Ma vieille critique en attendant une update éventuelle...

Voici l'album que j'ai écouté en 2005. Je l'ai attendu, extraits par extraits, et avant même de l'obtenir entièrement il avait une grande place dans mon coeur.

Je posterai prochainement les paroles du livret, pour que tous et toutes ceux qui n'ont pas acheté le CD puissent avoir une idée de ce qui est raconté. Il s'agit de mythologie azthèque, du 11 Septembre, de Don Henley guitariste du groupe Eagles qui aurait FM-isé le rock'n roll. Une jolie affaire à suivre, n'est-il pas?

Que rêver de mieux en effet, lorsqu'on "suit" un artiste ou son oeuvre, d'y retrouver rassemblés l'histoire/mythologie(Aztèque), la politique/philosophie(le 11/09/01) et le procès des pratiques de la culture musicale(Eagles). Bien sûr il s'agit essentiellement d'un focus américain, d'ailleurs mis au point par un artiste américain, mais on sait aujourd'hui, surtout quand on écoute de la musique "populaire" (non classique), que les yeux sont braqués depuis environ 70 ans sur l'Amérique du nord. On peut suggérer que l'hégémonie américaine a pu placer sa culture au centre de la culture du riche, de la culture dite "occidentale" (mais on devrait dire "du Nord"). Cependant, il y a aux Etats-unis une violence dans la culture, et même une culture de la violence, c'est à dire de la liberté, sauvage et impétueuse, dymanisante et génocide. Je citerai alors la formidable puissance de résistance de l'esclavage et de la ségrégation qui a donné le blues et le jazz, le déni total des conditions de vie de l'humain qui a donné le taylorisme (foyer culturel qui rayonne encore sur nous de ses griffes sublimes et délicieusement scarifiantes), le culte des armes à feu qui serait le point commun entre les fiches du premier redneck venu et de William S. Burroughs (écrivain héroïmane de SF, auteur du Festin Nu, totalement paranoïaque et fasciné par le hasard, qui tua sa femme d'une balle dans la tête en voulant toucher un objet qu'elle tenait volontairement sur sa tête pour qu'il le pulvérise)... Les exemples sont très nombreux...

Avant de poursuivre et de parler de l'album, je voudrais évoquer les vidéos qui ont été faites sur certaines de ses chansons, et qui se trouvent sur youtube. L'ensemble de l'album a été couvert et est disponible en DVD-R, mais le réalisateur, James Sumner, semble rester insensible à mes demandes d'envoi donc j'en conclus qu'il ne veut pas les envoyer hors des Etats-Unis.
Voici donc l'adresse de son compte où vous trouverez quelques vidéos de cet album: http://www.youtube.com/user/jamessumneriii
Je me bornerai pour l'instant à laisser ce lien au lieu de commenter ces films à la va vite (ils méritent sans aucun doute mieux que ça, comme tout film).

Comment parler d'un album qui me touche? Dois-je chercher à "vendre", à susciter le désir de l'acquérir/écouter? Ou l'analyser simplement? Décrire mes frissons, mes larmes de joie, mes râles de bonheur, mes contorsions de plaisir, mes tours de chant improvisés dans le métro, mes moments d'introspection plongé dans les oreillettes lorsque j'étais dehors, ma stupeur de redécouvrir la teneur de l'album et de la voix à chaque nouvelle écoute? C'est déjà fait, je ne vois pas bien ce que je pourrais dire à ce sujet. Et de toute façon, ça ne vous intéresse pas, vous n'êtes pas moi et je ne suis pas vous. C'est une affaire entendue.

Je pourrais aussi le décrire, expliquer comment l'on traverse l'album "comme un voyage", jurer que ce n'est pas qu'un cliché mille fois entendu, qu'on part d'une ambiance qu'on a vraiment ressenti à une autre ambiance qu'on se prend vraiment en pleine tronche. Je pourrais aussi souligner la présence de: voix, choeurs, percussions hip hop électroniques et concrètes (cloches orientalisantes par exemple), samples abstraits, ensemble orchestral, guitare électrique et 12 cordes déstructurant plus la musique qu'elles ne l'ordonnent.... Cependant, il serait malhonnête de tenter de vous impressionner avec ces éléments: ce serait nier tout ce qui a déjà été fait en termes de richesse de textures musicales cette année, l'année d'avant et ce non seulement en musique dite "populaire" (pour faire simple, mais je n'adhère pas à une critique de cette musique) mais d'autant plus en musique classique.

Que reste t-il à écarter..... Je pourrais gloser sur les conditions de production, dire qu'un opéra a été écrit et interprêté en entier avant d"être complètement découpé en petits morceaux (donc samplé) pour servir de support à un solo de percussions d'une durée de 56 minutes, totalement occulté par le chanteur qui s"époumone et se double lui-même la voix. On pourrait me répondre que la plupart des gosses vont sûrement se tapper un trip beaucoup plus excellent en écoutant "au clair de la lune". En effet, la sophistication de la musique ne traduit pas forcément une plus grande préparation (qui sait combien de siècles la mélodie d'au clair de la lune a mis pour devenir la simple et harmonieuse, mécanique enfantine qu'on connait?). Et puis il faut dire que : plus de sophistication n'assure pas nécessairement plus de plaisir émotionnel ou même plus d'introspection à l'écoute. Cet album, The Getty Address, joue avec nos sens. Il est donc très possible qu'il émeuve un enfant, mais un enfant pré-socialisé, sans préjugés musicaux puisque cet album accumule les "casseroles".

Je me dis que sans doute je ne pourrais pas faire grand chose sans les paroles... Pourtant je peux m'appuyer sur l'apparence des conditions de productions (dont je n'ai pas parlées, n'est-ce pas? j'aurais pu, mais je ne l'ai pas fait, je n'est parlé de rien jusqu'ici). L'idée que la musique orchestrée et les choeurs sont découpés en petits bouts, et servent de support à un solo hip hop traduit déjà une certaine violence. Violence de la vie, du présent, envers le passé, la tradition? Violence de la machine au cycle/rythme implacable envers l'humanité et la poésie?
Et pendant ce temps-là, le chanteur occulte tout ça, en bon post-moderne, surfant sur ce combat sanguinaire, d'une voix de crooner enjouée et tragique (la tragédie est une joie, lorsqu'on accepte la fatalité et qu'on célèbre la force de Pan, la nature, les dieux et le cosmos, qui nous soumettent, comme Nietzsche et Wagner nous le montrent bien). Il serait, je pense, naïf, de penser que quelqu'un a fait tant d'efforts à construire un opéra, le découper en petits bouts, pour concéder à la modernité, à la machine des temps industriels, le poids d'une fatalité. L'industrie est tellement riquiqui en comparaison de l'histoire de l'humanité et de même au regard de la poésie. Mais on peut voir la machine de notre siècle, ou l'ordre du capitalisme, comme l'héritier de la technique. Il serait, en effet, beaucoup plus pertinent de considérer cette lutte entre l'humanité et la technique. Je ne vais pas fouiller celà beaucoup plus. Mais, rien qu'avec ces pistes là, je crois que l'on peut valider les thèmes évoqués: la culpabilité du rocker soumis à l'industrie du disque, la spiritualité des azthèques, le 11 septembre prix ou symptôme du règne capitaliste (prix de l'hégémonie ou symptôme de l'adoption au moyen-orient, de la logique de spectacle et de profanation symbolique très capitalistes de la façon dont le sont les américains).

Finalement, le discours est intégralement structuré autour de la dimension symbolique: spiritualité contre technique, rock'n roll contre mercantilisme, occident de la technique et du spectacle contre un orient à échelle humaine en disparition, ce qui se traduit par l'opposition du rythme et de la trame musicale. Le chanteur, en visiteur ému, remet en scène le tout et adopte la position tragique, en semblant occulter le rythme ou parfois la trame musicale orchestrale, comme s'il pouvait faire feu de tout bois, surfant sur l'opposition de la technique et de l'esprit, existant de tout temps.

C'est un peu bancal pour l'instant, un peu effacé, mais j'en dirai plus quand j'aurai les paroles. Cependant, il faudrait que je puisse commenter chaque passage de texte ou de chant au regard du traitement sonore, de la musique, etc. Ce n'est qu'à ce moment là que je pourrais arguer que j'ai analysé, avec mes moyens, le disque, et compris intellectuellement cette construction artistique.

Mais ça ne serait de toute façon pas représentatif de ce que j'ai ressenti quand j'ai écouté ce disque et que je l'ai aimé. Ca pourrait l'expliquer dialectiquement, de façon établie. Mais il n'est pas certain que j'ai réellement saisi, quand je l'écoutais au début, l'oeuvre dans cette entièreté de sens à laquelle je tend entièrement. Je me suis mis à suspecter qu'il y avait sûrement un sous-texte, quelque chose que j'ai compris inconsciemment, intuitivement, de façon SENSIBLE.

Et on y vient: une oeuvre d'art est "comprise" de façon sensible, intuitive, avant d'avoir besoin de reformuler son discours et son but. On peut "comprendre" l'art sans les neurones, c'est évident. Mais on comprend l'oeuvre comme on veut, on peut très bien ne pas la comprendre dans le sens où l'artiste l'avait élaborée. Il n'est d'ailleurs pas certain que mon commentaire serait validé par l'auteur, sans doute pas (d'abord parce que je pense moi même m'être trompé à plusieurs reprises). Quelle valeur donner à "une" compréhension d'une oeuvre? Je dirais qu'on ne peut pas donner à un commentaire une valeur vis-à-vis d'une oeuvre, mais qu'au contraire celà a une valeur pour nous, les humains, qui gravitons autour des oeuvres d'art. Mon idée personnelle, ma "trouvaille", ma conclusion sur le problème de l'interprétation est celle-ci: il faut laisser à une oeuvre le bénéfice du doute, qui n'est jamais que notre doute vis à vis d'elle, et s'enrichir soi même en se nourrissant de la sueur des oeuvres d'art qui sont sensibles donc transpirantes. Ainsi, la sueur des artistes est un aliment spirituel de l'humanité qui est transmis par l'intermédiaire de l'oeuvre d'art. Voilà pourquoi une oeuve d'art n'est pas un produit: sa géométrie échappe à tous, même à son créateur, et on sait bien qu'on ne peut pas envisager un produit sans emballage, sans une forme qui lui sied et permette de la quantifier.

Pour me résumer: celà lui fait rien, à l'oeuvre, que je la commente. Vous n'avez pas remarqué comme ça ne lui fait rien? Elle s'en tappe que je la commente! Ca m'est surtout utile à moi-même: je me rapproche de ma sensibilité (on pourrait croire que je veuille la disséquer, mais disons que j'apprends à la respecter, que j'explore ma subjectivité, ce qui me permet d'avoir moins honte de mes fautes de goût en société, du fait que je n'aime pas tel artiste "génial" et que j'aime tel autre artiste "nul"). Celà vous montre aussi l'exemple, et comme on parle de la même oeuvre, ça ne veut pas dire que c'est la même chose qui vous a fait vibrer mais ça peut vous donner des pistes, et vous pourriez vouloir me contredire, me montrer que j'occulte en fait le plus important.

The Getty Address ne m'a pas parlé de tout ça. Et non je ne vous en donnerai pas pour votre argent en concluant sur le disque, genre "achetez donc ce disque pour poursuivre l'aventure intellectuelle" ou "en tous cas je suis loin d'approcher ce que ça fait d'écouter ce disque alors faites-le vous-mêmes". Non, à la limite, je crois que ça ne me dérangerai pas que quelqu'un vienne me répondre sans avoir écouté le disque, parce que je considère que c'est plus important, à notre époque en tous cas, d'interroger son goût pliutôt que d'être un bon client. Ca permet d'apprendre à se respecter et à respecter l'art et le sensible en général. On y gagne beaucoup plus à parler d'une oeuvre et de son contenu que de crier "achetez-le" (chacun dans son coin) (enfermés en tant que consommateurs) (ignorés des autres et de l'artiste) (tellement reconnaissants et honteux d'être de simples observateurs) ...... Non, non c'est vraiment ça que je voudrais que le patient lecteur de ce commentaire comprenne et retienne, voire discute.
Jonathan_Suissa
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le 24 déc. 2011

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Jonathan_Suissa

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