye, une reprise du Velvet Underground (Femme fatale), la flamme des protest songs des années 60, les tourbillons de romance éternel.... et un caractère unique qui ne semble pas fait pour passer.  (Télérama)
Après avoir débuté sa carrière en rappant au sein d’Emanon, duo qu’il formait avec Exile, Aloe Blacc a véritablement vu son destin basculer lorsqu’il a rejoint Stones Throw en 2006 pour y sortir l’album “Shine Through” qui, déjà, ne manquait pas de mettre en lumière certaine facettes de son talent que “Good Things” va définitivement faire éclater au grand jour. C’est une évidence tant une unanimité quasi systématique est de rigueur chez tous les acteurs du milieu musical lorsqu’il est question de ce nouvel opus, parfaitement introduit par le magistral hit “I Need a Dollar”, lancé sur les ondes et sur le net il y a quelques mois pour finir en générique de la série “How To Make It In America” diffusée sur HBO. Mais qu’en est-il du reste? Il est en effet trop facile de résumer un artiste à un seul morceau, aussi bon soit-il. Et ce serait vraiment dommage ici, tant la performance d’Aloe Blacc est époustouflante. Bien entouré par des cadors du genre - l’équipe Truth & Soul (Leon Michel et Jeff Siverman) s’occupe de la production tandis que El Michels Affair ou The Expressions se chargent d’exécuter la partition - il peut laisser libre cours à ses inspirations, s’approprier les différents courants et styles qui ont fait l’histoire de la soul, plutôt que de faire du neuf avec du vieux à coup de vernis grossier. Du gospel au rythm’n'blues, il modernise à chaque fois ses références (”Green Lights”, “Momma Hold My Hand”, “You Make Me Smile”), et quand il lorgne vers le funk (”Hey Brother”), il évite de céder à la tentation d’en faire trop dans son chant. Car ses capacités vocales ont beau être bluffantes, c’est surtout dans sa façon de les contrôler qu’Aloe devient brillantissime. Pour preuve, on reste subjugué par la virtuosité avec laquelle il reprend et sublime le “Femme Fatale” du Velvet Underground, ou par son interprétation chaleureuse et tout en nuances de “Take Me Back”. Que dire aussi du somptueux et subtil “If I”, dans lequel l’émotion du chanteur n’est pas sans rappeler la capacité à incarner les sentiments d’un Sam Cooke. Enfin, le fort discours social qu’il relaye dans ses titres - très critiques vis à vis du système américain - donne encore plus de relief à ce “Good Things”, notamment lorsqu’il fait passer ses prises de position toute en délicatesse, que ce soit dans “Miss Fortune” ou “So Hard”.Alors que d’autres artistes réutilisent allègrement les codes des sixties, Aloe Blacc les réinvente, donnant ainsi un coup de jeune à la soul en la faisant entrer de plein pied dans le nouveau millénaire. Personne avant lui n’avait aussi bien trouvé cette alchimie entre une époque révolue qu’on essaie de réhabiliter, et une vraie modernité chargée de sensibilités contemporaines. Il livre au final un véritable chef d’oeuvre qui, avec un peu de recul, pourrait avoir le même impact que le “What’s Going On” de Marvin Gaye dans l’histoire de la musique. Mais, par sa capacité à s’adapter à tous les styles, c’est surtout au grand Otis Redding qu’il nous fait penser. Espérons seulement qu’il n’aura pas une carrière aussi courte et qu’il nous enchantera encore longtemps. C’est peu dire que “Good Things” est d’ores et déjà un classique. Mieux: un disque majeur de ce début de siècle. (Mowno)
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le 26 févr. 2022

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