Ça va peut-être te paraître bizarre, mais quand j'étais ado je n'avais aucun succès avec les filles.


En effet, les demoiselles de l'époque ne se jetaient pas sur votre serviteur comme peuvent le faire celles d'aujourd'hui.
Mais foin de rancunes !
En effet, comment en vouloir à ces belles donzelles qui n'ont pas su voir derrière les cheveux longs collants, derrière la peau grasse parsemée d’acné purulente, derrière cette odeur corporelle mêlant habilement effluves de transpiration datant du cours de sport de la veille et relents de Jenlain tiédasse; comment leur en vouloir de n'avoir pas su déceler derrière tout ces menus défauts, la valeur intrinsèque - pourtant évidente - de ce jeune homme en devenir ?
Et pourtant ! Pourtant que d'efforts pour tenter de prendre apparence humaine. Mais mon sort, mon triste sort, du haut de mes 15 ans, était dorénavant fixé.


J'écoutais du Rock.


Du Hard-Rock pour être précis (Tendance Metal en plus; pour ne rien arranger).
Et écouter du Hard-Rock à l'adolescence, à cette époque là, impliquait une imprégnation musicale, sociale et vestimentaire totale. Il fallait être reconnaissable. Et immédiatement.
D'abord les cheveux. Finie la petite raie sur le côté que ta mère prenait soin de bien lisser avant de partir à l'école. Place aux cheveux longs. Place à l'anarchie capillaire; des fils de fer incoiffables qui dégringolent sur tes épaules frêles, laissant sur ton Perfecto trop neuf des traces de gras et autres résidus eczématiques.
Terminé les bermudas à carreaux, les petites socquettes en fil d’Écosse et autres chemisettes à rayures bien repassées. C'est l'heure du cuir râpeux ou de la veste en jean patchée de sataneries sanguinolentes.
Le monde s'écroulait pour ta pauvre mère voyant son "choupinet d'amour" entrer pitoyablement dans "l'âge con" par la sortie de secours. Un avenir plein de trous de boulettes sur ton t-shirt Metallica, de vomi mousseux de binouze bon marché et de râteaux sentimentaux tonitruants, t'ouvrait vicieusement les bras et allait forger le jeune homme un peu bancal que tu deviendrais.


Pourtant sur le papier le style vestimentaire Hard-Rock offrait de jolis avantages. Des beaux cheveux longs, du jean, du cuir, une allure de rebelle à bon marché.
Pour sûr que ça devait aider à rameuter de la meuf, bordel.
MON CUL, RIEN DU TOUT ! RIEN DE RIEN ! Pas de virée romantique en mob, pas de bouche gourmande, pas l'ombre d'un soutif renforcé à dégrafer.. QUE DALLE !
Tout y était pourtant, toute la panoplie; les tifs, le zon-blou, tout ! Rien n'avait était laissé de côté.
C'est seul dans ta piaule face à ce putain de miroir qui ne triche pas que tu passais tes soirées.
Seul avec tes tifs dégueulasses, tes boutons sur la gueule, ton haleine de chacal et ton slip sale que tu craquais ton pauvre bédo surchargé.
Seul avec ta honte face à ce poster d'Axl Rose. Ce putain d'Axl avec ses cheveux longs, son cuir, son jean, qui semblait te snober du haut de son piédestal de papier. Les mêmes tifs longs, le même cuir, la même passion pour la bibine et tout un monde qui nous séparait.
Ce même putain de monde qui séparait les débuts hésitants de nos modestes groupes de garages, des débuts fracassants des toxiques Guns N' Roses.


Les Guns, tiens ! Parlons-en !


C'est par une explosion - Bizarrement ! - que commence la carrière des G N' R.
L'explosion bénie des L.A. Guns et des Hollywood Rose (Avec Rose et Stradlin) auxquels s'agrègeront après maintes disputes et évictions: Slash, Duff McKagan et Steven Adler.
Cinq zonards, cinq semi-clochards, cinq compagnons de débauche traînant les ruelles glauques de Los Angeles à la recherche d'un bout de caillou, squattant les immeubles désaffectés des banlieues craspecs de L.A la maudite.
Cinq compagnons d'infortune assoiffés d'aventures en tout genres, assumant et vivant pleinement l'adage "Sex, drugs and Rock 'n' Roll". Cinq musiciens écumant les clubs sordides des quartiers gangrénés par la came et les putes de la Cité des Anges.
Parce que ces cinq-là étaient déjà connus du public underground Californien. Parce que les tauliers de night-clubs où les Gunners venaient foutre leur merde, et accessoirement se produire, les connaissaient aussi.
Parce que les groupies qui leur collaient encore au cul après s'être fait salement partouzées par nos cinq gaillards et qui se retrouvaient sur le trottoir sans leur porte-feuilles et le cul rougi, les connaissaient également.
Quand sort Appetite For Destruction, Axl, Slash et consorts ne sont plus des inconnus.
Toute la Californie les connaît. Ils ont mis L.A à feu et à sang et s'apprête, sans le savoir, à retourner avec un seul et simple album, un monde du Rock assoupi.


C'est Geffen Records, qui a toujours eu le nez creux, et dont quelques dénicheurs de talent avaient vu le quintet se produire dans des gigs dantesques mêlant musique, alcool et outrances en tout genres, qui va signer le groupe.
Les Gunners avaient pourtant déjà sévi avant de signer chez Geffen. Le EP Live ?!@ Like a Suicide* (désormais introuvable et dont quelques chutes se retrouverons sur G N' R Lies) avait fait monter la sauce chez les fans de la première heure.
C'est le producteur Mike Clink ( Mötley Crüe, Megadeth, UFO, Whitesnake...) qui aura la lourde tâche d'enregistrer l'album, de calmer ce joyeux bordel que sont les Guns N' Roses des débuts. Clink balance les petits culs et les seringues par la fenêtre, tente de faire le ménage autour de ces Punks à cheveux longs.
C'est également lui qui devra parvenir à capter l'énergie folle que les G N' R développe en concert et la retranscrire au mieux sur vinyle.
Mais pour saisir cette énergie, cette violence Rock, il a fallu lâcher du lest, il a fallu laisser vivre les Guns, dans tous leurs excés. Les Guns ne se sont pas pliés à Clink; c'est Clink qui a dû céder au mode de vie des chevelus de L.A.
Rose ne voulait pas d'un enregistrement classique (prises instruments par instruments), c'est dans l'urgence que doit se capter la substantifique moelle "Gunsienne". Les prises se feront en direct, avec tous les instruments. Et le résultat sera payant.
Les Guns parviennent à accrocher cette urgence Rock, à maintenir l'album dans une sorte d'improvisation live qui semble pouvoir dégénérer à tout moments. Un Rock, à l'image du groupe, d'une dangerosité animale de tous les instants.


C'est d'ailleurs dans la jungle que commence le périple nocif des Guns N' Roses.
Welcome To The Jungle ! Bienvenue dans cette putain de jungle que sont les rues de Los Angeles. C'est l'avertissement menaçant de ce SDF imbibé qui un soir, leur gueulera: "You know where you are ? You're in the jungle baby ! You're gonna die !".
C'est le topo d'une Cité des Anges noyée sous la came et le vice. Un inventaire complet de la vie des Guns au milieu de ces putains de eighties.
C'est à un combat de chat de gouttière - comme dans tout l'album d'ailleurs - que se livre Rose et Slash sur ce morceau. Les hurlements éraillés du fauve Axl Rose répondant aux riffs d'acier, aux coups de griffes métalliques d'un Slash en état de grâce.
Les titres se suivent mais ne se ressemblent pas. La furie "Gunsienne" est à l'oeuvre, à commencer par la guitare rythmique d'un Izzy Stradlin d'une "cool attitude" désarmante, trempant le Blues ancestral dans un bain de Fuzz pour le recracher en une rafale de riffs râpeux comme un vieux cuir.
Une section rythmique portée par la basse élégante de McKagan et les frappes lourdes de Steven Adler viennent terminer le mélange détonnant qui portera le skeud à une incandescence Rock dont on avait presque oublié, dans ce milieu des eighties, qu'il pouvait encore brûler.
L'album égrène la triste litanie des bas-fonds d'une L.A confidentielle.
Une ex d'Axl accroc à la came et à l'anaconda qui a fait sa niche au fond du moule-burne de Rose dans My Michelle.
Quelques odes brûlantes et malsaines au Dieu Brown Sugar, seule véritable divinité adorée par les Guns N' Fucking Roses au point d'en faire un thème central d'Appetite... avec Mr. Brownstone notamment.
Des souvenirs de cuites au mauvais vin avec Nightrain, une Pogo Song au final ébouriffant - qui m'avait valu un pif en sang dans une quelconque Messe Metal régionale - où Slash déboule un solo à 200 à l'heure dans un déluge de notes qui finit de te déchausser les trois chicots qui te restait (Paradise City).
Une Rocket Queen à la structure complexe, scindée en deux, avec pour césure quelques cris de jouissance féminine (dont la légende dit qu'ils auraient été enregistrés en cachette par Clink lors du culbutage d'une roadie par ce vicelard d'Axl) qui viennent érotiser la chanson et donner corps à cette Reine lascive.
Ces morceaux de bravoure Rock pour arriver à la sublime balade électrique Sweet Child O' Mine. Une montée orgasmique de 5:56 minutes qui se termine avec l'explosion vocale d'Axl qui se rapproche, dans un final vocal apocalyptique, de son idole Robert Plant et le solo de Slash - entré instantanément dans la légende - gorgé de feeling, craché dans une sorte d'illumination divine alcoolisée, saturé d'aigus cristallins et de Wah-wah sauvage. Sa Les Paul comme un sexe a six cordes pénétrant avec fougue ton oreille te refilant l'un de tes plus beaux orgasmes auditif.


Alors tout n'est pas parfait dans Appetite For Destruction ( quelques chansons ne sont pas forcément au niveau d'excellence de l'album. Think About You ou Anything Goes par exemple) mais les Guns s'offrent sans fard, dans toute leur outrance Glam, dans toute leur laideur Punk. Ils s' offrent nus, ils offrent l'instantanéité, la pureté du Rock'n'Roll à une époque où la superficialité régnait en maître.
Ils retrempent ce Rock dans la merde, dans la crasse des caniveaux Californiens ce Rock trop propre, javellisé par ces années de Soft Rock insipide et pernicieux. Ils le "resexualise", lui rendent les couilles que les Elton John ou Rod Stewart lui avait coupé durant le début de ces années 80.
Les Guns rendent la saleté, la dangerosité à un Rock trop bien coiffé pour être honnête.
Cette dangerosité qu'ils ne sauront maîtrisé et qu'ils les fera implosé en plein vol, en pleine splendeur quelques années plus tard, n'ayant finalement - comme tout bon Rockeur- su gérer leur propre gloire.


Les Guns N'Roses sont morts. Mais Appetite For Destruction est encore bien vivant lui.


Putain où j'ai foutu mon perf' moi ?

Ze_Big_Nowhere
8
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le 6 sept. 2017

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Ze Big Nowhere

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