Dans la légende
6.4
Dans la légende

Album de PNL (2016)

J'avais beaucoup d'attentes sur cet album, allaient-ils confirmer après deux excellents projets qui construisaient doucement mais surement un vrai univers unique ? N'allaient-ils pas comme d'autres échoué lamentablement, les portes du succès maintenant ouvertes ? un peu comme SCH qui s'était lui-même enfermé dans son univers et ses gimmicks, en rajoutant beaucoup d'égo trip et d'autotune pas forcément nécessaires, en plus d'avoir fait l'erreur de confier toutes les prods à DJ Kore qui l'a clairement limité.
D'autres n'ont pas su confirmer comme Niska, après un premier album pas incroyable mais efficace dans l'énergie qu'il apportait, mais même problème: on veut passer en radio du coup faut que la forme s'adapte au code du commercial, et avec beaucoup de featuring inutiles.


Autant le dire tout de suite, PNL n'a pas commis ces erreurs, au contraire, ils ont su apporter une nouvelle direction artistique à leur album, et confirmer tout le bien que l'on pouvait penser d'eux.
Après un Que la famille qui dépeignait parfaitement leur quotidien où régnaient la douleur, la mélancolie et leurs erreurs. Le monde Chico continuait sur cette voie tout en apportant de nouvelles choses avec des morceaux plus planants ( Oh lala...) et des sonorités plus orientales (Mexico...).
Et logiquement ils se sont orientés vers ces deux genres en allant cette fois au bout des choses dans leurs choix et apportant un album très cohérent.


Donc la plus grande qualité de l'album est de voir qu'ils sont restés fidèles à leur musique en restant indépendants, leurs sons ne sont pas formatés pour plaire, ils ne se refusent aucune orientation musical, on passe sans problème à de la trap avec le monstrueux DA, à des sonorités venant du sud (Bambina), ou à des morceaux de cloud rap (Naha) et même du raggaeton (Bené).


Venons-en directement à l'écriture, sujet qui fâche souvent avec ce groupe. Beaucoup de gens restent sur leur première impression :des textes vite écrits et avec beaucoup de facilités (onomatopées, phrases recyclées, certains thèmes trop appuyés).
Ce qui n'est pas foncièrement faux, mais ne représente qu'une sorte de voile, où il faut savoir passer à travers pour découvrir l'essentiel de leurs talents d'écriture.
Ce qui est intéressant dans leur textes, c'est de voir leur évolution.



Ademo



Malgré le fait qu'il ne deale plus et vit une vie beaucoup plus tranquille, continue d'être torturé par son passé, et à l'opposé, dans sa nouvelle vie d'artiste confirmé s'installe une certaine forme d'ennui. Le fait est que Ademo reste toujours ce mec de banlieue et ne se retrouve pas dans ce nouveau monde de succès où il se sent entouré de hyènes.



Tu te rappelles pas quand t'étais heureux sans rien ?
Quand tous ces gens pensaient que t'étais qu'un vaurien
Ici l'amour te manque mais tu l'abandonnes
T'es dans l'attente dans l'ombre d'un parloir...



Ademo consacre d'ailleurs un morceau à ses problématiques, Luz de Luna où il utilise le dialogue avec lui-même, une forme d'interview, qu'il refuse toujours de faire à la presse:



« T'façon j'ai pas besoin d'eux, mais ah bon t'as besoin de qui?
J'ai ma miff, ouais j'ai Dieu, non je suis pas de ces harkis »  



.



"On a shlassé, tiré, vendu, pour manger
Tu sais rien
Fuck vos interviews, j'aurais pu passer dans vos reportages de chien"



On est à l'inverse complet de l'égo trip. Ici, Ademo dit que malgré tout cet engouement soudain pour PNL, il y a encore peu de temps il aurait pu passer dans un reportage NRJ12, où les téléspectateurs s'amusent à mépriser la vie que certains ont.


Il garde aussi le même désintérêt pour la musique dans laquelle il dit clairement qu'il n'a aucune passion, il ne voit la musique que comme un charbon comme un autre même si son rap est adulé aujourd'hui.



"Disque d'or, ah bon c'est nous ? Wallah je savais pas,
Pourtant meilleur dans la drogue, mais bon...
Pourtant meilleur dans la drogue, mais bon"



" Je connais pas ré-mi-sol, la 'sique je m'en bat les couilles"



A chaque morceau, on dirait que Ademo s'en sert comme un exutoire, une écriture directe, sans détours qui va au cœur de ses problèmes, il se sert toujours de répétitions ou de ces couplets rythmé au couteau, pour installer cette ambiance de précipitation, d’instantané, de non réfléchi, pour avoir cette impression de directe qu'on retrouve souvent chez lui.



 "Je fais des cauchemars, ouais mama, les anges sont loin de mon sommeil
En fait le truc, c'est que je dois tuer mon monstre,
Ouais, je suis là, je me ballade dans ce décor de merde"



"La feuille est si belle, plus j'écris plus j'salis
Fleur de décibels, ma rage les contamine"




N.O.S



Il garde aussi ses thèmes chers, tout en améliorant son écriture, et je trouve d'ailleurs qu'avec cet album il dépasse Ademo.
Riche en métaphores, toujours montrant la dualité du bien et du mal qui règne dans sa vie, et toujours cet esprit QLF qui habite leurs textes à tous les deux de la première à la dernière ligne, sans oublier leur passé qui restera toujours présent dans leurs textes étant donné que ça a changé leur manière de voir la vie.



"J'ai compté toute la journée, jusqu'à m'en bruler les ailes
J'ai cogité toute la nuit jusqu'à ce que s'éclaircisse le ciel"



«  Je recrache le mal/ J'ai percé avec l'argent sale
J'ai peur de te perdre ma dit mon miroir/ Je garde cauchemars au fond du tiroir »



"Plus très loin du sommet, je veux garder les pieds sur terre,
je garde une photo d'en bas,
Je me rapprocherai de l'enfer pour éloigner les démons de la nouvelle villa"



=> parfaite synthèse des objectifs de N.O.S: ne pas se faire pervertir par le succès, toujours se souvenir du chemin qu'il a du endurer pour en arriver là et continuer dans cette voie qui pourtant ne lui correspond pas, juste pour mettre sa famille à l'aise.


Aussi, malgré le fait qu'il soit conscient d'être chanceux d'en être arrivé là, il ne suce jamais son public et montre que tous ces prétendus fans sont temporaires et qu 'il n'a aucun attachement envers ses fans ou même la musique en général.



«  Je monte sur scène l'impression d'être une bête de foire/
Je prends mon oseille, je chante, j'me casse de la te-boi »



A l'écoute de leur album et de leurs textes, il m'a semblé (et ça reste mon interprétation) que même si l'objectif initial de leur conquête du rap était l'argent et de sortir de leurs vies où ils se sentaient prisonniers, ils n'ont toujours pas trouvé ce sentiment de plénitude recherché, en grossissant les traits, ils sont toujours à la recherche du bonheur.


On pourrait considérer leurs albums comme des films où chaque projet correspond à un épisode de leur vie, et avec Dans La légende apparemment ils n'y ont pas mis le point final.



"Tout ça c'est pas l'avenir, je m'attache pas à cette vie-là
Pourquoi se mentir, ce présent n'est qu'un mirage,
J'ai pas dit Bismillah, je perds la foi comme un minable "



" Plus je m'approche du butin,
plus je sais que tout ça me sauvera pas "



=> En conclusion, en analysant un minimum on se rend compte qu'il y a un fond qui existe, c'est pour cela que j'ai un peu de mal quand j'entends dire que PNL n'a aucun talent d'écriture, que c'est vide.
Alors que pourtant même si ils gardent les mêmes thèmes simples qui reflètent leurs vies, ils arrivent toujours à marier parfaitement leur rythme, sonorité aux instrus, tout en apportant au fur et à mesure plus d'informations sur eux, et leur monde avec leur écriture.
Après je vois déjà arriver le " ouais mais faut les chercher ces phrases, elles sont rares"

Encore une fois c'est pas faux, elles ne sont pas tout le temps présentes, mais j'ai envie de dire fort heureusement !
Ça serait très vite lourdingue surtout que leurs thèmes sont simples, ils seraient vite trop appuyés. PNL au contraire dans ses textes donne des indices, des clefs pour comprendre leur message.


-----> A chaque morceau, il y a une nouvelle proposition,une envie de se dépasser pour toujours proposer quelque chose d'unique, toujours à la recherche de l'homogénéité parfaite entre leurs textes et l'instru.


Résultat ? Mission accomplie avec cet album.
PNL continue d'écrire l'histoire, en sortant le rap de ses clichés, des codes installés qui limitent le rap, et garde leur manière d'aborder et de concevoir la musique.


Finalement, mon seul regret aujourd'hui avec cet album est de constater qu'ils n'ont aucun concurrent sérieux, et qu'ils règnent sur le rap français avec trop d'aisance et de facilité, bien loin des autres artistes qui représentent aujourd'hui la scène rap française et de la médiocrité qui s'y est installée.


Q.L.F

Créée

le 16 sept. 2016

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GoldenBoy

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