Crèvecœur
7.7
Crèvecœur

Album de Daniel Darc (2004)

Daniel Darc c'est les tatouages sur la peau, et la peau sur les neurones. Un ancien junkie qui s'est détruit le cerveau, et qui renaît en 2004 en adolescent naïf et torturé, après l'aventure éphémère Taxi Girl, quelques albums solo confidentiels disséminés entre la fin des années 80 et le début des nineties.


De ce nouveau départ plus ou moins "pur" (le monsieur s'est converti au protestantisme, et est censé être clean désormais, mouais...) sont nés de superbes vers, squelettiques, soit, mais aiguisés comme des lames de rasoir. Et en cela, le titre de l'album, Crèvecoeur, superbe, a été très bien choisi : il illustre parfaitement la poésie simple qui inonde ce disque simple, dont il se dégage une forme de féérie désenchantée.


Ces bases textuelles posées, ajoutez une voix fatiguée, profonde (qui évoque indiscutablement Gainsbarre), et vous avez l'identité Daniel Darc. Que manque-t-il alors pour que l'équation de la bonne galette soit parfaite ? Un bon compositeur. Chance, le français a trouvé en Frédéric Lo un excellent mélodiste (il est d'autant plus important de le préciser que celui-ci tient le rôle ingrat d'homme de l'ombre, souvent ignoré par le public et les médias).
Celui-ci a sans aucun doute des influences très variées, tant il manie à la perfection les registres folk ("Un Peu C'est Tout", "Si Tu Vas Là-bas", "Jamais Jamais") et pop ("La Main Au Coeur", "Rouge Rose"), comme celui de l'electronica sage ("La Pluie Qui Tombe", "Élégie #2").


A cela se greffent des perles étranges et intouchables, comme ce single magnifique, "Inédit Et Hors D'usage", dépouillé, impudique, mais incroyablement touchant, ou encore "Psaume 23", en forme de prière à la fois lumineuse et désabusée.


Bref, du talent des deux compères est né un disque hybride, qui a satisfait (et satisfera) autant les amateurs de bons mots que de belles expériences musicales sobres et efficaces.
Vraiment, ce n'est pas pour rien que ce Crèvecoeur a connu un joli succès lors de sa sortie : il y règne une harmonie parfaite, sensible et déconcertante.
Et cela est d'autant plus beau quand on connaît le parcours de cet homme, encore aujourd'hui fatigué de vivre, dézingué par la came, mais qui a su se sublimer dans cette poignée de chansons que personne n'attendait.

Francois-Corda
9
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le 28 août 2018

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François Corda

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