Charles Gayle – Consecration (1993)


Voici un album de Charles Gaye enregistré sur le label italien Black Saint, finalement rien de si surprenant, le calendrier coïncide en effet entre l’apogée créative du label et la notoriété retrouvée du saxophoniste. C’est un quartet à l’œuvre formé outre du saxophoniste légendaire de Vattel Cherry à la basse, de Michael Wimberly à la batterie et de William Parker au violoncelle et au violon.


L’album est très long, conforme aux habitudes du saxophoniste qui avait tellement à dire qu’il remplissait chaque Cd de musique à ras bord, il en avait plein la tête et elle jaillissait sans limite de son cerveau bouillonnant. Une fois de plus l’album est vraiment excellent, plein, riche et volubile. C’est d’ailleurs le seul Charles Gayle qui compose l’entièreté des pièces ici.


On reconnaît ici la manière de faire de Charles Gayle, de longs solos illuminés et même allumés par la présence d’un esprit divinatoire, la première pièce « O Father » répond complètement à ces critères, elle dépasse le quart d’heure et brille par les flammes incandescentes qu’elle contient, c’est chaud bouillant, vif et totalement prenant, empreint d’une intensité rare et communicative.


« Rise Up » qui suit est du même bois, Charles fait revivre le cri Aylerien en même temps qu’il s’empare de la quête Coltranienne. On connaît sa capacité à tenir bon, sans faiblir ni tarir le flux. Ici il semble hoqueter parfois, mais ce n’est que pour mieux repartir et développer ce long serpentin sinueux fait de volutes et de notes associées, mélangées en un flux sonore éraillé et saignant.


Pourtant il est ici en studio, les dix-sept et dix-huit avril quatre-vingt-treize, au « Sear Sound » de New York. On a souvent mis en avant les performances live du musicien, surtout en cette période, au sortir de la rue et des métros, mais il a pu, sur certains albums enregistrés en studios, se hisser à ce même niveau, la démonstration est ici faite, « Justified », ce troisième titre est de ce tonneau-là.


La combinaison de la basse de Vattel Cherry et du violoncelle de William Parker crée une force extraordinaire à cette rythmique, d’autant que Michael Wimberly ne lâche rien et pulse sans cesse, à la mode free, donnant des impulsions continuelles fortes et puissantes, tant au niveau des tambours que des cymbales.


« Glorious Saints » qui suit à l’air presque badin dans son introduction, mais ce n’est qu’un faux semblant, le récital du saxophoniste le joue éraillé, avec un son torturé et tordu, comme s’il s’ingéniait à extraire les sons les plus rocailleux, gutturaux, râpés ou usés, comme un vieux sac troué et rafistolé.

« Touchin' on Trane » son album le plus populaire sort cette même année, cette proximité permet de mieux situer cette performance dans la carrière du saxophoniste ténor, il sort néanmoins la clarinette basse pour jouer « Thy Peace » que l’on pourrait qualifier de pièce lente, en comparaison du reste, elle se traîne avec paresse, un peu fielleuse et presque sournoise au milieu de ce contexte.


L’album se termine par l’excellent « Redemption » qui donne son titre à cet album, l’un des très bons de sa discographie.

xeres
10
Écrit par

Créée

le 15 sept. 2023

Critique lue 3 fois

xeres

Écrit par

Critique lue 3 fois

Du même critique

Lanquidity
xeres
10

Un voyage dans le "Space-Jazz-Rock"...

Plus que tout autre, Sun Ra est une bibliothèque, il a parcouru, lu et écrit l'histoire du jazz, de l’intérieur, il a vécu les évolutions et participé aux révolutions. Membre actif de cette longue...

le 28 févr. 2016

27 j'aime

10

Bitches Brew
xeres
10

Critique de Bitches Brew par xeres

Ce qui frappe en premier lieu, c’est la beauté de la pochette créée par Mati Klarwein. On la devine symbolique, plus particulièrement quand elle s’offre déployée, pochette gatefold ouverte. On...

le 5 mars 2016

24 j'aime

9

Both Directions at Once: The Lost Album
xeres
10

Critique de Both Directions at Once: The Lost Album par xeres

« Il » est arrivé ce matin, bien protégé, sous cellophane, belle pochette avec deux triangles découpés laissant apercevoir la sous-pochette… Le vinyle avec le prestigieux macaron « Impulse »,...

le 2 juil. 2018

23 j'aime

7