Aja
7.5
Aja

Album de Steely Dan (1977)

      Le son d’une période. Période clé pour tous ceux qui ne jurent que par les arrangements d’orfèvre, les mélodies travaillées dans les plus petits détails, les chœurs qui caressent les nuages. Steely Dan est un groupe qui joue à fusionner les genres; il y a beaucoup d’influences. Et indubitablement, la pop-rock en sort grandit, la pop avec des harmonies jazzy, des ballades grises ou colorées. Et le brin de nostalgie, qui talent aidant rend le groupe indémodable, alors qu’il aurait dû depuis un moment être kitsch et démodé. Ça marche, parce que les chansons sont belles, pas trop éclatantes, mais très intimistes, et les arrangements prennent le pas, et ça donne un équilibre terrible, plus du jus à l’ensemble. Et là, rien n’est laissé au hasard. Instrumentistes de haut niveau invités, clichés harmoniques jazz-rock dans la variété-pop, décontraction et feeling, bel objet sombre et agréable à écouter: Black Cow. Avec le solo d’orgue électrique. Et la caresse des cuivres derrière... Du romantisme rock à l’américaine. C'est cool.


     C’est l’album d’une époque où on y croyait encore, malgré tout. Aja. Avec cette chanson titre qui me rappelle ostensiblement les Beatles, mais les Beatles avec un truc en plus, plus sérieux. On y croyait au point de faire de la musique instrumentale, et de librement chanter dessus; on n’avait pas peur de développer au maximum une chanson, de la faire évoluer, et d’inviter un jazzman, qui va faire un solo de sax impromptu en plein milieu. Varier les matières sonores, sans jamais prétendre à l’absolu, seulement la nécessité de la chanson. C’est pour ça que ça reste agréable à écouter, c’est toujours confort. Sacrée époque, où le rythme était au service, et non pas le principal objet. Ralentir, relancer, gérer le moment de silence, rester zen. Jazz-rock. Improviser en restant sur la route. On savait se donner les moyens, et le temps de… fade out. Aja. Démonstration à la batterie. Et les ondes mystérieuses qui terminent le morceau…mystérieusement.


      Une époque où on avait le blues, mais pas celui qu’on croit. Pas celui du bluesman, mais celui des années 70 qui sont loin maintenant, (on est en 1977). Deacon Blues. Cuivres larmoyants, couplet enchaîné au refrain, comme pour faire encore plus corps avec les sentiments exprimés. Pour ceux qui aiment rêver sur des ballades à l’eau-de-vie, ceux qui flanchent pour la partition des voix féminines, pour les nuages gris qui tournent au bleu. Chansons simples, savamment orchestrées, qui révèlent des trésors de complexité. Et ça s’accélère soudain.


   Peg. Steely Dan se la joue funky. Et ça sonne sacrément bien ! Je suis en train de danser. Le parfait tube, qui a dû tourner sur toutes les radios qui en ont. Avec le sax, mais pas trop, un petit riff, just'un riff, à l’économie, mais indispensable. Sans ça, le morceau ne serait plus du tout le même « ….Come Back To You »…très beau. Je chante aussi. Home At Last. La pop puissante, qui me rappelle certains Supertramp, ou les trucs dans ce genre. Et encore une fois le score d’orchestre, qui mérite qu’on jette un coup d’œil sur ce petit bijou à la pochette très discrète. AJA. Il cache bien son jeu cet album. De la mélodie, on en a, chaque morceau en regorge. Le batteur est à la fois débridé, et sous contrôle. J’adore.


   I Got The News. Des lignes très franches, mais le tout en demi teinte, pas explosif, et ça correspond parfaitement au concept, au projet. Le piano qui pimente le groove, et la voix terrienne de Donald Fagen, directe, sans chi chi. La pop reprend ses droits. Josie. Un morceau un rien rythm and blues, mêlé au rock-blanc, digéré, épuré, un brin de variété. Il y a de la variet qu’elle est bonne, faut pas croire. Quand la pop frétille avec le jazz, c’est la pop qui gagne cette fois-ci. Le swing se transforme en groove, et avec une certaine mélancolie qui donne une patte particulière, assez savoureuse. Fagen (claviers, chant), et Becker (guitare, basse), mènent leur obsession du mixage, de la production, et du mastering, à un point tel qu’on pourrait parler de maniaques. Et le résultat est à la hauteur, tant et si bien que cet album est souvent cité en référence par les audiophiles. Quand ils veulent un bon disque pour tester leur système haute fidélité, se décrasser les oreilles, et voir ce que leur machines ont dans le ventre. Ils citent souvent : Aja. Pronocez: Asia.

Angie_Eklespri
9
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le 4 mai 2016

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Angie_Eklespri

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