Vent de fraicheur sur le rap français

Columbine s’inscrit dans le phénomène récurrent du nouveau groupe de rap ou le public se divise clairement en 2. Je relierai ce groupe à Fauve en 2014 ou encore à PNL en 2016.
Fauve car Columbine affiche les mêmes thèmes et la même volonté de toucher l'auditeur par son honnêteté et par son côté un peu naïf.
D'ailleurs il n'a pas fallu longtemps pour que le groupe soit taxé de rap de bobo, fait par des blancs pour des blancs.
Et PNL car Columbine s'essaye aussi à de nouvelles sonorités loin des normes établies par le rap français au fil des années. Ces sonorités sont pas nécessairement semblables à PNL mais on retrouve souvent un même côté planant grâce aux prods cloud.


J'ai découvert récemment Columbine grâce à leur premier album Clubbing for Columbine. Avant de l'écouter j'étais curieux du résultat au vue de mes notes éclaireurs à l'opposé total. Résultat ? Pas convaincu, l'album était long, pas toujours bien géré notamment au niveau de l'autotune (assez immonde par moment) et les prods donnaient l'impression d'un gros bordel non maîtrisé ou les morceaux s’enchaînaient sans lien direct, les rappeurs n'arrivant jamais vraiment à trouver le bon ton à adopter.


Malgré autant de défauts à corriger le groupe fut de retour un an après.
Et fort est de constater qu'en si peu de temps, le groupe à acquis une maturité absolument démentielle. C'est comme si leur premier projet était une expérimentation en vue d'arriver à un produit fini et complet : Enfants terribles.


On le ressent tout d'abord grâce aux prods qui apportent enfin une ambiance cohérente soutenue tout au long de l'album. Elles laissent l'espace libre pour que Foda C et Lujipeka creusent l'ambiance et apporte chacun leur vision de leur vie et plus généralement de l’adolescence.
Ce thème de l'adolescence est omniprésent mais sans jamais tomber dans les pièges du genre : lourdeur, clichés, trop répété. Le ton est donné, le groupe représente toute une génération, l'ambiance se mêle à l'ennuie, la nostalgie, le sentiment d'être perdu et isolé du reste du monde.
Encore une fois ça aurait pu vite devenir lourdingue, mais pourtant durant 45 minutes, ça marche. Sans doute grâce à une certaine retenue dans leurs voix (contrairement à leur premier album, et d' une mise à nue de leurs personnalités qui laissent transparaître un sentiment commun éprouvé par là plupart des ados, mais sans jamais tomber dans le pathos. On est très loin des personnages de gosses riches qui assument leurs statues et se parodient eux même.


L'écriture est riche sans être trop riche. Je m'explique.
Quand on a affaire à du rap conscient souvent on se retrouve avec l'incapacité d'y trouver sa propre vision. Tout est donné noir sur blanc, il n'y a aucun travail d'interprétation à faire, les idées du rappeur sont presque trop claires. C'est un point de vue personnel, mais quand je me retrouve face à ce genre de rap, je sais d'avance que je ne le réécouterai pas de nombreuses fois. L'impression qu'à la première écoute j'y ai déjà fait le tours et que d'autres écoutes ne m’apporteraient pas grand chose de plus.


Avec Columbine se fut l'effet inverse. Je me suis surpris à réécouter l'album très souvent, et chaque écoute m'apportait une nouvelle pièce au puzzle représentant la volonté de transmettre cette unique ambiance qu'ils délivrent de bout en bout. Parfois ce n'est qu'un vulgaire détail, une phrase qui donne sens au morceau, une façon d'utiliser l'autotune, un moment ou la prod en dit plus que les textes.... L'essence du travail de Columbine se retrouve dans ce genre de détails.


Je ne vais pas tenter d'expliquer les textes comme je l'avais fait pour PNL, car je pense pas qu'il n'y a qu'une unique lecture possible, et ça serait bête que j'influence ( mdr le mec trop prétentieux) votre interprétation.
Je vais juste m'arrêter sur mon morceau préféré de l'album « Temps électrique ».
Le morceau qui montre à mon sens le mieux l'évolution du groupe, et sûrement la direction de leur travail à venir. Un morceau pop chanté à l'aide d'autotune et une prod simpliste mais qui apporte une profondeur nécessaire pour que les 2 rappeurs montrent l'étendue de leurs talents.


Vous trouverez sans doute la comparaison douteuse, mais je rapprocherai aussi le groupe de Fuzati. Tandis que Fuzati traitait le thème de l'adolescence avec un point de vue de gros blasé, avec beaucoup d'ironies( lui, ayant le recul nécessaire) Columbine, eux veulent encore y croire, à l'aide de leurs naïveté, de leur regard tourné vers un futur encore inconnu et d'une mélancolie heureuse mélangée à une nostalgie tourmentée.


Le groupe n'est encore qu'à ces débuts et donc se permet d'essayer certaines choses sans vraiment les réussir ('' Woohoo '' ). mais cette nouvelle direction artistique m'a plus que convaincu, et ce groupe à fait renaître mon intérêt pour ce bon vieux rap français.



"Mais crois-moi, vivre isolé c'est blessant
J'en fais les frais des mois durant
Une belle année est une année à perdre son temps
Crois-moi, toute seule tu n'y arriveras pas
Entassés dans un appartement à s'marcher dessus
On voudrait habiter sur la face cachée de la lune
Dans une communauté hippie, prisonniers dans l'Jumanji
On a passé mille et une nuits à se torturer l'esprit
Ils étudieront nos poèmes en classe dans mille ans
Laisse-nous crever dans nos sables mouvants
Pourquoi tu t'obstines à avoir la vie qu'j'avais avant ? "


GoldenBoy
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le 1 mai 2017

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