Dream Theater
6.3
Dream Theater

Album de Dream Theater (2013)

Après 25 ans de bons et loyaux services (et non de longs et boyaux sévices), il est de circonstance de considérer DREAM THEATER comme les vétérans officiels d’un genre (le métal progressif pour ceux qui ne suivraient pas) qu’ils ont, non pas inventé, mais promu au rang d’indéfectible renaissance (Images and Words - 1992), à tel point qu’il contribua fortement à relancer le « prog », rien que ça, avec un paquet de suiveurs plus ou moins talentueux dans son sillage.

Ceci posé, l’histoire assez linéaire des américains en avait pris un coup dans la trogne lorsque Mike Portnoy, batteur et membre fondateur supposé indéboulonnable, quitta le navire il y a trois ans, avec pertes et fracas, sans trop que l’on comprenne le pourquoi du comment. L’arrivée, à grand renfort de publicité, de Mike Mangini pour le bien nommé A Dramatic Turn of Events (2011) n’avait pas permi de transformer l’essai au-delà d’un album auto-proclamé de transition. Mais comme disait l’Ecclésiaste, la suite des événements avait quand même de quoi nous exciter le poil. Et pas qu’un peu.

Bref, 2013 et ce nouvel opus tant attendu. Entre un artwork hésitant, un premier single rentre-dedans (« The Enemy Inside ») avec son clip graisseux à souhait, et une campagne markteting programmatique surdimensionnée, l’aiguille du pilote automatique frôlait le rouge dépressif. La réinvention annoncée sur ce nouvel album au titre subtilement éponyme et plein de belles promesses allait-il être la résurrection tant attendue ou le fiasco prémonitoire tel que les critiques-cassandres aiment les raturer périodiquement ?

Entre deux eaux. En évitant soigneusement tout changement de cap un tant soit peu aventureux, le groupe, fort d’un savoir faire incontestable, s’épargne la déconfiture sans additif. Bon plan. Plus proche de Falling Into Infinity (« Surrender the Reason ») et de l’esprit (seulement) de Scenes From A Memory (« The Bigger Picture », « The Looking Glass »), on devine que nos amis ont joué placé : la brutalité technique, les chemins de traverse blindés de chausse-trapes et autres fausses pistes (« False Awakening » en mode métal gothique), le labyrinthe sonique proposé déroule une virtuosité à toute épreuve... sans jamais vraiment surprendre. Et c’est tout le problème de l’équation DREAM THEATER depuis plus de douze ans. OK, John Petrucci s’offre un premier rôle de choix (une fois de plus) à grands coup de riffs carnassiers, de soli à grande vitesse, de maîtrise impressionnante du détaché à la croche bien accrochée (l’instrumentale « Enigma Machine », hargneuse à souhait). OK, ses comparses ne sont pas en reste même si l’on sera bien ennuyé de vouloir repérer la moindre influence de Mangini dans les compositions. OK, l’énervant, l’agaçant, le vociférant (rayez la mention inutile) James LaBrie semble avoir un poil levé le pied de sa gorge déployée. Mais alors, que demander de plus ? Un soupçon d’originalité, de créativité, d’étonnement, bon sang ! Nous ne sommes pas en face d’un groupe pour club du troisième âge avec les potards malencontreusement coincés à onze. Pourtant, si nos amis peuvent aisément s’affaler dans leurs capacités au dessus de tout soupçon, le menu n’évite pas le réchauffé. Et en passer par des titres aussi passe partout que « The Bigger Picture », « Behind the Veil » ou « Along for the Ride » n’arrange rien à l’affaire. Évidemment, il y a « Illumination Theory » avec ses 22 minutes protéiformes dont certaines symphoniques (Bonjour Octavarium), voire très atmosphériques (d’aucun disent dispensables) : le grand opus de l’album qui pose à lui seul les hypothèses d’un sur place séduisant en manque de solutions bandantes.

Porté par une production ultra lisse qui laisse vrombir les instruments, Dream Theater est un album qui en d’autres temps aurait pu prétendre à devenir un très bon exemple de métal progressif dopé à la nitroglycérine. Aujourd’hui, il alterne une musique faite de bâtons de dynamite instables, prêts à sauter n’importe quand, avec des séquences efficaces mais trop prévisibles pour souffler la concurrence. Pas désagréable, avec de très belles choses éparpillées, ce douzième album studio aura surtout le mérite de retarder l’enterrement de luxe que nombre de visionnaires lui avait promis. Invitations à l’appui. C’est déjà pas mal.
AmarokMag
7
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le 7 avr. 2014

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