Chronique d'une soirée pas comme les autres.

A l'instar d'Enter The Void, ou bien Las Vegas Parano pour les faibles, Amnesiac est pour la musique, l'album qu'il vaut mieux écouter dans un état second.
Je m'explique. Amnesiac n'est clairement pas l'album de Radiohead le plus abouti. Expérimental à souhaît, il n'en demeure pas moins qu'une certaine logique y est décelable. Et cette logique - du moins appelons-là comme ça - est bien plus évidente si vous êtes dans les canditions adéquates. Dans le genre, à la sortie de l'album vous aviez la vingtaine, et écoutiez pour la première fois cet album avec 4 de vos potes lors d'une soirée. Précisons que 2 d'entre eux, ne portaient pas Radiohead dans leur coeur.

"L'album commence. Vous ne rêvez pas, il semblerait bien que l'on entende des boîtes de conserves sur laquelle on tape doucement. Impression quelque peu confirmer par le titre de la chanson. Le "trip" commence. On se laisse doucement bercer par ses petits bruits répétitifs, jusqu'au "pont" (je sais pas trop si on peut appeler ça comme ça), l'espèce de solo de synthé quoi. On se surprend à imaginer des petits carrés qui bougent dans tous les sens, faisant accélérant le poul du coeur.
4 minutes plus tard, commence Pyramid Song. Une chanson qui, dans un état normal rend triste n'importe qui, alors dans un état second c'est pareil. En 4 fois pire. Alors on pleure, on pleure encore. Même si on ne sait pas vraiment pourquoi. Puis on se rappelle du clip de la chanson. Ce sublime clip. Et alors on se dit que si la fin du monde était maintenant, on se verrait bien monté aux cieux avec une chanson pareil.
On reprend ses esprits, et en passe à la piste suivante. Inutile de préciser que la mélodie de celle-ci a un effet assez puissant. Pendant quelques minutes, on ne sait trop où on est, mais le "pied" est bel et bien là. D'autant que les - furtives - paroles prononcées régulièrement acccentuent cette sensation. Les 4 minutes ne semblent en durer qu'une au grand maximum. Il faut se calmer.
Et cela tombe bien, la chanson suivante se nomme You and Whose Army. Une chanson dans l'ensemble assez calme. C'est difficile à expliquer, mais le début m'est toujours apparu comme la vision d'un homme soufflant sur une bougie, lorsque Thom prononce ses premières paroles. La fin, et les instruments qui s'élèvent est assez sensorielle, dans le sens où on aurait presque l'impression d'être au côté du chanteur, criant notre libération.
Et puis.. Et puis I Might Be Wrong débute. Chanson déjà "mortelle" à la base, le pied est terrible. On bouge en essayant de suivre la mélodie, mais on ne peut qu'essayer. Tout semble aller trop vite. Alors on se pose, et on se regarde nous 5. Avec le peu de conscience qu'il nous reste, on hoche la tête du mieux que l'on peut. On capte le message, mais nos yeux sont déjà ailleurs.. Arrivé à la fin de la chanson, les 40 secondes qui l'achèvent, toutes calmes, font du bien.
La 6ème chanson commence. La tension s'apaise. La voix douce de Yorke, la mélodie qui l'entoure sonnent un brin nostalgique. Alors, on se voit bien dans une voiture, la tête et une main à l'extérieur, bercées par le vent, avec une vue sur un grands prés, une belle journée d'été. Et pendant ce temps-là, on pense à des souvenirs - d'enfances, ou bien plus tard encore - qu'ils soient tristes, ou joyeux au possible. On devient, comme Thom, nostalgique. Mais un sourire semble se dessiner. Après tout, on est heureux, là où on est.
Avant que tout le monde déprime, Morning Bell prend son envol. Je ne voudrais pas vous decevoir, mais cette chanson qui est déjà chiante au possible, et ce, que ce soit dans la version Kid A ou Amnesiac, est là aussi, ennuyante. Le temps passe un peu moins vite, alors on parle, on boit aussi.
Puis Dollars and Cents se fait entendre. Tout va mieux. Dès les premières secondes, à l'écoute des percussions, le voyage redémarre. On bade, assis sur le canapé, je ne les vois pas, mais je le sais. Puis viennent les 30 dernières secondes, la mélodie qui diminue petit à petit, on se redresse tant bien que mal, les pensées engourdies.
Au moment où on s'y attend le moins, Hunting Bears débarque. Le riff répété continuellement sur deux minutes semblent durer bien plus. Le temps n'existe plus de toute façon. Personnellement, si je devais dire à quoi me fais visuellement penser cette chanson, je dirai que ce serait des notes aux éclats jaunes, qui se dessineraient au milieu d'un monde, d'un infini tout rouge. Rouge brûlant.
Ensuite l'avant-dernière chanson de l'album débarque. Son intro, démentielle. Elle semble parvenir d'un autre temps. Un peut comme si nous étions sur une autre planète, de l'eau en train de bouillir dans une carafe - ou un bocal en verre transparent du genre - avec des aliens à nos côtés. Du moins je l'ai vécu comme ça, les autres je ne sais pas. Mais c'est une chanson qui "transporte" assurément.
L'aterrisage se fait en douceur sur Life In A Glasshouse. On redevient lucide au fil de la chanson, et on reste là, médusé, à écouter le "Someone's Listening In", interminable scandé par Yorke.
L'expérience est terminée. Gros dodo en perspective, et dur réveil qui s'annonce. Mais rien à regretter."

J'ai essayé de retranscrire au mieux cette soirée. Bien sûr, certains bades, se passent de mots, sont écourtés, ou ne peuvent être racontés, mais j'espère avoir été intéressant. C'était il y a une dizaine d'années (déjà ! ), mais cette soirée m'a bien marqué.

Pour conclure sur une note plus artistique, j'ajouterai qu'Amnesiac est un album qui est assez homogène, fidèle à son concept d'expérimentations. Y a juste quelques chansons en-deça des autres, et c'est sans doute ce qui lui donne ses imperfections. Mais il me rappelle une certaine époque, des gens qui ne sont plus. Je l'aime beaucoup en fin de compte.