Avec le concerto pour piano n°1, le concerto pour violon de Tchaïkovsky est sans doute l'une des œuvres les plus représentatives de l'esprit des compositions de cet immense musicien. Toute l'intensité dramatique, tout le romantisme, toute la puissance dont son écriture se faisait la messagère sont contenus dans cet incroyable concerto, rappelé au bon souvenir des mélomanes par le film Le Concert.

Exprimer ce concerto, c'est exprimer l'œuvre entière de Tchaïkovsky, tant il a réussi à résumer ici ce qui a fait et fait encore son originalité et sa grandeur, à savoir un étonnant mélange de douceur et de puissance. Ce concerto débute par un violon qui s'exprime pendant plusieurs minutes presque entièrement seul. L'écouter c'est entendre tout le romantisme et la douleur de l'âme slave, c'est se sentir déchiré et frappé au cœur par une succession de sentiments contradictoires. Les plus sensibles des mélomanes auront certainement quelques larmes naissantes tant l'émotion est présente dans ces premières notes. Puis vient, au bout de quelques minutes l'explosion flamboyante, cet orchestre rugissant, grandiose, qui envahit et submerge de sa richesse le violon et qui laisse sidéré face à une telle force. On comprend alors ce que signifient ce mélange et cette puissance romantique qui lui sont propres.

Contrairement à l'oeuvre de Wagner, toute en grandiose, en grandiloquence même, Tchaïkovsky n'a eu de cesse de faire le pari qu'il pouvait laisser s'exprimer un orchestre fortissimo, sans pour autant donner l'impression que cela devait se faire au moyen d'un rouleau-compresseur. Il y est parvenu souvent et dans son concerto pour violon, il a atteint la perfection. Les instruments sont lâchés, exprimant toute la violence dont sont capables les musiciens, mais jouant avec un souci permanent de la beauté, de la grâce et de la sensibilité. La mélodie est absolument magnifique, inoubliable. Le chœur de violons ayant bien entendu la préférence, il domine. Car depuis toujours, quel instrument mieux que le violon a pu raconter et raconte toujours si justement la Russie ?

Revient le violon seul, il reprend ses droits puisqu'après tout, c'est son concerto. Il se fait soudain plus douloureux, plus mélancolique presque implorant. Il vibre sur notre corde sensible , tentant à nouveau de nous faire pleurer mais semble parfois vouloir se faire plus léger, joyeux, aidé dans ces moments par un orchestre qui tente de revenir, de reprendre sa place, mais n'y parvient pas.

Ce concerto est un déchirement pour l'âme, un coup de cœur et un coup au cœur. Il est le chant d'une nation, la photographie mélancolique d'un paysage hivernal de désert blanc, il nous raconte l'Histoire d'un peuple qui, bien malgré lui, semble avoir une prédisposition pour le malheur. On ressent ce concerto, on le vit, on pleure face aux émotions, face à la beauté universelle d'une musique qui a traversé deux siècles et poursuit son œuvre bienfaitrice de nous rappeler sans cesse au Beau.
Jambalaya
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le 23 mars 2013

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