Nous voici en présence du premier enregistrement de Buffalo Springfield. Les témoignages convergent pour affirmer que cet album ne restitue que faiblement la véritable puissance que ce groupe dégageait sur scène, la production étant faiblarde voire atone. Mais c’est le premier enregistrement de Neil Young et rien qu’à ce titre il mérite toute notre attention. L’album est révélateur de la façon dont Neil se percevait en tant qu’artiste et musicien à cette époque, compositeur de la moitié des titres ici il n’en chante qu’un, délégant le rôle de chanteur à Richie Furay. Par contre nous avons affaire ici à un véritable album de groupe, Steve Stills est clairement aux commandes et les problèmes d’égo et de leadership restent latents. L’album garde une belle unité de ton, il n’est pas sans cousinage avec ce que proposaient les Byrds à la même époque.
Steve Stills et Neil Young s’étaient rencontrés au canada en avril 65 et avaient aussitôt sympathisé, admiratifs l’un de l’autre, le souvenir de cette rencontre poussera Neil en compagnie de Bruce Palmer à traverser la frontière, au volant d’un corbillard (semble t-il chargé d’une caisse de marijuana) pour rejoindre Steve Stills à L.A, ne le trouvant pas ils remontent la piste jusqu’à San Francisco où ils se rencontrent par hasard au milieu d’un boulevard… Le Buffalo Springfield est né de cette folle traversée qui fourmille de mille anecdotes, l’époque était propice à cette joyeuse liberté…
Curieusement il existe deux versions de cet album, la première s’ouvrait avec le titre « Baby don’t Scold me » et la seconde, à partir de février 67, verra le hit du groupe « For what it worth » remplacer le titre d’ouverture. « For what it Worth » est un « protest song » encore en vogue aujourd’hui, la chanson a été reprise dans certaines publicités et dans plusieurs musiques de film et même samplé ici ou là. Cet hymne contestataire ne s’oppose pas à la guerre au Vietnam, plus prosaïquement la chanson a été écrite suite à la répression subie par une manifestation hippie (où se trouvaient Peter Fonda et Jack Nicholson) qui verra deux cents arrestations par les forces de l’ordre, où du désordre en l’occurrence… Ces jeunes s’opposaient à une sorte de couvre-feu qui interdisait l’ouverture de certains Clubs après vingt-deux heures, comme le Pandora’s box où pas mal de groupes jouaient… pour finir le Pandora’s box sera détruit mais la chanson, elle, continue à vivre et à porter ce souffle de liberté.
Cinq des six titres de la première face sont signés Stephen Stills et un seul Neil Young « Nowadays Clancy can’t even sing », pourtant c’est incontestablement ma chanson préférée, ce folk-Rock au thème sombre est admirablement chanté par Richie Furay et les harmonies vocales formées par le chœur de Steve et de Neil transportent et s’envolent.
Face B c’est l’inverse, quatre titres sont signés Neil et deux Steve. Les titres « Flying on the ground » et « Burned » font immédiatement penser aux crises d’épilepsie de plus en plus fréquentes qui terrassent Neil, plus d’une fois il s’est retrouvé, sur scène, allongé au pied du micro… Sur Burned on entend le Loner pour la première fois au chant et … au piano !
On regrettera à nouveau la production un peu bâclée mais l’album plaira aux amateurs des Byrds, sans atteindre les sommets atteints lors du deuxième album, il a pour lui la cohérence et son poids historique.

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le 27 févr. 2016

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