Depuis la fin du brillant Nagelfar (à ne pas confondre avec Naglfar, le groupe suédois), Alexander Von Meilanwald, ancien batteur de la formation allemande, a poursuivi son chemin tout seul dans l’aventure The Ruins Of Beverast (TROB) en livrant trois excellentes offrandes dans un style évoluant au fil du temps.


Si Unlock The Shrine reprenait un peu le flambeau black atmosphérique porté par Nagelfar, le second Rain Upon The Impure s’orientait vers un black plus true et plus raw, une sorte de régression dans le son mais avec des compositions toujours soignées et mélancoliques.
Foulest Semen Of A Sheltered Elite dévoilait une musique plus doom et plus death, tout en intégrant un chant monastique sombre et mystique tout à fait assorti et une production plus claire et moderne.


Ce dernier Blood Vaults continue d’évoluer dans ce sens : il ne reste que très peu d’éléments black metal, la partie doom/death et même funéraire prenant une part de plus en plus grande dans la musique de TROB, proche de références comme Shape Of Despair, Dolorian ou Triptykon.
Son chant est plus guttural, les guitares sonnent encore plus graves avec des riffs en avant sur des tempos lents et lourds. La production a encore gagné en clarté.
Et pourtant, il me semble que TROB n’a jamais sonné aussi sombre et occulte que maintenant.
Les compositions sont comme toujours incroyablement fouillées, sur des durées dépassant les dix minutes pour quatre morceaux sur neuf.
Von Meilanwald a mis de côté son chant monastique, cette voix claire solennelle et sinistre qui donnait au précédent album une aura particulière. Ici, on serait plus dans l’expérimentation, comme avec des chœurs synthétiques, syncopés et juxtaposés avec la voix gutturale ; il y a même une intervention féminine sur Ordeal, qui scande des paroles impies à l’image d’une Sarah Jezebel Deva (ex-Cradle Of Filth).


Car la grande variété d’éléments atmosphériques ajoutés n’a pour objectif que de rendre la musique plus envoûtante et pesante ; car s’il n’y a plus beaucoup de black ici, l’esprit l’est encore profondément.
Une certaine majesté émane de cet album, une dualité épique et mélancolique évoquant à la fois grandeur et décadence.


Les morceaux sont certes complexes et extrêmement variés, mais ils demeurent compréhensibles et mélodiquement marquants : sur un titre aussi long que A Failed Exorcism, toutes les parties sont aussi mémorables les unes que les autres, à commencer par cet arpège en son clair à la Dolorian sur un tempo doom, alternant avec un passage tribal excellent puis une accélération en blast sur des mélodies orientales avec une coloration plus black metal avant de reprendre sur des thèmes funéraires. Ce morceau à lui tout seul montre tout le savoir faire de Von Meilanwald, homme intarissable de talent et d’inspiration.
La plage suivante, Trial, fait office d’interlude et s’enchaîne à merveille dans un registre tribal également, avec des chœurs rituels qu’on croirait sortis d’un album de Vangelis. Phénoménal.
Ce type de structure, avec ces alternances rythmiques doom/black/tribal, est retrouvé à plusieurs reprises sur l’album.


Le travail graphique est superbe, ça vaut vraiment le coup de l’avoir en vinyle.


Les projets solos en black metal et doom ne manquent pas, mais ont cette fâcheuse tendance à refléter un peu trop souvent l’autisme du protagoniste. Von Meilanwald fait preuve d’un véritable génie de la composition sur des morceaux à la musicalité unique et empreints d’une personnalité très particulière, le tout servant une ambiance occulte de tous les instants tout en demeurant relativement accessible. La construction de l’album est elle aussi particulièrement travaillée, subtilité que l’on appréhendera au fil des écoutes.
Blood Vaults contentera autant les amateurs de doom extrême que de black atmosphérique, qui ne seront pas rebutés par sa longueur (soixante-dix-huit minutes, quand même !). Un joyau qu’il faut absolument se procurer.


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Man_Gaut
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le 1 août 2016

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Man Gaut

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