Business Casual
6.6
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Album de Chromeo (2010)

De nos jours, il me semble que la musique est profondément divisée entre deux clans principaux : ceux prétendant ne pas se la péter et ceux qui assument leur frime excessive.


Il devient difficile de prendre un café en ville sans manquer se casser la gueule sur une demi-douzaine de pseudos-rockers-jazzmen-choristes à la croix de bois qui font «vraiment ça pour le plaisir de l’art» en repompant l’un ou l’autre groupe semi-obscur que seuls des gens dotés d’une oreille aussi éduquée que la nôtre sont à même de déceler dans leurs borborygmes roots. A croire que quelque part une manufacture en contreplaqué les cisèles à partir de magie noire, de colle et de vieilles pochettes de disques de Frank Zappa. C’est cette multitude uniforme de geignards qui font semblant sans se l’admettre qui rendent tellement spécial le duo que l’on nomme Chromeo.


On dit de ces deux electrofunkateers de Montréal qu’ils sont « le seul partenariat efficace entre un juif et un arabe ». Et c’est pas faux; c’est Chromeo. Vous connaissez tous l’histoire familière de deux jeunes gens qui se rencontrent durant leur adolescence et finissent ensemble par concocter dans leur froide mansarde des albums au son dérivé de celui de leurs idoles. Seulement, il serait de bon ton à notre époque d’en être simplement « inspiré » et non pas « une repompe fidèle et servile de diverses influences produites jusqu’à en crever ». C’est cependant cette seconde voie que suivirent David Macklovitch (Dave-1) et Patrick Germayel (P-Thugg) dès l’âge de quinze ans. Voyez-vous, le petit David est le frère d’A-Trak un DJ vainqueur du fameux prix DMC en 1997 et fut donc élevé dans une atmosphère ou le vinyle était omniprésent.


Flashforward jusqu’en 2001; David bosse avec Tiga dans un magasin de disques à Montréal et ce dernier lui demande de lui produire du hip-hop. Un an plus tard, Dave-1 et P-Thugg signent sur son label Turbo et commencent à se mettre tout doucement au travail. Faudrait pas qu’ils se pètent le dos non plus.


Vocodeur au dents, le duo sort son premier album « She’s in control » en 2004. C’est un flop mémorable, mais il contient « Needy Girl » un titre qui deviendra au fur et à mesure de ses remix répétés un vrai succès en boite. Tel est le passeport qu’il fallait au son de ces deux gars pour qu’il quitte son Québec natal. Et tandis que leur musique fait le tour du monde de coin sombre en coin sombre; le duo se permet un break de trois qui permettra à Mr. Maklovitch d’entamer des études en littérature française à l’Université de Columbia.
De retour en 2007, les Laurel & Hardy de l’electrofunk impressionnent. Leur second LP Fancy Footwork exsude un son chaud mélange magico-électronique de Survivor, Klymaxx, Sylvester et Hall & Oates qui saura faire fondre le coeur d’une partie de la critique musicale contemporaine. Pour beaucoup, c’est comme si l’on découvrait une petite tribu parfaitement conservée de New Romantics campée depuis tant d’années dans une ancienne colonie brittanique. Tout d’un coup, la planète semble vouloir se souvenir qu’à une époque elle dansait sur des mélodies jouées au synthé, soutenues par une basse rythmique quasi-funky et rehaussée de quelques falcettos mâtinés de vocodeur. Ca y est, les eighties sont de retour et c’est du monde que Chromeo fait le tour.


Leur nouvel album « Business Casual » est un pur paradoxe. D’un côté, il y a une image, de l’autre du texte; et au milieu il y a un de ces bizarres disques optiques qui faisaient tellement futuristes dans les années septante. Quand on le met dans son mange-disques digitaux; l’on ressent des émotions qui vont de la déception la plus abjecte à un bizarre état jubilatoire inexplicable. Car c’est un disque inégal qui va du pire (la pathétique tentative de chanson française intitulée « J’ai claqué la porte ») au meilleur de ce que le groupe peut produire (les inoxydables « Night by Night », « Don’t Turn the Lights On » ou « I’m Not Contagious »). Pour la plus grosse partie, le mélange fonctionne; mais l’on sent les limites de leur virtuosité technique proche du fanservice sur ce troisième disque où l’on peut mettre près de la moitié de leur production à la poubelle. Cependant, si vous aimez la musique clinquante qui porte des raybans, est propice aux envolées soudaines de violons lyriques, à la basse omniprésente au son synthétisé sur Korg; vous devriez tenter l’aventure proposée par Dave-1 et P-Thugg. C’est pas faux: c’est Chromeo.

MaSQuEdePuSTA
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le 10 août 2013

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